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Billet de blog 28 févr. 2017

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Clientélisme et quartiers populaires?

Pourquoi est ce que la corruption d’hommes ou de femmes politiques au niveau national nous choque, mais pas la corruption au niveau local?

 Qu’est ce qui différencie un ancien président corrompu d’un maire en exercice qui distribue les cadeaux à ceux qui lui font allégeance?

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On a tous eu affaire à ces maires qui achètent la paix sociale grâce à des associations, des militants, des responsables religieux, associatifs ou communautaires auto-proclamés, voir même des petits caïds à la petite semaine, qui veillent à ce que les votes aillent dans la bonne direction.
Vous l’aurez deviné, je parle de clientélisme et on aurait tort de croire que cette pratique est réservée aux quartiers populaires.
Commençons d’abord par la définition. J’en ai choisi une que voici:
“C’est l’échange personnalisé d’argent, de faveurs, de biens ou de services contre un appui politique”,  et dans le cas que je vais traiter, cet appui politique, veut dire le vote.
En d’autres termes, on a d’un côté un ou une élue ou candidat, de l’autre un acteur ou une actrice qui fera le lien avec les administrés d’un groupe spécifique. Tout le monde devine la suite, un apport de voix, une aide militante ou la garantie de la paix sociale, de l’autre, des subventions, un emploi, un logement, un service personnalisé, une place en crèche, des locaux ou encore une place dans l’équipe municipale. C’est pas les exemples qui manquent…
Je sais que bien des militants sont en train de sourire parce que nous avons tous été approchés par des élus ou de candidats pour appeler à voter en leur faveur. Et cette pratique concerne absolument tous les partis, justement à cause du mode de fonctionnement de notre système politique.
C’est d’ailleurs pas pour rien qu’il y 3 semaines, le mensuel Foreign Policy a tiré à boulets rouge sur la France à cause de son niveau élevé de corruption.  Dans le billet  "Why is France so corrupt?" de Robert Zaretsky, voilà ce qu’on y lit: 

"Ce qui peut aggraver les choses, c'est que la corruption française est particulièrement importante à haut niveau; elle n'est pas le fait de policiers ou de douaniers demandant des pots-de-vin (ou d'entreprises achetant des fonctionnaires). Mais, grâce au fait que le régime français de la Ve République s'apparente plus à une monarchie républicaine qu'à une république, et le président à un monarque républicain, la corruption française se déroule et implique de vastes sommes aux plus hauts niveaux du gouvernement”.
 Autant vous dire que des affaires Fillon, Sarkozy, Coppé, Le Pen, Cahuzac, Bettencourt et consort, ne reflètent que la partie visible de l’iceberg.
A l’échelle locale, le clientélisme tel qu’il est pratiqué par certains élus locaux continue d’alimenter les ambitions personnelles au détriment de l’intérêt collectif.
Si le clientélisme, qui n’est rien d’autre que de la corruption continue de profiter à une poignée de personnes, c’est parce qu’il est politiquement rentable car il empêche l’émancipation des quartiers populaires à cause justement de la mise sous tutelle de la sphère associative qu’elle soit citoyenne, sportive ou religieuse pour ainsi la dépolitiser et la vider de toute revendication un peu trop ambitieuse.
C’est le clientélisme qui fait que le maire n’a parfois plus besoin de s’en prendre directement à ses opposants au sein d’une certaine population: “T’inquiètes pas, je vais appeler untel, il va s’en occuper”.
C’est le clientélisme qui encourage certains groupes de pression idéologiques ou communautaristes, (et quand je dis communautaristes, je ne parle pas des musulmans) qui vont contacter l’équipe municipale et lui exiger d’inclure un des leurs en échange de leur vote.
C’est le clientélisme qui a torpillé et continue de torpiller bien des initiatives en sous traitant les intimidations, à des acteurs locaux qui feront le sale boulot.
Inutile bien sûr de mentionner le clientélisme république bananière d’un Serge Dassault qui distribuait des enveloppes de cash de voix.

Clientélisme et imposutres - Yasser Louati © Yasser Louati


Dans quelques mois auront lieu les présidentielles puis les législatives et ces élections vont révéler bien des ambitions politiques chez des personnes qui prônaient ici et là, la réforme de notre système politique, l’autonomie et l’émancipation des classes populaires, la défense des populations racisées et, bien entendu la lutte contre le racisme d’état.
Mais comment peut on parler d’autonomie, d’auto-organisation et d’émancipation en entrant dans la politique politicienne?
Quel escroc peut encore espérer vendre l’idée qu’on peut changer le système de l’intérieur? Combien se sont compromis en y mettant les pieds? Dans ce système politique, les seuls qui peuvent évoluer, sont les menteurs et des personnes prêtes à se corrompre, justement à cause du clientélisme systémique.
Bien sûr, certains monnayeront leur entrée en politique en faisant croire qu’ils représentent les musulmans, les habitants de quartiers populaires, le vote féminin avec cette bonne vieille rengaine: “Donnez moi une place à la gamelle du système et je ferai en sorte qu’ils votent pour vous”.
Cette imposture abjecte nous coutera très cher alors que nous payons encore les trahisons des années 80 et 90.
Maintenant je me tourne vers les citoyens que nous sommes. Pourquoi est ce que la corruption d’hommes ou de femmes politiques au niveau national nous choque, mais pas la corruption au niveau local?

 Qu’est ce qui différencie un ancien président corrompu d’un maire en exercice qui distribue les cadeaux à ceux qui lui font allégeance?
Ne soyons pas naïfs, il y aura toujours des petits ambitieux qui voudront faire carrière et surferont sur nos malheurs; mais sans mettre en place tous, absolument tous les moyens nécessaires pour l’émancipation des populations dominées, notre démission continuera d’alimenter les ambitions personnelles des uns et des autres et nous continuerons à payer une facture collective pour des carrières individuelles et pour le maintien du système de domination qui profite, aux élites.

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