Actuellement l'empreinte carbone dont notre pays se rend coupable s'élève autour de 11 tonnes par habitant et par an [2] – c'est cinq fois trop pour respecter les objectifs de l'Accord de Paris. Sous le seul effet de la multiplication des vagues de chaleurs mortelles, la France choisit ainsi d'assassiner des millions de personnes [3], principalement dans les régions parmi les plus pauvres de la planète [4] où son industrie n'a cessé de puiser sa rente coloniale [5].
Cela ne représente qu'une fraction des victimes du climaticide perpétré par notre régime politique au quotidien. Car entre les incendies [6], les pluies diluviennes [7] ou la prolifération intempestive des ravageurs [8], celui-ci aggrave encore bien d'autres destructions commises contre la biodiversité globale et les systèmes agricoles traditionnels. C'est d'abord aux interdépendances des vivants que nous devons notre nourriture : le prix ultime de l'emballement du climat terrestre, de la sixième crise biologique et des conflits concomitants [9] pourrait donc bien s'élever jusqu'à l'extinction de notre espèce [10].
Sur ce crime contre l'Humanité, le gouvernement sortant a toujours été résolu à entretenir le négationnisme. Ainsi monsieur Castex n'a cessé de nous répéter qu'il croit à l'arrivée pour bientôt de la mythique croissance verte [11], comme si cet article de foi pouvait n'engager que lui. Mais la croissance tue dès à présent. Elle ruine et elle pille : à cause de son bilan carbonique, chaque euro de PIB français maintenant finira par en coûter plus de six à la communauté mondiale [12]. Les habitudes surconsommatrices des vieux pays industrialisés, qui ont causé le réchauffement global à plus de 90% [13], s'apparentent donc depuis longtemps à la logique d'une guerre à laquelle nous devons mettre fin pour survivre.
Il paraît d'ailleurs qu'une partie grandissante de notre électorat national envisage désormais de joindre la parole à ces actes d'agression: s'imaginant peut-être par là pouvoir sauver ses privilèges, on la voit s'enthousiasmer ouvertement pour des discours xénophobes et patriotards [14]. Mais là où elle se verrait barricadée dans la Forteresse Europe avec ce butin sinistre, nous savons que l'effondrement écologique mondial ne s'arrêtera pas à la frontière. En nous faisant l'écho d'un mouvement cosmopolite, de Stockholm à Paris et de Beijing à Bamako, nous voulons donner l'image d'une génération unie dans son intérêt vital ; déterminée à surmonter les barrières étatiques et à défaire les nationalismes pour faire respecter le premier accord universel de l'histoire humaine. Parce que nous avons à vivre ensemble, nous voulons dire que nos modes de vie sont par définition négociables.
Le conflit intérieur qui a pris forme devant nous, au fil des dernières années, ne laisse malheureusement plus aucun doute quant à ses enjeux ni quant à la dureté où nos institutions l'ont conduit : Gilets Jaunes mutilé·es pour avoir voulu faire valoir le principe (fort écologiste) d'égalité devant l'impôt [15], militant·es animalistes considéré·es comme des « terroristes » par la gendarmerie [16], victimes innombrables du racisme policier ou simples témoins de ces violences, nous ne devons pas moins à celles et ceux qui les subissent que le rétablissement du projet démocratique.
Celui-ci commence par la liberté d'opinion, qui reste une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie. Les tensions sociales présentes sont nées du mensonge [17]. Notre éducation nationale se couvre d'infamie en tronquant faits et raisonnements, dans un condensé d'obscurantisme, pour relayer des rêves puérils de PIB et de « transition énergétique » auprès d'une jeunesse qui a compris qu'on lui vendait là son arrêt de mort. Puisque malgré nos appels [18], aucun parti politique n'a cru bon d'en faire une priorité programmatique, il devient clair que nous devrons continuer à lutter pour le rétablissement de la vérité sur la catastrophe écologique au cours de la prochaine mandature. Chaque citoyen·ne mérite la même formation scientifique que les tiré·es au sort de la Convention Citoyenne pour le Climat. Mais en faisant nôtre le mot d'ordre de Greta Thunberg, « écoutez la science ! », nous nous adressons particulièrement à celles et ceux qui ont la charge de la transmettre au début de la vie : professeur·es, nous avons besoin de votre participation pour que cette grève scolaire soit aussi reconnue comme un combat pour l'École.
