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Billet de blog 12 novembre 2024

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Pour une démocratie mémorielle dans la ville

Entreprendre de revoir les hommages et commémorations dans l'espace public ne constitue pas une menace pour notre identité commune: c'est au contraire la condition d'écriture d'un récit commun, dans la perspective d'une démocratie mémorielle qui remédie aux injustice et invisibilisations passées.

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Le scandale soulevé par la publication de l’enquête sur les violences à caractère sexuel commises par l’Abbé Pierre a réactivé en septembre 2024 le débat sur les hommages rendus dans l’espace public à des figures historiques dont les conduites n’ont pas toujours été exemplaires, soit au regard des faits connus après leur disparition, comme dans le cas d’Henri Grouès, soit au regard des normes éthiques et juridiques actuelles, comme dans le cas des guerres coloniales et de l’esclavage. Si les communes ont peu hésité à débaptiser les rues et places « Abbé Pierre », quelle que soit leur couleur politique, d’autres figures soulèvent davantage de précautions et de controverses, car leur remise en cause touche plus profondément au « roman national ». Pourtant, ne serait-il pas temps de considérer que ce roman national, qui a évolué au fil des siècles, doit désormais s’actualiser dans les mémoires plurielles de la démocratie contemporaine ? Une telle entreprise de démocratie mémorielle, loin de menacer l’identité commune, est à même de la renforcer par la mise en lumière celles et ceux que les politiques mémorielles des temps passés ont effacés.

Les impensés de la mémoire publique

On habite des endroits comme on habite la mémoire, de façon oublieuse. Combien de personnes ignorent complètement le sens du nom donné à la rue où ils ou elles vivent, ou bien en ont une connaissance vague ? Combien passent quotidiennement devant une statue sans jamais avoir prêté attention à la personne représentée, à ce qui est commémoré ?

Et pourtant l’espace public urbain est chargé de significations, de symboles, de valeurs et de représentations politiques, qui marquent le territoire et témoignent de la superposition de moments différents, historiquement situés. Dans le 1e arrondissement de Lyon par exemple, les noms de rue les plus anciens renvoient à des indications topographiques (Montée de la Grande Côte, place des Terreaux, quais de Saône…), aux édifices religieux (rue des Chartreux, rue de l’Annonciade, Montée des Carmélites, clos Saint Benoît…) puis aux régimes politiques qui se sont succédés après la Révolution (rue Royale, rue de la République) et aux figures, principalement masculines, emblématiques de ces époques par leurs réalisations politiques, militaires, artistiques, scientifiques ou industrielles. Après la Libération, les noms de résistants remplacent des dénominations plus anciennes. Les batailles et les conquêtes de la monarchie ou du Second empire conservent des dénominations, ainsi que les références à la période coloniale.

La geste coloniale a fait l'objet d'un marquage spécifique du territoire à Lyon, marquage qui est peu questionné et dans lequel le sergent Blandan occupe une place singulière. Les références à la conquête de l’Algérie apparaissent à Lyon dès 1844, avec la dénomination des rues d’Alger, Oran et Constantine, alors que l’armée française combat les résistances arabes, rase les villages et déplace les populations civiles. Le maréchal Thomas Robert Bugeaud, qui dirigea les opérations militaires dites de « pacification » avec une armée de 100 000 hommes mettant en place des mesures de « contre-guérilla », est honoré par une rue en 1854. En 1887, sous la République, c’est une autre figure qui sera mise à l’honneur, celle d’un soldat du peuple cité par Bugeaud comme modèle de bravoure : Hippolyte Blandan, né à Lyon en 1819 et mort à Boufarik en Algérie 1842 des suites des blessures reçues lors de la bataille de Beni Mered. Une rue est renommée à sa mémoire près de la place Sathonay où est installée, en 1900, une statue à son effigie. Une caserne porte également son nom depuis 1942, qui deviendra le parc Sergent Blandan.  Les abords de la statue de la place Sathonay comme le parc sont des lieux de détente et de loisir où jouent les enfants. Pourtant, l’attention au sens de ce qui est célébré peut créer un véritable sentiment d’anachronisme, d’inconfort, voire d’injustice : n’est il pas l’emblème d’une guerre de conquête violente et injuste ? peut on maintenir dans l’espace public ce qui apparaît comme une représentation d’un discours révolu de propagande sur glorifiant l’empire colonial et la domination ? quelle considération accorder aux victimes ? La mémoire publique est, au quotidien, voilée d’impensés, d’inadvertance et d’accoutumances : ce qu’elle véhicule n’en est pas moins signifiant et agissant, et participe autant de la légitimation des uns que de la silenciation des autres, que ce soit de façon manifeste ou bien inconsciente.

