Par la fenêtre, elle pouvait voir quelques arbres et des bâtiments. Elle aimait particulièrement le bel arbre rouge et or qui longeait le bâtiment ancien, en pierre meulière, avec un carreau d'émail. Il se détachait sur le ciel bleu, mais novembre arrivait et l’arbre commençait à perdre son feuillage.
“Un beau jour de Toussaint” pensa-t-elle. Elle aimait la Toussaint, sans vraiment savoir pourquoi. Avant, dans sa famille, ça avait souvent été une vraie fête. Cette année, elle était à l’hôpital, seule. Elle aurait des visites l’après-midi, parce que c’était un jour férié. Ce serait une bonne journée tout de même et le temps passerait plus vite avant le week-end d’après.
Le vent agitait les feuilles de l’arbre, alors que, bien au-dessus, un avion passait. La confrontation de l’actuel et de l’ancien s’étalait sous ses yeux, où le vieil hôpital, qui lui donnait des impressions des vieux pensionnats ou lycées, dans lesquels tant de mystères pouvaient s’épaissir, était rejoint par des blocs nettement plus prosaïques, tendance après-guerre, pratiques, théoriques et sinistre, malgré une vaine tentative d’un architecte plus ambitieux, sur le plus tardif d’entre eux, pour créer une rupture par une baie vitrée. “Au moins, il doit y faire chaud” pensa-t-elle de sa chambre située dans la partie ancienne, où l’élégance d’un plafond fort haut, et d’une fenêtre ancienne d’une taille non négligeable, rendait, malgré les efforts modernes, l’atmosphère plutôt froide. Et elle regretta, un instant, de ne pas être dans un de ces immeubles modernes, où elle aurait eu non seulement le chauffage, mais aussi la vue uniquement sur les bâtiments anciens.
Cette chambre, pour les six semaines à venir, c’était tout ce qu’elle avait. Cette vue, son seul horizon. Alors, elle tentait d’en créer d'autres, en imagination. Qui sait ? Certains romans sont nés de l’enfermement et sont devenus de grandes œuvres. Elle imaginait, tantôt, comme lorsqu’elle était enfant, la vie des personnes qu’elle apercevait derrières les fenêtre -surtout le soir, quand le noir environnant faisait ressortir les lumières, tantôt des moines cachant des secrets, des jeunes gens se pressant dans leur pensionnat, dans des univers emplis de magie, de surprise ou de peur. Loin dans le temps, loin dans l’espace, mais plus souvent dans le passé.