À l'allure actuelle des ravages écologiques, un quinquennat est une éternité : si nous n'avons pas réussi à initier la décroissance en 2027, l'objectif du 1,5°C sera probablement déjà inatteignable. D'après les conclusions du GIEC cela représente un scénario catastrophique. Nous ne pouvons donc pas nous reposer sur une élection présidentielle : c'est à la société civile d'instaurer un rapport de force continu avec le prochain gouvernement pour faire respecter les droits humains. En vue de construire un monde viable et vivable, et parce qu’une réglementation publique s’impose pour répondre aux crises sociales et environnementales en cours, nous lançons un appel à toutes et tous : ensemble, le 25 et le 26 mars, prenons la rue. Face à la montée de projets politiques qui proposent une réponse fascisante au problème climatique, étudiant·es, travailleur·ses, chômeur·ses et retraité·es, joignons-nous à ce mouvement planétaire.
Références:
[1] Fridays for future - March 25 #Peoplenotprofit ; https://fridaysforfuture.org/march25/
[2] Ministère de la transition écologique - Estimation de l’empreinte carbone de 1995 à 2019 ; https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/estimation-de-lempreinte-carbone-de-1995-2019
[3] Daniel Bressler - The mortality cost of carbon ; https://www.nature.com/articles/s41467-021-24487-w
[4] François Gemenne - Géopolitique du climat : négociations, stratégies, impacts ; https://journals.openedition.org/lectures/53807
[5] Nelo Magalhães & al. - L'économie matérielle de la France (1830-2015). L'histoire d'un parasite ? ; https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01845999/document
[6] Yizhou Zhuang & al. - Quantifying contributions of natural variability and anthropogenic forcings on increased fire weather risk over the western United States ; https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2111875118
[7] Gavin D. Madakumbura & al. Anthropogenic influence on extreme precipitation over global land areas seen in multiple observational datasets ; https://www.nature.com/articles/s41467-021-24262-x
[8] Curtis A Deutsch & al. - Increase in crop losses to insect pests in a warming climate ; https://www.science.org/doi/10.1126/science.aat3466
[9] Jean-Michel Valantin - Géopolitique d'une planète dérèglée ; https://www.seuil.com/ouvrage/geopolitique-d-une-planete-dereglee-jean-michel-valantin/9782021370041
[10] Paul Jorion - Le dernier qui s'en va éteint la lumière ;
[11] Fabien Escalona & Romaric Godin - Ecologie: les simplismes du gouvernement ; https://www.mediapart.fr/journal/france/190720/ecologie-les-simplismes-du-gouvernement
[12] David Archer & al.- The ultimate cost of carbon ; https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-020-02785-4
[13] Jason Hickel - Quantifying national responsibility for climate breakdown: an equality-based attribution approach for carbon dioxide emissions in excess of the planetary boundary ; https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(20)30196-0/fulltext
[14] Zetkin Collective - Fascisme fossile ; https://lafabrique.fr/fascisme-fossile/
[15] Antonin Pottier - Qui émet du CO2 ? Panorama critiques des inégalités écologiques en France ; https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2020-5-page-73.htm
[16] Marie Astier et Isabelle Rimbert - Déméter, la cellule de la gendarmerie qui surveille les opposants à l’agriculture productiviste
https://reporterre.net/Demeter-la-cellule-de-la-gendarmerie-qui-surveille-les-opposants-a-l-agriculture
[17] Jean-Marc Jancovici - Marine Le Pen, enfant du carbone ? ; https://jancovici.com/publications-et-co/articles-de-presse/marine-le-pen-enfant-du-carbone/
[18] YFC France - Pour une réelle éducation aux enjeux environnementaux au collège et au lycée ; https://www.lejdd.fr/Societe/tribune-pour-une-reelle-education-aux-enjeux-environnementaux-au-college-et-au-lycee-4038257