Je voudrais tant retrouver...
Tant retrouver ce qui n'existe plus, ce que le temps assassin a condamné, ce que j'ai pourtant connu, naguère...
Je n'évoque pas le temps de l'impétrance.
Je n'évoque même pas le temps du lycée, dans ce, déjà beau, déjà vieux, Jean Jau, car, Jean Jau restera à jamais ce jour du bac et d'un escalier.
Je voudrais tant retrouver une personne...
Oh oui... je voudrais tant retrouver François Truffaut.
Ouvrir les portes du temps assassin, qui me l'a pris, moi qui ne l'aimait pas, quand il était encore vivant, quand il était encore là.
Je voudrais tant retrouver ce Truffaut là, ce regard où l'enfance n'a jamais renoncé à briller.
Retrouver le Truffaut du Hitchbook, sans doute le plus beau livre consacré à un des maîtres du cinéma.
Je voudrais tant le retrouver, pour pouvoir... oublier que je l'ai connu.
Le retrouver, ainsi, avec le seul plaisir que donne la découverte. Retrouver cette exaltation insensée, due à ma soeur qui avait enregistré sur une bête cassette, elle qui est née au temps des dvds, Fahrenheit 451.
Retrouver ce bonheur de voir un film ciselé, parfait, bien qu'épuré, avec des couleurs un peu sépia, comme s'il datait d'un autre temps, un vestige d'une époque déjà révolue.
Je voudrais tant découvrir le dernier Métro, et ces personnes que seul lui a su filmer pour en faire des femmes...
Oui, retrouver un acteur et un auteur, qui s'est toujours refusé, comme par caprice, comme par jeu, à réaliser le Voyage, car il ne voulait pas imposer "son" Voyage, à nous autres, enfin celles et ceux qui l'aiment, qui avons tous "notre" Voyage... Et devant le grotesque de Sherlock Holmes, je le regrette davantage encore.
Je voudrais tant le retrouver, cet homme-là... avec ses films-là...
Mais je sais, déjà, que je ne vivrai pas assez vieux pour cela...