Dès lors, un droit d’inventaire s’impose pour lever ces impensés de la mémoire publique, expliquer l’histoire, et réécrire le sens politique des valeurs et des modèles ainsi promus. Dans une tribune de juin 2020, Jean-Marc Ayrault en appelait aux communes : « il faut que notre espace public soit le reflet du regard que nous portons aujourd’hui sur notre passé et des valeurs que nous voulons y célébrer (…) Ce travail ne doit pas être une table rase. Il doit reposer sur une analyse du patrimoine dans l’espace public, et associer la société civile afin d’identifier les figures qui n’y ont plus leur place, celles dont le maintien appelle de nouvelles plaques explicatives, et celles qui, aujourd’hui méconnues, devraient être honorées – héros et héroïnes des révoltes serviles, combattants coloniaux morts pour la France, figures, masculines et féminines, de notre diversité ».

Cette tribune a été écrite dans le contexte des manifestations aux Etats-Unis qui, suite au meurtre de Georges Floyd, ont dénoncé les symboles du racisme systémique dans l’espace public : en effet, la mort de cet homme noir étouffé par deux agents de police au cours d’un contrôle banal a été attribuée à une culture héritée de l’esclavage et de la ségrégation, dont de nombreuses statues dans des villes du Sud des Etats-Unis perpétuaient la mémoire en glorifiant des personnalités confédérées. Des manifestations du mouvement « Black Lives Matter » ont déboulonné des statues, tandis qu’un vaste mouvement critique interpelait ces symboles et leur signification dans différents pays. En Grande-Bretagne, la statue d’Edward Colston, marchand d’esclaves, est arrachée de son socle et jetée à l’eau à Bristol. En Belgique, la statue de Léopold II est enlevée à Anvers. Et en France ? Après le déboulonnage de statues aux Antilles, le président Macron tente de couper court au débat en affirmant que «la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statues ». Le débat ne s’éteint pas pour autant, tant les mémoires sont douloureuses tout particulièrement au sujet de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Le maréchal Bugeaud, honoré dans de nombreuses villes, est tout particulièrement concerné : en février 2024, la Ville de Marseille a changé le nom de la rue Bugeaud après avoir renommé l’école « Ahmed Litim » (soldat algérien mort pour la France) en 2021 ; en octobre 2024, la Ville de Paris décide de changer le nom de l’avenue Bugeaud du 16e arrondissement en « Hubert Germain » (compagnon de la Libération). Dans le même temps, un collectif demande à Lyon un changement similaire, faute de quoi la mairie serait coupable d’ « apologie de crime de guerre ». Il serait erroné toutefois de voir dans ces revendications une simple demande d’effacement du passé. D’une part, parce que dans certaines villes, le choix est finalement porté sur l’explication plutôt que la suppression : ainsi, la mairie du Périgueux, visée par une pétition demandant le déboulonnage de la statue du maréchal Bugeaud, décide d’y apposer une plaque retraçant la trame chronologique de la colonisation de l’Algérie. Et d’autre part parce que ces demandes de cesser d’honorer dans l’espace public des figures ayant commis des atrocités contre des populations civiles s’accompagnent de demandes d’inscrire dans ce même espace public des souvenirs d’autres mémoires minorisées (comme la participation des troupes coloniales à la Libération) ou de faits occultés, comme le massacre commis en répression des manifestations du 17 octobre 1961. En ce sens, il s’agit non pas tant d’effacer le passé que de combler les non-dits, les lacunes et les silences d’un espace public qui « oublie » une partie de l’histoire. C’est donc un appel à une réécriture contemporaine de l’histoire, un mode de conservation de la mémoire attentive au contexte et aux réinterprétations actuelles des rapports de pouvoir et des enjeux éthiques.

