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Billet de blog 31 octobre 2013

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Dolto : complément au point final

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Comme c'était trop long pour passer en commentaire dans le billet précédent
http://blogs.mediapart.fr/blog/yann-kindo/291013/dolto-une-mise-au-point-final
 je poste un nouveau billet qui répond aux principales objections qui m'ont été opposées, et j'en remets une couche.
Je pars donc du commentaire de Marc Tertre auquel je voulais répondre et qui, c'est bien pratique, résume très bien tout ça et est écrit de manière intelligible. Il part d'une de mes expressions et commente ensuite :
"l'entreprise générale de démolition de votre icône,

Ca montre l'objectif du billet. Et ses limites Car il s'agit de "démolir", pas de tenter d'évaluer objectivement une pratique.

Il se trouve que Dolto  a été une "icone" pendant une bonne vingtaine d'année au niveau de l'éducation enfantine. Dont il n'est pas question dans ton entreprise de démolition, bien entendu.

Elle a sorti des tas de bouquins, largement diffusés et qui  ont servi (en bien ou en mal) à des tas de parents. Elle a fondé des institutions (les fameuses "maisons vertes" que j'ai testé) Dont il n'est pas question dans ton entreprise de démolition, bien entendu.

Et elle a élaborée des théories qui sont simples a comprendre, simple a discuter : l'affect comme support de la conscience (ce qui sera ensuite amplement développé par des scientifiques comme antonio Damascio) "le bébé qui est une personne" (même si elle n'a jamais prononcé l'expression), le "complexe du homard", etc. Dont il n'est pas question dans ton entreprise de démolition, bien entendu

Concernant Didier Pleux,  pourquoi ne pas rappeler que le principal grief qu'il fait à Françoise Dolto est la "permissivité" (qui me semble par ailleurs bien imaginaire) via une conception de l'éducation comme "retour à l'autorité". Sauf que de l'autorité à l'autoritarisme, il n'y a qu'un pas, souvent vite franchis.

Bref, il est sans doute possible (et en tout cas légitime) de critiquer Françoise Dolto. Mais pas avec cette méthode de cirque, qui consiste à "défoncer l'icone" et a renverser les quilles comme lors des fêtes populaires."


  Voici ma réponse :
1) L'argument de la haine : "tout ce que vous voulez faire c'est démolir, c'est pas objectif et équilibré " :


=> Cet argument, classique dans la défense des freudiens, est en soi complètement nul, il n'a aucun intérêt. Oui, étant donné que je considère la psychanalyse comme arrivant 1ère ex aequo avec le stalinisme parmi les grandes escroqueries intellectuelles du XXe siècle qui ont pu fasciner la gauche [et affaiblir ainsi les positions de la psychologie scientifique ou du communisme], oui, évidemment, mon but est de démolir cette escroquerie parce qu'on vivrait mieux sans (idem pour l'astrologie, le catholicisme, l'homéopathie, etc). Et je veux le faire non pas en interdisant, mais en convainquant par des arguments. Donc, je renvoie aux arguments sur le fond, le reste, sur les motivations, ça n'a aucun intérêt. J'imagine aussi que si quelqu'un faisait sur Médiapart un billet pour "démolir" Eric Zemmour par exemple, il y aurait sans doute peu de réponses du type : "certes, il y a des problèmes  de racisme et de sexisme avec Zemmour, mais on ne peut pas le juger seulement sur ses mauvais côtés, il faut être équilibré..." [quoique, Mélenchon, qui trouve que Zemmour est un grand intellectuel, viendrait peut-ête balancer un commentaire de ce genre]
2) Sur le : "il y a du bon et du moins bon chez Dolto"

 
=> Moi, ce qui m'intéresse, c'est de montrer que parce que freudienne, c'est à dire adepte d'une idéologie antiscientifique particulièrement sexiste, Dolto en arrive dans son champ à dire d'immenses conneries particulièrement dommageables pour les parents et les enfants si elles sont prises au sérieux et appliquées avec une constance exclusive. C'était l'objet de mon billet, à travers le compte rendu du bouquin de Didier Pleux.

