
Pas d’illusions, ni le sionisme ni son État ne sont réformables !
Par Yorgos Mitralias
Bien que parler de quelques otages israéliens détenus par le Hamas peut justement paraitre déplacé au moment où Israël procède devant les yeux du monde entier à l’extermination méthodique des Palestiniens par dizaines de milliers, nous croyons qu’il faut quand même revenir sur la question de ces otages parce qu’elle est très révélatrice de la nature profondément inhumaine et monstrueuse non seulement du gouvernement Netanyahou mais surtout du sionisme lui-même dans toutes ses versions !
En ciblant donc les négociateurs du Hamas au Qatar, les génocidaires Israéliens ont fait deux choses : d’abord, ils on enterré définitivement les espoirs des familles des otages Israéliens de voir Netanyahou passer un accord avec Hamas permettant la libération des otages. Et ensuite, ils ont donné pleinement raison à ceux et celles qui ont toujours prétendu que Netanyahou et ses ministres ne s’intéressent au sort de ces otages que dans la mesure où il sert la poursuite de leur guerre d’extermination du peuple palestinien.
Ceci étant dit, force est de constater que cette double clarification des intentions de Netanyahou et de son gouvernement provoque l’incompréhension et les interrogations des gens de bonne foi : ils n’arrivent pas à réaliser pourquoi Netanyahou sacrifie les otages juifs Israéliens se montrant totalement insensible aux pressions d’une partie de ses compatriotes. La réponse à ces interrogations est à chercher non pas au présent mais plutôt au passé du mouvement sioniste et de son État.
En effet, on doit avouer que l’attitude de Netanyahou envers les otages du Hamas n’est qu’un simple delit comparé au crime que constitue l’indifférence pour l’holocauste et meme le refus systématique de faire son possible pour sauver les juifs de la Diaspora victimes de la Shoah, de quelqu’un comme le fondateur d’Israël et dirigeant historique du mouvement sioniste David Ben Gourion ! Ce même Ben Gourion qui, devant le
comité central de son parti MAPAÏ le 7 décembre 1938, prononce ces phrases à la fois célèbres et terribles, après que Londres, choqué par la Nuit de Cristal, propose d’accueillir en Grande-Bretagne des milliers d’enfants juifs allemands et autrichiens : « Si je savais qu’il était possible de sauver tous les enfants d’Allemagne en les installant en Angleterre, ou juste la moitié en les installant en Eretz Israel, je choisirai cette deuxième solution. Car nous devons prendre en compte non seulement la vie de ces enfants, mais aussi l’histoire tout entière du peuple juif »…
On pourrait penser qu’une fois la « Solution Finale » mise en exécution, Ben Gourion et les autres dirigeants historiques du mouvement sioniste auraient changé leur attitude envers les juifs persécutés par les nazis. Il n’en a rien été. C’est ainsi qu’ Eliahu Dobkin, directeur du Département de l’immigration de l’Agence juive déclare à l’automne 1944 : « Le sionisme n’a pas pour mission de sauver les Juifs d’Europe, mais de sauver la Palestine pour le peuple juif ». C’est comme si ce dirigeant sioniste donnait une réponse négative définitive aux appels désespérés à l’aide du rabbin Slovaque Weissmandl qui demandait en vain à ses « frères (sionistes) de Palestine” les fonds nécessaires pour racheter aux dirigeants SS la survie des juifs de Slovaquie. Excédé par le silence prolongé des dirigeants sionistes pour le sort des juifs destinés à la mort, l’héroïque rabbin Weissmandl, qui avait déjà pu retarder de deux ans la déportation des juifs hongrois à Auschwitz, leur lance finalement l’anathème suivant : « comment pouvez-vous demeurer muets devant ce grand meurtre ? Muets tandis que des milliers de milliers, à présent six millions de Juifs, étaient assassinés. Muets tandis que des dizaines de milliers sont encore assassinés ou en voie de l’être ? Leurs cœurs détruits vous implorent à l’aide tout en déplorant votre cruauté. Brutaux, vous êtes, et assassins aussi, à cause du sang-froid du silence dans lequel vous observez. » (1)
Comme on le voit, le sacrifice cynique des juifs sur l’autel de la réalisation des projets sionistes (la construction de l’État Israélien, l’extermination des Palestiniens ou l’édification de Eretz Israel) n’est pas l’apanage de son aile révisionniste d’extrême droite, dont se revendique Netanyahou. Ce sacrifice a été pratiqué aussi systématiquement par Ben Gourion et ses amis travaillistes et libéraux à un tel point qu’on puisse dire qu’il fait partie intégrante des pratiques du sionisme…
Une autre pratique du gouvernement Netanyahou qui choque et reste incompréhensible pour les opinions publiques de nos pays, est celle qui voit les dirigeants Israéliens non seulement fréquenter assidument la fine fleur de l’extrême droite internationale traditionnellement antisémite, mais la considérer -d’ailleurs à juste titre- le meilleur allié et soutien d’Israël. Comment est-ce possible que le pays des descendants des survivants de la Shoah s’allie avec des antisémites notoires ou des nostalgiques des régimes fascistes et nazis de l’entre-deux guerres ?
