02/07/2012 ETAT - COUR DES COMPTES -
Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, Raoul Briet, président de la formation interchambres « Exécution du budget et comptes de l’Etat » et Denis Morin, rapporteur général de la formation interchambres, ont présenté le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques lundi 2 juillet 2012. Ce rapport inclut l’audit demandé par le Premier ministre en vue d’évaluer la situation actuelle des comptes publics et les risques pesant sur la réalisation des objectifs de finances publiques pour 2012 et 2013.
Voici la partie du rapport de la cour des comptes concernant la politique du logement.
La nécessité de l’évaluation : le cas de la politique du logement
La politique du logement est un autre exemple d’interventions pour lesquelles la rénovation de l’action publique doit intégrer de multiples composantes, budgétaires, fiscales, réglementaires et de coordination entre acteurs. Au-delà de la dynamique forte des dépenses budgétaires sur les programmes correspondants (cf. chapitre précédent), les dépenses fiscales rattachées à ces programmes ont, quant à elles, augmenté de 49% entre 2007 et 2011 et représentent désormais, avec 13 Md€, plus du double des crédits budgétaires. Elles sont parfois anciennes, certaines datant de 1948, mais la croissance récente du nombre de dispositifs (49 en 2011 pour ces deux programmes), même corrigée par des décisions récentes, a accentué les imperfections du système.
Les dépenses fiscales associées à la politique du logement
Le crédit d’impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunts contractés, instauré en 2007, n’a pas été reconduit et son coût (1,9 Md€ en 2011) est appelé progressivement à baisser. Mais le gain attendu (0,1 Md€ pour 2012) est inférieur à la progression du nouveau « prêt à taux zéro renforcé », qui, accordé aux primo-accédants sans condition de ressources, a entretenu la progression de la dépense, (1,1 Md€ en 2011), avant de voir ses conditions d’accès resserrées par la loi de finances pour 2012.
Le dispositif le plus coûteux, l’application d’un taux réduit de TVA aux travaux portant sur les logements achevés depuis plus de 2 ans (5,2 Md€ en 2011) a été modifié pour 2012, avec la hausse de 1,5 points du taux de TVA, mais son coût reste incertain et il n’a pas fait l’objet d’une réelle évaluation depuis un rapport de 2002.
Le même diagnostic vaut pour le soutien à l’investissement privé locatif(1,1 Md€ en 2011) progressivement appelé à disparaître. La Cour a récemment souligné qu’il n’existait « aucune information, au plan national, sur le volume et la localisation des réalisations correspondant à des investissements locatifs privés financés grâce aux dépenses fiscales, ni a fortiori sur leur occupation et les loyers pratiqués »120 alors même que les aides à l’investissement « renforcent la tension sur le foncier ».
Les plans et comptes d’épargne logement représentent une dépense budgétaire de 1,1 Md€ et une dépense fiscale de 0,5 Md€, alors que le taux de transformation des dépôts en prêts au logement est inférieur à 5 %. L’incitation fiscale ne peut guère être justifiée par l’objectif initial d’aide à l’accession à la propriété.
Enfin, le cumul des allocations logements par les étudiants et de demi-parts de quotient familial supplémentaires par leurs parents illustre l’interaction entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales. Environ 700 000 étudiants bénéficient d’aides au logement, pour une dépense de 1,2 Md€ par an, et la dépense fiscale associée au rattachement de 80 % d’entre eux au foyer fiscal de leurs parents coûte 1,1 Md€.
Les crédits budgétaires consacrés aux aides à la pierre ont connu une forte baisse apparente (- 43% de 2007 à 2011), qui résulte pour partie du transfert du financement de la rénovation de l’habitat privé ancien aux entreprises contributrices de la participation des employeurs à l’effort de construction, le « 1 % logement ». Ils sont donc désormais centrés sur le logement locatif social. A périmètre constant, de 2007 à 2011, les dépenses ont augmenté de 8%.
LES PERSPECTIVES POUR 2013 ET AU-DELA
Le secteur du logement social, géré par de très nombreux organismes, connaît des files d’attente croissantes, compte tenu de critères d’accès relativement larges (deux tiers des ménages les remplissent). La baisse du taux de rotation des locataires121 est entretenue à la fois par la difficulté d’adapter les logements aux évolutions de la taille du foyer et par l’écart croissant, notamment en région parisienne, entre les loyers des secteurs locatifs social et privé. Face au décalage persistant entre la demande et l’offre de logement social, la Cour122 a suggéré : une révision en profondeur des règles qui régissent les organismes bailleurs et la gestion du parc ; une meilleure régulation de la demande de logement123 ; une meilleure occupation du parc124.
Alors que la politique des aides personnelles au logement a montré ses limites et que le poids des dépenses fiscales anciennes sans effet avéré sur la situation des plus mal logés obère les capacités de l’action publique, il serait utile d’orienter au plus près des besoins les crédits consacrés aux aides à la pierre.
Une réflexion sur la pertinence et la cohérence des interventions des divers acteurs (Etat, collectivités territoriales, sociétés HLM, action logement...) serait nécessaire.
A côté des dépenses budgétaires et fiscales, la fiscalité sur le logement constitue par sa masse financière un important levier d’action de l’Etat sur le marché immobilier.
Le total des prélèvements fiscaux sur le logement s’élève à 55,3 Md€ en 2010, composés des prélèvements spécifiques au logement (taxe foncière, droits de mutation...) et de la part correspondant au logement des prélèvements non spécifiques (TVA ...). Des évolutions réglementaires pourraient enfin permettre de mieux satisfaire les besoins en logement sans faire appel aux finances publiques. L’offre de logement est limitée par une fiscalité, notamment de l’imposition des plus-values, qui encourage la rétention, mais aussi par l’insuffisance de foncier et une tendance à l’augmentation des coûts de construction sous l’effet de la multiplication des normes. Dans le secteur privé, la réglementation des loyers joue un rôle très important et le dispositif allemand de contrôle des loyers par le juge mériterait d’être examiné de manière approfondie.
120 Rapport public annuel 2012
121 Passé de 12,6 % en 1999 à 9,5 % en 2008, contre 18 % dans le parc locatif privé.
122 Rapport public annuel, février 2010
123 Abaissement des plafonds de ressources déterminant l’éligibilité au parc, gestion territoriale des demandes, exercice plus actif des droits de réservation et transparence du fonctionnement des commissions d’attribution.
124 En mettant fin aux situations d’occupation anormale ou indue, en développant un parcours résidentiel en fonction de l’évolution des revenus et de la taille du ménage et en fixant les surloyers à un niveau dissuasif pour les ménages à revenu élevé.