Les voix de l’universalisme

La mémoire publique consiste dans l’affirmation de valeurs communes par lesquelles on soude moralement une communauté populaire, tout en mettant à l’écart ce qui la menace ou la divise. C’est une manière de faire nation, et cela implique une responsabilité politique à identifier les forces d’unité et les forces de division, les emblèmes de ce qui rassemble et les emblèmes de ce qui fracture.

L’extrême droite, les néoconservateurs et les néofascistes maîtrisent parfaitement ces enjeux, lorsqu’ils entreprennent de « réhabiliter » la figure du maréchal Pétain, qu’ils affirment la nécessité d’accepter Bugeaud, ou encore célèbrent Charles Maurras. Prétendant s’opposer au « wokisme » et à la « cancel culture » en défendant l’identité française, comme le fait Eric Zemmour, ces mouvements prônent en réalité une culture de l’effacement dont l’objectif explicite est d’invisibiliser et d’exclure. Invisibiliser les faces sombres de l’histoire, comme la collaboration. Exclure certains groupes sociaux comme les personnes issues de l’immigration. Cette entreprise est une construction idéologique dont l’objectif est de maintenir et renforcer des rapports de domination. Dans son prétendu conservatisme, elle est intimement liée au négationnisme des « assassins de la mémoire » dénoncé par Paul Vidal Naquet.  

Il est commun d’entendre de la part de ces courants là l’affirmation que celles et ceux qui exigent une réécriture de la mémoire publique agiraient par communautarisme et donc s’opposeraient à la République dans son unité, et à l’identité française  – une identité conçue comme figée. Utilisant les termes disqualifiants de « wokisme » et de « cancel culture », ils font un usage stratégique de l'universalisme précisément pour en exclure ceux qui y aspirent : au nom de la préservation de la « légende dorée » de certains personnages ou moments historiques, ils disqualifient les critiques comme si elles étaient subjectives, relatives au ressenti singulier de celles et ceux qui les énoncent. Ce ressenti serait alors nécessairement anachronique et non avenu, privé de sa légitimité politique au nom de l’universalisme. Comme le souligne le juriste Alexandre Viala « l’alibi universaliste permet alors d’euphémiser certaines agressions commises dans le passé par les puissances coloniales en les regardant, au terme d’un raisonnement dialectique de type hégélien, comme un mal nécessaire par le détour duquel il a fallu transiter pour bâtir une civilisation » : le terme sert ici à exclure et occulter, plutôt qu'à rassembler,. Or reconnaître les victimes, dénoncer les crimes et instaurer une « mémoire des assassins », ce n’est pas céder au risque de division, c’est au contraire tracer le chemin de l’unité à travers l’inclusion plurielle des mémoires. « Le discours matrimonial, social, décolonisateur est avant tout une demande de reconnaissance, porteuse d'un regard critique et axiologique sur l'histoire (quelles valeurs on transmet), ce discours là pourrait bien être plus universaliste que celui de ses détracteurs », comme l’écrit le linguiste Thomas Franck qui montre, avec le cas des femmes, comment leur rôle dans la sphère publique a été progressivement effacé, par une entreprise systématique d’exclusion de certains métiers mais aussi d’effacement de leurs dénominations (l’exemple du terme « autrice », couramment usité au Moyen-Age, l’illustre bien), et jusqu’à la réforme grammaticale du 17e siècle : « la réflexion au 21e siècle sur le matrimoine cherche à remédier à cet effacement. L’idée de matrimoine comprise dans sa perspective critique vise dès lors à interroger l’impensé d’un certain discours historiographique et à opérer un décalage réflexif par rapport à des formes implicites de domination, et donc d’invisibilisation, au cours du temps ». Une telle perspective critique, un tel décalage réflexif est possible et nécessaire s'agissant d'autres groupes sociaux tenus en marge de la mémoire publique : la France, dont la population est de fait si fortement marquée par l'héritage des empires coloniaux, ne peut se contenter d'en déplorer la perte de prestige mondial, et doit nécessairement reconnaître la part de douleurs qui la compose et avec laquelle elle fait nation. 