En réalité, en s’alliant actuellement à des racistes, des fascistes et des antisémites Netanyahou ne fait que perpétuer une « tradition » du courant révisionniste du sionisme auquel il appartient. Et pour plus de détails, voici ce qu’on écrivait il y a un an dans notre article Netanyahou : un fasciste pur sang de par ses origines, sa formation et ses mentors :
« Comme on l’écrivait déjà dans notre article quand Einstein appelait « fascistes » ceux qui gouvernent Israël depuis 44 ans...« le premier à pratiquer ces « alliances contre-nature » n’était autre que le fondateur et théoricien du Révisionnisme sioniste Ze’ev Jabotinsky qui, poussé par sa haine viscérale de la Révolution russe, est allé jusqu’à conclure une alliance avec le chef de guerre nationaliste et anticommuniste ukrainien, Petlioura, l’armée duquel avait commis en 1917-1922... 897 pogroms anti-juifs durant lesquels ont été massacrés au moins 30 000 juifs ukrainiens ! ». Et on continuait rappelant que « le père de « Bibi », qui a servi de secrétaire de Jabotinsky, a suivi Abba Ahimeir quand celui-ci est entré en conflit avec Jabotinsky qui a rejeté sa proposition de devenir un... Mussolini juif a la tête d’un parti sioniste clairement fasciste. Étroit collaborateur de cet idéologue et théoricien fasciste, le père de Bibi a dirigé les publications de l’organisation de Ahimeir, lequel a noué des liens assez étroits avec l’Italie fasciste de Mussolini mais il n’a jamais réussi la même chose avec l’Allemagne nazie bien qu’il n’a pas hésité de faire l’éloge d’ Hitler en 1933 ! ».
Mais, il y a pire avec le mentor de Netanyahou et son organisation terroriste, car le fondateur et dirigeant de Lehi Avraham Stern n’a pas hésité, en pleine guerre mondiale, d’envoyer, par l’entremise de l’ambassade du Troisième Reich à Beyrouth, une lettre a Hitler lui proposant une alliance en bonne et due forme, bien qu’étant au courant de la persécution des juifs par le régime nazi ! C’est exactement ce cynisme et ce manque total de scrupules qui caractérisent Jabotinsky, Ahimeir, Begin et Shamir, c’est-à-dire tous les précurseurs et maîtres à penser de Netanyahou, qu’on retrouve actuellement dans les alliances que ce dernier est en train de conclure avec la fine fleur de l’extrême droite et du fascisme mondial, se foutant éperdument du fait que ses alliés archi-réactionnaires et obscurantistes soient des antisémites et des épigones ou nostalgiques des pogromistes et autres génocidaires de juifs d’antan ! ».(2)
Cependant, bien naïf celui qui pense que la fréquentation des fascistes et des antisémites patentés est l’apanage du seul Netanyahou et de ses « ancêtres » révisionnistes. Par exemple, c’est aux temps des premiers ministres travaillistes Golda Meir et Yitzhak Rabin que l’alliance économique et militaire d’Israël avec l’Afrique du Sud de l’apartheid atteignit des sommets, avec Israël brisant allègrement l’embargo économique et militaire imposé au régime raciste sud-africain par la communauté internationale. C’est ainsi qu’Israël était devenu l’allié militaire le plus proche de l'Afrique du Sud -ce qui incluait aussi une collaboration dans le domaine des armes nucléaires (!)-, le plus important fournisseur d'armes étranger de l’armée sud-africaine, et le créateur de l’industrie d’armement sud-africaine ! Et c’est le premier ministre travailliste Yitzhak Rabin qui portait en 1976 un toast en l’honneur du premier ministre sud-africain John Vorster en visite officielle en Israël, célébrant… « les idéaux partagés par Israël et l’Afrique du Sud » ! Détail éloquent : Vorster avait été interné en 1942, accusé d’être « sympathisant nazi ».
La conclusion crève les yeux : le sionisme et son État ne sont pas réformables car ni le sacrifice actuel des otages israéliens par Netanyahou, ni ses alliances privilégiées avec tout ce qu’il y a de racaille néofasciste et antisémite de par le monde, ne constituent une nouveauté pour le sionisme. Tout simplement, Netanyahou ne fait maintenant rien d’autre que pousser la logique sioniste à ses extrêmes. Pour le malheur non seulement des Palestiniens, de tout le Moyen Orient et de nous tous. Mais, aussi des juifs Israéliens eux-mêmes…
Notes
1. Affinités électives des bourreaux-Le Ghetto de Rafah comme le Ghetto de Varsovie : https://www.cadtm.org/Le-Ghetto-de-Rafah-comme-le-Ghetto-de-Varsovie
2. Netanyahou : un fasciste pur sang de par ses origines, sa formation et ses mentors… : https://blogs.mediapart.fr/yorgos-mitralias/blog/121024/netanyahou-un-fasciste-pur-sang-de-par-ses-origines-sa-formation-et-ses-mentors