Tribune d'un Éducateur de Jeunes Enfants, consultant & formateur en petite enfance

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Une réaction à des propos médiatiques
Cette tribune est née en réaction à certains propos récemment tenus dans l'espace médiatique, où l'on compare l'adulte à une girafe et l'enfant à une fourmi. Des propos qui, sous couvert de métaphores animalières, défendent l'idée que la punition serait la solution pour dompter, dresser un jeune enfant - finalement comme on dresserait un animal. Une vision qui, sous ses airs de bon sens éducatif, mérite qu'on la déconstruise.
Des métaphores qui déforment la réalité
On y croise donc des girafes majestueuses – censées incarner la hauteur de vue et la sagesse adulte – et des fourmis laborieuses, petites créatures supposées représenter l'enfant, ce « mini machin » qu'il faudrait modeler à coups de frustration bien dosée.
Mais à force de vouloir faire entrer l'enfance dans des schémas simplistes, on finit par déformer la réalité. L'enfant n'est pas une fourmi. Il n'est pas un insecte à dompter, ni un être inférieur à qui l'on impose des règles comme on impose un rythme à une colonie. L'enfant est une personne. Une vraie. Avec ses émotions, ses besoins, ses élans, ses contradictions, ses maladresses. Et surtout, avec une dignité qui mérite mieux que d'être réduite à une caricature zoologique.
L’adulte-girafe et la distance éducative
Quant à l'adulte-girafe, perché sur son cou métaphorique, il semble parfois bien loin du terrain, bien loin de l'écoute, bien loin de la remise en question. Car éduquer, ce n'est pas dominer. Ce n'est pas imposer une verticalité morale. C'est accompagner, dialoguer, ajuster. C'est parfois descendre de son piédestal pour se mettre à hauteur d'enfant – non pas pour céder, mais pour comprendre.
La relation éducative : confiance plutôt que crainte
Et surtout, la relation éducative ne se construit ni dans la peur ni dans la soumission. Elle se tisse dans la confiance, dans la sécurité affective, dans le respect mutuel. Une relation fondée sur la crainte n'éduque pas : elle conditionne. Elle fabrique des enfants obéissants, peut-être, mais pas des êtres libres, pensants, capables de discernement.
Derrière la fable, une vision rigide de l’éducation
Derrière ces fables pseudo-pédagogiques se cache une vision de l'éducation qui valorise la contrainte, la frustration, la rigidité. Une vision qui oublie que l'autorité ne se décrète pas : elle se construit dans la relation. Et que la bienveillance n'est pas un laxisme déguisé, mais une exigence éthique.
Élever plutôt que rabaisser
Alors non, le « mini machin » ou « la fourmi» n'est pas un petit tyran à mater. C'est un être en devenir, qui mérite qu'on le regarde avec respect, qu'on l'écoute avec attention, et qu'on l'élève – au sens noble du terme – sans le rabaisser à une métaphore animalière.
Youcef Amrouche, Éducateur de Jeunes Enfants, consultant & formateur petite enfance