Si l’expérience de l’oppression a une dimension singulière, sa communicabilité lui donne une portée collective, comme projet de libération ou de transmission ( Francis Wolff, Plaidoyer Pour L’universel : Fonder L’humanisme. Fayard, 2019). Il ne s’agit donc pas de cloisonner les mémoires publiques dans une série de militantismes mémoriels juxtaposés mais au contraire de reconnaître la pluralité des expériences de l’oppression, y compris dans les solidarités tissées, comme le rappelle l’historien Marc André au sujet de la prison de Montluc, qui fut le lieu d’internement des juifs raflés, des résistants, puis des militants du FLN pendant la guerre d’Algérie. Un tel projet nécessite certainement de repenser non pas seulement le parcours d’exposition d’un mémorial, mais aussi, plus largement, les manières de rendre visibles les enjeux mémoriels dans l’espace publics. Cela est assez aisé s’agissant des noms de rue – ainsi, à Lyon, une « place de l’Emir Abdel Kader » a été nommée en 2008, en référence au héros emblématique de la résistance algérienne contre la colonisation. Mais la pluralité des mémoires peut-elle s’incarner simplement dans des noms ?

Dans son essai Qui annule quoi ? Laure Murat appelle à porter la réflexion sur le sens de la monumentalité, et de la monumentalité personnifiée :

« Quand l’histoire s’est débarrassée depuis belle lurette de la figure du « héros », qu’elle a envisagé les classes, les groupes, les genres, les paysages, le climat, la culture, les mentalités, l’ego ou la micro-histoire, qu’elle s’est faite internationale, mondiale, globale, n’est-il pas temps de traduire, dans l’espace public, les nouvelles préoccupations historiennes et historiques ? Plutôt que d’en rester au culte du grand homme, à la figuration obligatoire de l’homme blanc triomphant, aborder le XXIe siècle avec davantage d’imagination ? « 

C’est là qu’elle invite à faire porter la réflexion : plutôt qu’une suppression systématique, qui ferait œuvre de censure mais aussi de « sensure », c’est-à-dire de privation de sens, ouvrir à la réflexion, comme l’ont fait par exemple les pays anciennement soviétiques qui ont entreposé les statues de propagande dans des parcs du souvenir. Dans cette démarche, la participation directe du public à la formulation de cette mémoire publique pourrait être la forme la plus intéressante, comme le fait la mairie de Londres pour le « quatrième socle » de Trafalgar Square, qui accueille temporairement des œuvres d’art contemporain choisies par suffrage du public. Cette participation pourrait-elle être une modalité d’émergence d’une démocratie mémorielle ?

