Où sont passées les femmes, chantait naguère Patrick Juvet ? Et où sont passées ces femmes là ?
A l'heure où la condition des femmes est, non seulement, menacée, mais aussi amoindrie, il peut apparaître paradoxal, qu'un homme prenne, non sa plume, les temps changent, mais son clavier blanc, pour énoncer et dénoncer cette situation.
La condition des femmes est aussi celle des hommes, et pas seulement par le jeu d'un miroir.
Qui réduit le statut des femmes dans la société ébranle (sans mauvais jeu de mots...) celui des hommes.
Il existe, hélas, plusieurs marqueurs, qui montrent, ce retour en arrière.
* Icônes contemporaines détestables
Quelles sont ces femmes que l'on propose aux jeunes générations comme modèles ? Des femmes qui ont réussi, certes. Tant mieux. Des femmes obnibulées par leur garde-robe, soucieuses d'être bling-bling, et oublieuses aussi que ces robes et autres vêtements griffés sont hors de portées, hormis par leurs mains sur un papier glacé quadrichromique et cancérigène, à la plupart des femmes ? En France, c'est écrit, la réussite sociale doit se montrer. Il serait bon aussi, encore une fois, de prendre modèle sur les Etats-Unis et d'apprendre l'humilité. Des femmes qui travaillent leurs images, qui prennent des conseils de relookage... Ô parodie des femmes de leur proposer des femmes comme modèles, qui ne pensent qu' à leurs images dans les médias ? Le make-up du 20 heures est une insulte faite aux autres femmes. Car, que connaissent-elles ces femmes-là aux vrais problèmes des femmes ? Comment peut-on colporter dans les médias que des personnes imposées sur la fortune, avec toutes les aménités que cela suppose, connaissent le quotidien de ces femmes de l'ombre, qui prennent les transports en commun, qui ont des soucis de garde (quand appliquera-t-on les bonnes idées des Scandinaves et des Allemands à ce propos ? A-t-on aussi honte de nos travers qu'on ne veuille les effacer ?), qui ont trois vies dans une journée ? Non, toutes les femmes n'ont pas des nurses, ou des baby-sitters, et des femmes de ménage, ni des chauffeurs. Certaines prennent le RER encombré, ne peuvent pas aller chez le coiffeur à chacune de leur apparition en public, et doivent parfois tout abandonner pour aller chercher leur enfant malade, en comptant sur la compréhension de leur employeur... Et pourtant, il en existe des femmes à proposer comme modèles, des femmes de tous les jours, des vraies femmes qui ont ces trois vies, celle d'une femme, celle d'une mère et celle d'une femme active, pas des créatures médiatiques lissées.
* Héritières de Martine
Toutes nos jeunes filles ne sont pas des héritières de Martine. Pourtant, ce modèle aussi pèse sur elle, de manière plus ou moins consciemment, sans doute. Comment expliquer que nos élèves filles qui réussissent bien mieux que les garçons, qui collectionnent des mentions prestigieuses, qui font des exposés d'une qualité remarquable, etc. soient aussi absentes des très grandes écoles, des études scientifiques ? Ou ne soient pas autant présentes ? Comment expliquer qu'elles soient aussi absentes de nos assemblées représentatives ? Loi sur la parité ou pas. La présence d'une femme peut-elle s'expliquer seulement au respect aveugle d'un pourcentage ? Je m'interroge avec Madame Elizabeth Badinter à ce propos. Se censurent-elles ? Sont-elles contraintes à se taire et à choisir d'autres voies ? Subissent-elles des pressions ? Quand va-t-on créer des vraies structures pour promouvoir ces jeunes filles et les propulser dans les endroits prestigieux, non en abaissant les critères de sélection, mais en les encourageant à y aller, à se présenter, à les aider à croire en elles ? Notre pays manque-t-il de femmes comme la Chine ? Devrons-nous aussi importer des candidates au mariage des Etats voisins ou puiser dans la communauté des françaises à l'étranger pour en trouver davantage ? Quand dira-t-on non à ces catalogues de jouet qui montrent toujours l'enfante comme une Martine, tandis que le petit homme lui a droit aux Légos, aux ordinateurs, aux jeux de guerre et de civilisations ? Toutes les jeunes filles ne veulent pas être des infirmières ou des princesses ? Il y en a qui veulent devenir... pompier et qui le sont aujourd'hui. J'en connais au moins une... Les filles, jetez l'héritage de Martine... Mais conservez les albums, ils valent de l'or...
* Recul des droits
Toute l'oeuvre réalisée pour donner enfin aux femmes la libre disposition de leur corps, ce qui devrait être inscrit dans la Constitution d'ailleurs, semble menacée. Quelles pilules sont remboursées vraiment, mise à part celles de la première génération, les moins confortables, pour rester dans le langage doux ? Pourquoi, comme dans ma ville, le planning familial risque de fermer pour raisons financières ? Pourquoi laisse-t-on toute cette oeuvre se déliter, se réduire insensiblement ? Il ne s'agit pas de propagande pour l'avortement ou pour une sexualité effrénée, mais simplement ( c'est tout sauf simple, en fait, c'est un combat vrai, impérieux et donc complexe) pour que les femmes aient le droit. Le droit, on peut ne pas s'en servir, on peut même le dénigrer, on peut le combattre aussi, mais il existe, il a ce mérite là. Revoyons le film Harvey Milk, pour ne pas oublier combien il fut dur aux Etats-Unis de rendre possible l'idée d"une différence sexuelle. Relisons un peu ce qu'a enduré Simone Veil lors des séances de l'Assemblée pour faire adopter son projet de loi ? De l'injure à peine déguisée, à la calomnie infâme et immonde, cette femme a tout subi pour toutes les femmes et pour tout homme. Ce combat mérite d'être honoré. Et non, je ne le pense pas, toutes les femmes, n'en déplaise à certaines en cour, ne rêvent pas de connaître les joies du Code de natalité d'avant-guerre, de revivre sous le sceau des lois de 1920 ?Il est aussi des femmes qui ne veulent pas avoir d'enfant. En quoi cette envie est-elle plus condamnable que celle d'en avoir ? Le droit, c'est la possibilité de le refuser. L'absence de droit impose et oblige. Tout républicain, de coeur ou de conviction devrait s'en souvenir. Nos "343 salopes" devraient de nouveau signer et faire signer un appel. Il faut des aiguillons dans notre société qui aime s'endormir sur les droits acquis et qui en voit pas ceux qui sont menacés.
Revenez ô chiennes, vos cris se sont tus trop longtemps... Il est temps, à nouveau, d'entonner votre Péan..