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Billet de blog 4 mai 2013

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La folie immobilière

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Même si les causes de la crise sont beaucoup plus profondes, et j'y reviendrai plus tard, le chemin emprunté pour y arriver fut dans beaucoup de pays le même: une bulle immobilière. Je ne reviendrai pas sur l'article prophétique de "The Economist" In come the waves, qui avertissait dès 2005 des dangers de la hausse des prix de l'immobilier pour l'économie. Dans une présentation récente de Richard Koo, on peut voir le graphique suivant:

Il est frappant de voir une relation presque de conséquence entre l'ampleur de la hausse des prix de l'immobilier et la profondeur de la crise qui a frappé les différents pays. Avec un peu de mémoire, on peut aussi se rappeler que jusqu'en 2005, l'Irlande surtout, mais aussi l'Espagne, étaient présentées comme les modèles à suivre pour l'Europe: fort taux de croissance, finances publiques en ordre, dette publique faible, taux d'impositions faibles. La nouvelle Europe montrait la voie à suivre en préparant sa chute. Pour comprendre la manière dont ça s'est passé en Espagne, il y a même une excellente vidéo (http://www.youtube.com/watch?v=xWrbAmtZuGc). Pour résumer, au début des années 2000, pendant que des pays investissaient dans la compétitivité, d'autres augmentaient l'endettement des ménages pour accélérer la consommation et créer une demande temporaire, qui ne durerait que tant que les prix de l'immobilier augmenteraient. 

En France aussi

Le cas de la France n'est pas aussi caricatural, après tout, les prix de l'immobilier n'ont été multiplié que par 3 et quelques (donc, entre la Grèce et l'Espagne, d'après le graphique précédent) depuis 1995, ce qui est somme toute relativement sain. Rappelons-nous des débuts de la crise, et de la France immunisée grâce à sa forte consommation (parfois qualifiée de miraculeusement résistante), nous n'avons strictement rien à craindre, et il n'y a aucune raison de paniquer. Tant que les prix de l'immobilier augmenteront. 

Il faut dire que les gouvernements successifs, entre loi de Robien, dispositif Scellier, et maintenant loi Dufflot, n'ont pas hésiter à mettre beaucoup d'argent public sur la table pour s'assurer que les prix augmenteraient. Les professionnels de l'immobilier estiment qu'environs 45 milliards d'euros sont dépensés par an en France pour soutenir les prix de l'immobilier: aides au logement pour pouvoir payer des loyers devenus exhorbitants, au détriment de la classe moyenne qui n'en bénéficie pas, prêts à taux zéros pour boucler le budget d'un prix d'achat trop élevé par rapport aux revenus, niches fiscales sus-citées pour encourager les classes supérieures à investir dans l'immobilier locatif. Il n'y a peut-être pas assez de logements en France, mais à raison de 50m²/personne, et de 2000€/m² de coût de la construction, ces diverses aides pourraient être utilisées à la place pour construire des logements pour 450 000 personnes par an. Et ces chiffres correspondent à de vastes appartements (avez-vous 50m² par personne dans votre logement ?) avec des coûts à la construction haut de gamme en BBC. 

Je trouve toujours étonnant de constater que sans hausse de dépenses, et même avec des recettes supplémentaires  s'il prenait  envie à l'État de louer plutôt que de mettre à disposition gratuitement ces logements, on pourrait résoudre avec une simple réorientation des dépenses le manque de logements en France. Bien sûr, une telle ré-orientation aurait un handicap majeur: elle diminuerait les revenus des propriétaires actuels, et donc ferait baisser la consommation. Notre fameux miracle français. La motion 4 du Parti Socialiste propose d'utiliser les 37 milliards du FRR pour relancer la construction publique de logements en France, mais on voit que cette somme pourrait être utilisée pour mettre en place cette réorientation des dépenses de soutien à l'immobilier (qui peuvent continuer pendant 9 ans pour les aides à l'investissement locatif, ou pour toute la durée d'un bail pour les allocations logement).

Malheureusement, il semble que le gouvernement ait décidé d'ignorer cette proposition pourtant issue du PS, qui pourrait créer 250 000 emplois dans le batiment, et augmenter le pouvoir d'achat des français les moins fortunés, les locataires, et ait préféré ne toucher à rien, ou seulement à la marge, en adoptant le dispositif Dufflot. La question qui se pose est donc finalement de savoir si, malgré les déboires irlandais, espagnols, grecs, américains,... cette politique a un avenir autre que de nous plonger dans une future crise qui sera d'autant plus forte qu'elle arrivera plus tard.

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