Avant de partir dans ces hautes-terres, et sacrifier aux agapes familiales autour de bougies sacrées, permettez-moi, rares lecteurs, d'entonner les mots de Barrès et de ma grand-mère, rappelée à un à un Dieu auquel elle croyait.
Pauvre Champagne, si proche de Paris et si loin de Dieu... aimait-elle à dire, montrant ainsi, au-delà d'une foi chevillée à l'âme, une connaissance de la géographie pragmatique certes, mais réelle.
Pauvre Champagne, rapprochée de Paris et, de Paris ne peut venir que du mauvais, disait-elle. Et l'histoire, la grande comme la modeste, souvent lui a donné raison.
Pauvre Champagne, pauvres Ardennes oubliées de tous et de toutes, sauf de celles et de ceux qui y vivent et qui tentent d'y rester.
Pauvre Champagne, pauvres Ardennes oubliées des médias, sauf de Médiapart.
Pauvre Champagne, et pourtant si riche, qu'elle est un des greniers du monde, qu'elle réhausse les fêtes avec des bulles précieuses, finement travaillées, qu'elle soigne bon nombre de Français et d'Européens, qu'elle fournit même du malt aux Chinois. Pauvres Ardennes et Haute-Marne, ces réservoirs de nature, ces écrins, où courir, faire du vélo, se battre contre les vents sur les lacs immenses nous éloignent un peu de cette vie urbaine délétère.
Pauvre Champagne-Ardenne, qui est la seule région de France à perdre des habitants...
Pauvre Champagne-Ardenne, qui a vu augmenter les impôts, et qui sont d'autant plus insupportables qu'ils portent sur un nombre réduit de personnes imposables.
Pauvre pointe des Ardennes, où le taux de chômage écrase la moyenne nationale, et qui nourrit la colère sourde et la désespérance.
Pauvre terre, venue du fond des âges, battue par les vents, oubliée souvent de ses édiles.
Pauvre région touchée par la restructuration de ses armées, et qui perd ses régiments, sa base aérienne, sans oublier ses magistrats et ses Prud'hommes.
Pauvre terre qui vit une politique de déménagement du territoire, dans ce qui s'annonce, bel et bien, comme un ex-territoire. La friche progresse, les jeunes s'enfuient, les formations ne s'inscrivent pas toujours dans ce que la région offre de meilleur, dans ce qu'elle sait faire.
Pauvre terre, pauvres élections, dont on annonce déjà, comme un totem, le nombre des abstentionnistes, 40%, voire davantage.
Pauvre terre, transformée en ring national contre ou pour la majorité présidentielle, alors que les enjeux sont locaux, locaux et locaux !
Pauvre terre, qui aurait besoin, sans doute comme quelques-autres, d'une vraie campagne, avec de la pédagogie, avec des solutions consensuelles, des mesures énergiques, pour sauver cette région, qui a tous les défauts, mais qui reste la nôtre, envers et contre tout.
Pauvre Champagne...