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Billet de blog 17 octobre 2012

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À l'abri des regards

C’est un environnement pour ainsi dire « hors normes » que nous avons découvert en reportage près de Sarcelles (95200) en région parisienne : Image d’une misère méconnue, il s’y perdure un véritable bidonville.

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C’est un environnement pour ainsi dire « hors normes » que nous avons découvert en reportage près de Sarcelles (95200) en région parisienne : Image d’une misère méconnue, il s’y perdure un véritable bidonville.

Chers lecteurs, c’est à la fois de la peine et de l’étonnement que nous avons ressentis au cours de ce reportage près de Sarcelles. Une fois la limite de la ville atteinte, il suffit d’une dizaine de mètres parcourus pour se retrouver dans un univers totalement différent de celui perçu au quotidien.

Telle une frontière délimitée, c’est un véritable amas d’ordures qui marque l’accès à un bidonville de la banlieue parisienne (« ou petite couronne »). Lors de nos observations, ces ordures composées d’objets très divers ont parfois été fouillés par des adultes mais aussi par des enfants afin de tenter d’y trouver quelque chose d’utile. Plus loin, quelques sentiers parcourent une colline et aboutissent rapidement à une vue peu commune derrière cette brève hauteur: il s’y prolonge de très nombreuses « maisons » comme elles ont pour fonction; néanmoins celles-ci ne sont en fait qu’un entassement pensé d’objets de seconde vie dans le but de former un espace fermé relativement habitable.

Ces structures se présentent alors successivement de façon à former des allés. Sur un coté adjacent et délimité par des barrières, on retrouve parfois un nombre conséquent de petits terrains cultivés. Terre et ordures sont les principaux composants de ce paysage peu attrayant sur lequel est installé ce bidonville.

Afin de comprendre ce phénomène, nous avons pu obtenir des informations au près de la population locale. Suite à nos questions, nous avons constaté que la quasi-totalité (si ce n’est la totalité) de ces individus viennent directement de Roumanie: la qualification de Roms ne vous est d’ailleurs probablement pas inconnue.

Cette population est en effet arrivée clandestinement en France par différents moyens tels que le train et l’avion mais aussi à pied. Souvent en marge et victime d’un processus d’exclusion au sein de leur pays d’origine, ces individus ont voulu quitter leur extrême pauvreté. Le transit entre Roumanie/France est facilement permis par l’espace Schengen de l’Union Européenne qui bannit les douanes tout en permettant la libre circulation des individus; arriver en France semble donc assez simple selon les commentaires que nous avons recueillis. Ces flux d’immigrés s’installent alors de manière traditionnelle au près de bidonvilles connus (eux même situés près de grandes villes) afin d’être protégés par une sorte d’effet de masse. Pour expliquer ce propos, nous pouvons dire avec le cas du bidonville de Sarcelles que lors des rares cas où les autorités publiques sont envoyées au près de ces Roms, seules quelques personnes sont mises en garde à vue de manière totalement aléatoire pour être ensuite renvoyées en Roumanie: aucune mise en arrestation massive est aisément envisageable au sein de ce bidonville s’étendant grossièrement sur l’équivalent d’un stade d’athlétisme!

De plus, il est bon de préciser que ces arrestations n’ont qu’un effet court terme: les renvoyés reviennent presque toujours. Cette dernière affirmation peut poser des questions car il est vrai qu’il est difficile d’envisager une si importante volonté de revenir après parfois maints renvois pour une situation si difficile. Néanmoins cette volonté de rester en France parait tout naturelle au près de ceux que nous avons rencontrés. En effet, même résidant dans un bidonville et avec une qualité de vie déplorable selon la moyenne de vie française, cette situation précaire représente au final un quotidien bien meilleur que celui de Roumanie dans lequel ils vivent avec une pauvreté extrême. Le choix entre bidonville français et Roumanie est alors incontestable. Le système de santé à la française a également beaucoup de valeurs auprès des Roms car ces derniers peuvent bénéficier de soins de santé gratuits là où leur état de santé ne pourrait que se détériorer dans leur pays d’origine dans lequel les soins sont payants.

Pour subvenir à leurs besoins, ces individus peuvent utiliser plusieurs moyens. En premier lieu, la plupart d’entre eux vivent essentiellement par la vente de ferrailles. Ils recherchent donc de quoi vendre dans les détritus des citadins. La journée hebdomadaire de ramassage de grosses ordures est donc un moyen vital de trouver de quoi vendre par exemple. Dans un second temps, il vous parait sans doute évident que le travail au noir a dû être cité comme un moyen de trouver une source de revenu. Néanmoins, ce type d’activité illégale semble peu populaire au sein de ce bidonville car il le travail au noir est synonyme de revenu extrêmement faible. Enfin, nous pouvons citer d’autres moyens plus restreints mais qui gardent tout de même leur importance pour fournir de quoi vivre à ces Roms: on observe de nombreux champs cultivés près des habitations qui fournissent certains produits alimentaires basiques et une récupération primaire des eaux de pluie. Nous préciserons finalement qu’aucune aide d’associations ou des pouvoirs locaux ne sont ressenties.

Ces vies précaires sont souvent animées par un espoir qui se concrétise dans la volonté d’obtenir une carte de séjour. Obtenir la nationalité française n’est ainsi pas forcement la priorité de chacun car la carte de séjour permet au moins l’accès au travail et au logement; ce laissez-passer pour une vie meilleure est néanmoins très peu accessible pour ces illégaux. Cette volonté d’obtenir une carte de séjour pour séjourner en France se couple avec une réelle envie de s’intégrer à la société française. Par exemple, la plupart des enfants du bidonville vont normalement à l’école et représentent un vrai débouché d’une vie meilleure pour ces familles de situations incertaines. Cette recherche de l’intégration se ressent clairement au sein de la relation des Roms avec la population locale de la ville. La population, généralement au courant de la situation dont nous vous faisons part, a en effet une impression positive de ces clandestins et s’efforce même parfois de les aider notamment par le biais de dons d’objets de secondes vies. Cette impression positive est d’autant plus ressentie que les problèmes locaux (marché de drogue local par exemple) ne sont pas associés à la population de bidonville d’après les avis recueillis.

Malgré ce désir d’intégration prédominant dans ce bidonville, il peut être bon de souligner la lucidité des habitants qui reconnaissent un processus de marginalisation avec la société. Ce processus est rendu inexorable par leur exclusion des villes et par une difficulté assez rependue de parler « en bon français».

Ainsi, ce bidonville de Sarcelles démontre que la misère est toujours présente en France, d’autant plus que cette précarité peut s’observer par des formes que l’on croit parfois disparues. Pourtant c’est bien un environnement souvent caricaturé géographiquement en Inde par exemple qui ne cesse de se développer à l’ombre de la prospérité des grandes villes.

 Ci-dessous des photos de reportage avec description:

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