L'appropriation du nom Les Républicains par une partie de la droite a fait réagir une grande partie des commentateurs politiques. Cette appropriation d'un concept a priori fondateur de notre pays n'était-elle pas une diminution du concept même de République ? Mais au fait, quel est le fond de ce concept ? Il est bien possible de faire référence à une constitution changeante pour l'expliquer, mais cette méthode a l'inconvénient des qualificatifs : la Vème république ne serait pas une République à part entière, ce ne serait qu'une monarchie républicaine.
Pour explorer le sens de ce concept, une autre méthode est de regarder les pouvoirs qui se sont historiquement présentés comme une République, de comprendre leur fonctionnement, et enfin de voir si le régime actuel est une République. Libre ensuite à chacun d'y adhérer ou non.
Historiquement, le premier régime à se présenter comme une République fut le gouvernement de Rome. S'étant débarrassés de leurs rois, les romains entreprirent d'élir des consuls, deux à la fois--comme les suffètes carthaginois--pour éviter la concentration du pouvoir dans une seule personne. Les pouvoirs législatifs et judiciaires, si tant est qu'une séparation des pouvoirs soit pertinente à Rome, étaient le domaine de la démocratie directe. Les citoyens étaient assemblés en centuries (au départ, il y en avait 100, mais le nombre a rapidement été augmenté à 193). Les centuries étaient formées par affinités familiales, mais surtout suivant les revenus des citoyens, leur classe. Chaque centurie débattait en interne du problème posé, et désignait à la majorité son vote. Une fois les votes décidés par toutes les centuries, elles étaient appelées, par ordre décroissant de classe, à voter officiellement. La proposition ayant une majorité des votes des centuries était adoptée.
Dans la République Romaine, la classe supérieure disposait de 80 "votes" (centuries), auxquelles on peut ajouter 18 votes supplémentaires (correspondants aux officiers de l'armée). Ainsi, ce système de démocratie directe permettait à la classe supérieure par les revenus d'avoir la majorité (80+18 >193 / 2 ) lorsqu'elle était d'accord sur un point. Les centuries n'étant pas forcément égales en nombre, et les 4 classes inférieures avaient chacune 20 centuries, alors qu'elles étaient beaucoup plus nombreuses. Au-dessous du rang de soldat, ceux qui avaient donc 188 votes, il restait 5 centuries à répartir, 4 pour les artisans et artistes, et 1 dernier vote pour la classe de ceux qui ne possédaient rien, les proletarii. Cette organisation fut réformée pour être plus démocratique (avec une répartition des centuries égale entre 5 classes, les proletarii ayant maintenant un cinquième des votes, mais l'appartenance à une classe restait déterminée par les revenus). Désormais, il fallait l'accord des 3 classes dominantes pour adopter un texte ou passer un jugement, mais les prolétaires ne pouvant se fournir en armes ni équipements qui formaient la vaste majorité des citoyens n'étaient toujours que très rarement consultés, le vote continuant de se faire par ordre décroissant. Les historiens débattent encore du sujet, mais il semble que suivant les années ou les types d'organisation, la participation aux élections était entre 3 3% et 10% des citoyens.
Bref, la République Romaine, avec une démocratie directe biaisée, décidait en fonction du vote d'une toute petite minorité. Pour comparaison, ce pourcentage est plus proche de celui de la noblesse dans la France monarchique que du suffrage universel. Et la République Romaine n'était pas une exception, toutes les républiques du moyen-âge ou de la Renaissance étant bâties sur le même modèle, celui permettant à une oligarchie de posséder le pouvoir tout en évitant l'émergence d'une personne concentrant l'essentiel des pouvoirs. Finalement, c'est l'avénement d'une République aux États-Unis qui, en se basant sur le suffrage universel (pour des raisons matérielles), a changé le sens du mot République en y adjoignant la démocratie, c'est-à-dire la prédominance du suffrage du peuple sur celui d'une élite, aristocratique ou oligarchique.
Alors, la Vème République est-elle vraiment une République ? Ceux que l'on appelle généralement les "visiteurs du soir" du Président, les conseillers en communication des groupes entreprises françaises ou leurs patrons en personne, portent généralement un consensus qu'on pourrait appeler celui de la première classe de votants. Lorsque cette classe, sa décision l'emporte et le processus de décision s'arrête. En cas de désaccord au sein de cette classe, une décision technique est adoptée. Pour cela, il est fait appel à un ou plusieurs grands corps de l'État, suivant le domaine de la décision à prendre. Là encore, dans le cas rare où aucune décision n'aurait pu être prise, on descend d'un cran au niveau du Parlement par un travail en commission, voire un vote. Dans le pire des cas, il est possible de demander son avis au peuple, mais comme dans l'antique République Romaine, cela n'arrive heureusement que très rarement. Les élections au suffrage universel sont en général décidées sur des détails, comme le mariage pour les couples homosexuels, le changement climatique, ou l'immigration, rien en tout cas qui puisse porter atteinte aux intérêts supérieurs de la classe dominante.
Voilà, c'était juste un petit billet pour saluer en vrac la ré-élection de Anne Hommel à la tête du Parti Socialiste (avec une dédicace spéciale aux camarades de la Motion D, http://minilien.fr/a0pkmi,http://minilien.fr/a0pkmg,http://minilien.fr/a0pkmv), l'anniversaire des 10 ans du vote des Français pour le TCE, l'adoption en commission du Parlement Européen du TAFTA, et le changement de nom de l'UMP en démocrates. Des erreurs auront cependant pu s'y glisser.