Sur l'autoroute en voie de dédoublement entre Tirana et Pristina, une leçon de géopolitique contemporaine.
Une leçon à moindres frais.
Une leçon apportée par une autoroute.
C'est bête une autoroute, c'est simple, un long ruban, plat, sans aspérités, un peu comme ces lemon tarts croquées naguère par Tom Wolfe.
Et pourtant, cette autoroute nous offre une belle leçon de géopolitique.
Cette autoroute est actuellement en train d'être doublée. Elle serpente dans un pays farouchement francophone. Nous sommes les leaders en BTP... Ce sont pourtant des sociétés américaines et turques qui sont chargées de la construction. Le long de cet axe majeur, qui innerve l'Albanie, des stations services flambant neuves, des commerces récents, des hôtels... et des drapeaux américains, otaniens (?) et... européens. Les Américains ont voulu cette route gonflée, pour pouvoir acheminer rapidement leurs troupes vers le Kosovo. L'armée américaine ne plaisante pas avec ses impératifs logistiques et militaires...
L'Europe n'a pas d'armée. Pour assurer la paix au Kosovo, elle dépend de l'ONU. Pour empêcher la réalisation de la Grande Serbie et la purification ethnique, elle a dû demander l'aide de l'OTAN. L'Albanie nous montre, nous résume aussi les carences de l'Europe et cette autoroute en est comme la trace tangible...
L'intégration de l'Albanie dans l'Otan a été présentée comme une étape majeure dans l'histoire nationale et a été vécue comme une chance historique. Etape majeure dans l'intégration, dans l'arrimage à l'Occident et à l'Europe, la nôtre, et changement historique. L'Albanie est désormais à l'ouest et non plus à l'est. L'intégration est aussi une chance historique. Celle d'étancher, un peu, beaucoup, cette "soif d'Occident" dont parlait Kadaré, soif si présente en Albanie. L'Albanie souffre, après avoir subi la pire dictature des pays de l'est, d'une carence en infrastructures modernes. Un geste fort, soit de la France, soit de l'Europe, soit des deux, aurait pu, aurait dû être d'offrir quelques unes de ces infrastructures.
Il y a tant à faire dans ce pays. Et il y a tant d'attentes...
Sur l'autoroute on croise d'abord des Mercedes, ensuite des Fiat (l'Albanie est la cour-arrière de l'Italie), et enfin, de temps en temps des Citroën... Les firmes françaises sont presque absentes de l'asphalte... et au-dessus...
Une autoroute ou une leçon de géopolitique...
Ici, comme ailleurs, pour nous, il est minuit moins cinq...
Skodra, novembre 2009.