Participer à la démocratie mémorielle

Si les abstentionnistes de la mémoire, au quotidien, dominent les grandes villes, il ne faut pas pour autant négliger l’importance des « groupes d’intérêt mémoriels » qui sont en capacité de se mobiliser, dans une perspective critique ou comme force de proposition. Parmi les moments historiques qui mobilisent le plus, la période de l’occupation, de la résistance et du génocide des Juifs, se traduisant par l’installation de plaques commémorant les victimes sur les lieux des assassinats, des rafles, ou encore sur les écoles où les enfants déportés ont été scolarisés : cette démarche initiée par le Centre de Documentation sur la Déportation des Enfants Juifs de Lyon, accompagnée d’un travail pédagogique avec les équipes enseignantes, développe un véritable lien affectif avec les jeunes victimes du passé, permettant de rendre la commémoration très concrète et sensible. Sur les mémoires coloniales et les migrations, les associations Coup de Soleil et Traces organisent des conférences et rencontres culturelles. D’autres initiatives sont à souligner qui ne trouvent pas nécessairement de relais institutionnel et pourtant s’inscrivent dans l’espace public : il s’agit des appropriations spontanées. Le collectif féministe NousToutes, par exemple, colle des affiches imitant les plaques de noms de rue, avec des dénominations féminines, pour revendiquer une meilleure représentation des femmes dans la toponymie officielle des villes. On peut aussi souligner la force de sens et de symboles véhiculée dans des œuvres de street art, friandes de caricature de personnalités célèbres, mais représentant aussi des groupes sociaux subalternes, ou bien des « héroïnes oubliées », comme la série de femmes résistantes affichées dans les Pentes de la Croix Rousse par Jalb38 en 2022. Enfin, se pose la question des œuvres privées qui ont une visibilité forte dans l’espace public ; la Fresque des Lyonnais tient une place très particulière : œuvre privée d’intérêt public, non seulement très visible mais véritablement emblématique, tant pour les habitantes et habitants que pour les visiteurs, elle est un condensé de l’histoire de la ville à travers des figures marquantes, de l’empereur Claude à Bernard Pivot en passant par Antoine de Saint Exupéry et Louise Labé. Formulant un « roman lyonnais » très personnifié, cette fresque tend à renforcer les biais de sélection des grandes figures au détriment de mouvements collectifs composés parfois de personnes ordinaires, qui, par leur action commune, ont porté avec courage des idéaux de justice, d’égalité, d’émancipation : les ouvriers canuts ou les ovalistes pour l’égalité salariale ; les « marcheurs » de 1983 contre le racisme et pour l’égalité ; les compagnons d’Emmaüs qui ont fait de ce mouvement, au-delà de la figure charismatique et désormais avilie de son fondateur, une remarquable organisation de lutte contre la pauvreté. Comment représenter les associations, les syndicats, les mouvements sociaux qui sont les forces agissantes de l’histoire et pourtant bien souvent les oubliés ?

De plus en plus sollicités, par exemple pour proposer des dénominations aux rues, les citoyens et citoyennes peuvent faire vivre le débat, les controverses mais aussi les solutions. Toutefois, pour construire un récit commun qui nous rassemble, il importe de parvenir à entendre l’ensemble des groupes sociaux, y compris, voire surtout, ceux qui sont le plus éloignés de l’expression et de la participation publique. Les travaux d’histoire orale, effectués par des collectifs de recherche ou des associations sur la mémoire populaire, pourraient constituer des canaux pour entendre les voix silenciées et leur donner droit de cité, comme le font à Lyon les collectifs Grand Ensemble, ou LALCA. Le parcours « Pouvoirs et engagements dans la cité » du Musée Gadagne d’histoire de Lyon, inauguré en 2023, accorde une place à ces mouvements populaires, subalternes, contestataires. Les créations artistiques, immergées dans des expériences d’enquête et dans des constructions collectives, formulent de nouvelles formes d’expression capables de faire vivre ces identités plurielles et communes. La notion de « droits culturels » qui affirme le droit des individus à accéder à une expression culturelle prend une forme très concrète dans ces projets participatifs.

Quelles procédures formaliser pour rendre possible le fonctionnement d’une démocratie mémorielle ? La mise en place d’un Comité citoyen de la mémoire ? D’une Convention composée de personnes tirées au sort ? D’un Comité d’expert soumettant ses propositions au suffrage populaire ? Les enjeux sont complexes car il s’agit de penser comment s’approprier le passé dans ses ambivalences, ses polysémies et ses réécritures, saisir les débats des historiennes et historiens sur l’interprétation des faits, les référentiels contemporains avec lesquels résonnent des épisodes en apparence révolus. La vitalité d’un tel débat, toutefois, à rebours de monuments ou de cérémonies figées dans une forme stable, contribuerait à irriguer le débat politique et la participation populaire à cet idéal commun - souvent invoqué tout en étant tenu à distance comme intimidant - qu’est la République.

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