Ceux qui avaient les larmes aux yeux n'étaient pas les plus jeunes.
Je le sais, j'en étais...
Ceux qui étaient le plus émus, n'étaient pas les plus jeunes, désarmants de facilité, de tranquillité, souverains, des Caton de même pas vingt printemps, nous qui n'étions que des anciens.
Je le sais, j'en étais.
Ceux qui étaient les plus fiers n'étaient sans doute pas les plus jeunes, ni même les parents.
Je le sais, j'en étais.
Ceux qui ont tremblé quand leur(s) élève(s) ont gagné la tribune pour recevoir le prix du recteur n'étaient pas les plus jeunes.
Je le sais, je le confirme, j'en étais.
Ceux qui ont revu, en un flash toutes ces années, où ces jeunes pousses s'éveillaient ou seulement une année, la dernière, les sourires échangés, la connivence intellectuelle, ceux qui ont revu, ce que l'on tait dans les bureaux lambris des ministères, les goûters avec du chocolat lourd et capiteux, les cours sous les marronniers séculaires, quand le soleil de mai se fait chaleureux, les explications trop rapides, les passages précipités à-cause-du-programme, les faux coups de gueule, les franches rigolades, les traits de rouge, les devoirs sur table du samedi matin, les visages accablés des horaires trop lourds, les fous rires, les pauses qui dépassaient, et les sourires, leurs sourires... bref, tout le quotidien... j'en étais.
J'étais même deux fois là, ayant eu la chance d'avoir encadré deux élèves récompensés. Deux fois tout, tout en double... y compris les sourires...
Et le plaisir, et la fierté d'avoir croisé leur chemin un temps, eux qui désormais empruntent des voix que nos talents à nous, balisés, nous interdisaient, eux les meilleurs de nos filles et de nos fils...
Je le sais, j'en étais.
Je ne peux leur dire qu'un seul mot, qui dit tant, car il dit tout, et j'espère qu'ils passeront un jour par là pour le lire.
Juste "merci"...
Merci pour avoir tiré les autres vers le haut, y compris celui derrière le bureau, merci de ne jamais les avoir accablés de votre aisance déconcertante, y compris celui derrière le bureau...
Merci de vos sourires gourmands et malicieux.
Merci d'avoir croisé notre chemin.