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Yasaman Afsharfar

Je suis iranienne, j'ai 27 an. Je suis diplômée en cinéma à Paris. Je suis retournée en Iran, où je travaille actuellement dans le domaine de la publicité.

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Billet de blog 17 juin 2025

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Je suis iranienne, j'ai 27 an. Je suis diplômée en cinéma à Paris. Je suis retournée en Iran, où je travaille actuellement dans le domaine de la publicité.

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À Téhéran, ces jours-ci, nous ne connaissons que la peur

Nous avons quitté notre maison avec un adieu amer. Comme si nous laissions une partie de notre âme derrière nous, avec l’espoir de revenir bientôt. Ces derniers jours, chaque instant, nous avons espéré une bonne nouvelle qui mettrait fin à cette guerre de quatre jours. Et à chaque nouveau statut de Trump, Netanyahou ou de leurs ministres, nous restions suspendus des heures durant, les yeux rivés sur nos écrans. 

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Je suis iranienne, j'ai 27 an. Je suis diplômée en cinéma à Paris. Je suis retournée en Iran, où je travaille actuellement dans le domaine de la publicité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Notre maison se trouve près de la place Tajrish, dans le quartier de Bagh-e Ferdows. Dimanche, nous avons soudainement entendu un bruit terrifiant et très fort. En regardant par la fenêtre, nous avons vu deux colonnes de fumée et de poussière s’élever vers le ciel, à deux endroits proches de la place Tajrish.

L’explosion était si puissante que tout notre corps a tremblé de peur. Même notre immeuble, qui est une tour, a vibré.

Peu après, nous avons appris que les canalisations d’eau de la ville avaient éclaté à cet endroit et que l’eau de la zone 1 avait été coupée. À ce moment-là, nous avons décidé que nous ne pouvions plus supporter cette angoisse et qu’il fallait quitter Téhéran. Mais les nouvelles disaient que les routes étaient fermées à cause de la foule, aussi bien vers le nord que vers le sud. Il n’y avait donc aucune issue pour quitter la ville. Nous nous sommes dit que le lendemain, quoi qu’il arrive, nous partirions. Cette nuit-là, jusqu’au matin, nous avons entendu des bruits effrayants, comme dans un cauchemar. On aurait dit que notre cerveau était devenu conditionné — au moindre son, on sursautait de peur.

Le lendemain, mon mari a dû aller à son travail. Vers midi, lundi, une explosion très proche — à seulement deux rues de son bureau, dans le quartier de Tehrānpars, à l’est de Téhéran — a eu lieu. Il m’a dit que le plafond de leur entreprise s’était effondré et que les vitres avaient volé en éclats. Il disait qu’ils avaient cru que leur entreprise avait été directement visée, tant le bruit était fort et proche. Je ne l’avais encore jamais vu aussi terrifié.

À la même heure, plusieurs chaînes de télévision ont diffusé des messages disant que le Premier ministre israélien, Netanyahou, avait déclaré : « Évacuez Téhéran. » Nous avons donc décidé de quitter immédiatement la ville. Les supermarchés étaient presque vides. Poulet, viande, fruits… tout était devenu rare. La plupart des magasins étaient fermés. Nous avons rassemblé tout ce qu’il y avait dans le frigo, pris nos vêtements, nos bijoux et nos objets de valeur, et nous avons quitté notre maison avec un adieu amer… Comme si nous laissions une partie de notre âme derrière nous, avec l’espoir de revenir bientôt. 

Pendant ces deux jours, les stations-service étaient prises d’assaut : il fallait faire la queue pendant deux à trois heures. Le quota était de seulement 15 litres par jour. Cela signifiait que si le réservoir de la voiture n’était pas plein, il fallait faire la queue chaque jour pendant quatre jours pour faire le plein, 15 litres à la fois. Heureusement, nous avions déjà 30 litres dans le réservoir. Nous avons pu en ajouter 15 litres de plus. De 15h à 17h, nous avons attendu à la station-service, puis nous avons pris la route vers le nord. 

La route de sortie de Téhéran vers le nord était tellement encombrée que nous n’avions jamais vu une telle circulation de notre vie. Un trajet qui prend normalement une heure nous a pris six heures — et encore, nous ne sommes même pas arrivés au Mazandaran, mais seulement à Damavand, une ville proche de Téhéran. Damavand n’est pas complètement sûre non plus, mais c’est tout de même mieux que Téhéran pour nous…

Ces jours-ci, nous n’avons connu que la peur. À chaque instant, nous avons espéré une bonne nouvelle qui mettrait fin à cette guerre de quatre jours. Et à chaque nouveau statut de Trump, Netanyahou ou de leurs ministres, nous restions suspendus des heures durant, les yeux rivés sur nos écrans…

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Je m'appelle Yasaman Afshar, j'ai 27 ans, je suis diplômée en cinéma de l'Université Paris 8 et titulaire d'un master en études cinématographiques de l'Université Sorbonne Nouvelle.

Après avoir étudié et acquis de l'expérience en France, je suis retournée en Iran, où je travaille actuellement dans le domaine de la publicité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.