 Maintenant, sur la place de Dolto dans son époque et tout ça, je suis pas spécialiste, mais voici mon impression : Dolto a été portée par une époque qui poussait (fort heureusement) à la remise en cause de schémas autoritaires dans l'éducation, et la popularité de la psychanalyse freudienne en France avec la vague lacanienne lui a permis de devenir quasi hégémonique pendant toute une période [comment peut-on me rerprocher comme le fait Marc Tertree de ne pas tenir compte du fait qu'elle a été "une icône de l'éducation enfantine", alors que précisément le billet part de ça pour dire que c'est un problème ???!!!!]. Est ce que ça veut dire que c'était la plus intéressante des "pédagogues" qui allaient dans le même sens au même moment ? Certainement pas.
Comme Pleux qui sait mieux que moi de quoi il parle, j'ai a priori bien plus  plus de respect pour les figures "libertaires" de Neill ou Montessori [même si à mes yeux c'est  plutôt  des hippys pas vraiment sérieux, mais je ne vois pas en eux des fous dangereux], ou plus encore pour Freinet, qui arrive avant Dolto par ailleurs (c'est comme pour Freud, la légende psychanalytique a construit une image de précurseur génial qui est totalement usurpée). L'argument de Marc Tertre selon lequel quand on critique la permissivité de Dolto on est sur la voie de l'autoritarisme est un truc réthorique aussi con que de dire que quand on veut collectiviser on est sur la voie du Goulag.
Pour ma part, par exemple, quand un vieux con de décroissant réac comme Paul Ariès attaque le pédagogue Phillippe Meirieu avec des arguments qui sentent le Moyen Age rance comme tout le reste de sa pensée, je suis pour défendre fermement Meirieu contre la réaction autoritaire
cf le dernier paragraphe de ce texte :
http://www.imposteurs.org/article-la-decroissance-ou-la-gauche-reactionnaire-par-luc-marchauciel-43606452.html 
Aucune envie de faire la même chose pour Dolto, cf la suite
3) L'apport de Dolto : l'enfant comme une personne
=> Parce que avant Dolto les gens considéraient les enfants comme des animaux domestiques ?
Là non plus, je suis pas spécialiste, mais mon impression est que encore une fois Dolto n'invente rien, qu'elle est portée par un mouvement de fond, et que ce qu'elle apporte en plus et qui lui est propre est un dogmatisme dangereux.
Je me souviens, de mes cours d'histoire à la fac,  que le regard de la société sur l'enfant dans les pays industrialisés a changé avec l'enrichissement des sociétés et la modification des conditions de vie. Au Moyen Age, l'enfant et même le bébé ne sont vus que comme des adultes "en petit", et l'iconographie est très éloquente sur ce point (les gosses sont dessinés avec des visages d'adultes, même les bébés, mais en petit.). Avec la baisse de la fécondité et les transformations de la famille, notamment sous le capitalisme, le regard change sur les enfants, l'amour parental change de forme et "s'approfondit" à partir du moment où on ne perd plus autant d'enfants en cours de route [c'est vraiment horrible, la modernité] , et on assiste pendant les dites "Trente Gorieuses" à la naissance de l'adolescence au sens moderne du terme. Tout cela pousse à la prise en compte de l'enfant comme une personne, si c'est cela ce que ça veut dire, pas besoin de Dolto pour ça. [pardon pour ce regard matérialiste sur l"hsitoire des sentiments , les freudiens auront du mal avec ça]
Par contre, ce que fait Dolto, comme Pleux le montre très bien, c'est de pousser la logique à l'extrême selon le couplage permissivité des parents/autonomie de l'enfant. D'une certaine manière, c'est une régression au stade d'avant, quand l'enfant était considéré comme un adulte en petit [là aussi, elle est d'une certaine manière "réactionnaire", ça va bien avec ses positions sur l'avortement]. Et elle le fait d'une manière qui poussée dans les limites dans lesquelles elle plonge elle-même est  particulièrement sordide.
Et donc, puisque personne parmi les Doltolâtres ne veut se coltiner ses positions sur l'inceste/viol parental, qui rpeosent sur  cette idée d'une "complicité" des enfants [ben, oui, ils sont des personnes comme les adultes, alors.... Il y a  là aussi sans doute un vieil héritage freudien primitif de la "théorie de la séduction"], je vous en remets une couche avec un nouvel extrait de son livre d'entretien avec une juge. Attention, ouvrez bien les yeux, et essayez de  ne plus éteindre votre cerveau au même moment [c'est moi qui souligne dans le texte qui suit, pour attirer l'attention des mal voyants sélectifs]:

[Source : "l'enfant, le juge et la psychanalyste"; entretien  entre F. Dolto et A. Ruffo; Gallimard; 1999]
page 87:        
Dr Dolto:   "...les enfants doivent être avertis, prévenus, avertis de leur rôle, de  leur coresponsabilité, de leur complicité: "Bien, tu savais, alors  pourquoi l'as-tu fait ? Bon, maintenant tu diras à ton père ou à  ton grand-père que c'est défendu, que tu m'en as parlé et que c'est fini   maintenant entre  vous."       
  la juge:  " Et est-ce qu'il est utile pour les enfants qu'il y ait un  jugement  social, que l'enfant soit déclaré victime ?"        
Dolto " Non, justement c'est très difficile parce que ça le marque pour  la vie.  Si ça se passe à huit-clos, entre l'enfant et les parents, c'est      beaucoup      mieux. C'est bien dommage ce qui s'est passé. Il faut dorénavant   que ce soit  terminé et que ça ne soit pas toute une histoire. Ce sont des  choses qui se  passent dans le cabinet du psychiatre ou du médecin qui justement   le garde en   secret professionnel. Il travaille avec les parents pour ce      dérapage dans leur      vie imaginaire. C'est toujours sous médicaments ou sous alcool que  les choses  se sont passées."   [ha bon, ? elle a des statistiiques là dessus ? Elle a étudié le sujet ?]
On retrouve là sans doute le bain idéologique catho qui était celui de Dolto, avec cette volonté de régler la question de la pédophilie dans le secret du confessionnal (ou du cabinet de Dolto) plutôt que en justice.... Vous n'imaginez pas certaines scènes qui ont dû se passer dans le "cabinet" de Dolto, sur cette base  ?
Allô, vous êtes encore là ? Quelque chose à dire là dessus ? Il y a du bon et du moins bon ?
Vous ne voyez toujours pas la cohérence entre ça et le reste de son oeuvre ?
[La fin des vacances approche, ce sera sans doute ma dernière contribution sur le sujet, et je crois avoir dit tout ce que j'avais à dire.]
Yann Kindo

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