Yannick BOREL (avatar)

Yannick BOREL

Escrimeur International

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 10 octobre 2020

Yannick BOREL (avatar)

Yannick BOREL

Escrimeur International

Abonné·e de Mediapart

Le Chevalier Saint-Georges

Joseph Bologne de Saint-Georges dit le «Chevalier Saint-Georges» est une figure historique française qui gagnerait à être plus connue. Le «Black Lives Matter» va peut-être aider à mettre en lumière son parcours assez improbable pour l'époque. Il révèle une France du 18ème siècle plus complexe qu'il n'y paraît. Il constituerait surtout un exemple inspirant qui tordrait le cou à quelques clichés.

Yannick BOREL (avatar)

Yannick BOREL

Escrimeur International

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Il y a quelques temps, j’ai découvert un personnage historique assez remarquable. Un contemporain de Louis XVI et des Lumières. Un guadeloupéen comme moi-même, escrimeur comme moi-même et compositeur virtuose de musique classique (désolé la comparaison s’arrête là).

Joseph Bologne de Saint-Georges est un antillais probablement né en Basse-Terre, en 1745. Il est le fils d’un planteur d’origine néerlandaise et d’une mère noire esclave. Ses parents se sont installés en Métropole alors qu’il n’avait que 7 ans. Conformément aux lois de l’époque, il est arrivé en Métropole en tant qu’homme libre (l’esclavage y était déjà interdit). Grâce aux ressources de son père, il reçoit alors une instruction assez aristocratique et se révèle à la fois doué pour l'escrime et pour la musique.

Commence alors un parcours assez exceptionnel. Saint-Georges  sera un véritable champion d’escrime de son époque. Sous la tutelle du maître d'arme Nicolas Texier de la Boissière, il développe une dextérité que l'on qualifie alors d'« inimitable ». Il remporte quelques duels assez mémorables dont un match à Londres devant le Prince de Galles qui contribuera à sa renommée. Mais c'est finalement en tant que compositeur classique qu’il connaîtra ses succès les plus retentissants. Il est même pressenti pour occuper la fonction de Directeur de l’Opéra Royal, une charge qui lui sera finalement refusée probablement à cause de sa couleur de peau. Saint Georges sera aussi plus tard un personnage de la Révolution Française. En tant que militaire, il prendra la tête d'une légion à son nom dont les victoires sur les champs de batailles contribueront à repousser les assauts des grandes puissances européennes. 

J’apprends que le Groupe Disney vient d’acquérir les droits cinématographique d’un biopic qui lui sera consacré… A l’heure du Black Lives Matter, ce parcours quasi inimaginable pour l’époque est tout bonnement fantastique ! J’avoue ne pas comprendre pourquoi un tel personnage est si peu mis en avant dans notre « roman national ». Quasi absent de nos livres d’Histoire, il faut bien admettre qu'il était un peu tombé aux oubliettes.

Comment expliquer cela ?

Le chevalier Saint-Georges a été victime d’un phénomène que les anglo-saxons appellent le « white-washing ». Ses mérites et une bonne partie de son oeuvre musicale ont été mis au placard après sa mort. D’ailleurs, les archives le concernant sont souvent incomplètes. Quelques doutes subsistent encore sur sa date exacte de naissance, l’identité de son père ou ses accointances de son vivant… Entretenir l’héritage d’un français de couleur à la fois génie de l’escrime et virtuose de violon aurait de toute façon fait désordre alors même qu’on tentait pendant 2 siècles encore de justifier l’esclavage puis la colonisation.

Illustration 2

Aujourd’hui, on veut nous expliquer que la mémoire est une matière figée, que les statues d’hier sont indéboulonnables aujourd’hui et que la France assume « tout » sauf peut-être de ne pas avoir assumé une partie de son passé pourtant si précurseur à l’époque... C’est finalement Hollywood qui s’apprête à rendre à ce personnage un juste hommage.

Mon parcours d’escrimeur n’a rien d’unique. 250 ans avant les Flessel, Jeannet, Robeiri ou Lucenay, un escrimeur originaire des Antilles-Guyane faisait déjà parler de lui en Europe. Je laisse les historiens débattre de la place qui doit lui être faite dans nos manuels. En revanche, à défaut de supprimer l’héritage funeste de tous ceux qui ont participé allègrement au commerce triangulaire, j’appelle à ce qu’on mette plus en avant les Saint-Georges ou encore Dumas (père) qui démontrent que notre pays a parfois été étonnamment avant-gardiste. Leurs vies et leur parcours comptent. Ils sont là pour nous rappeler que notre présence ne date pas d’hier et que le combat pour une France plus juste vis-à-vis de toutes ses composantes ne doit pas être un éternel recommencement.

Illustration 3

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.