En réponse aux manifestations le pouvoir algérien opte pour la violence
Youcef Benzatat, Le 02 mars 2019
Acculé face aux manifestations massives du peuple qui secouent le statu quo depuis février et qui lui contestent sa légitimité en lui demandant de partir, le pouvoir algérien n’a visiblement d’autre choix que l’option de la violence.
Comme pendant toutes les manifestations qui ont précédé durant le mois de février, celle du premier mars, qui a drainé près de dix millions de personnes dans les rues, a permis d’exprimer sans nuance et plus clairement la volonté du peuple de répudier le système de pouvoir en vigueur depuis l’indépendance du pays en 1962. Un pouvoir qu’ils considèrent illégitime et de surcroit autoritaire, répressif, liberticide et corrompu.
A deux mois de la présidentielle, le 18 avril 2019, le pouvoir était acculé à trancher sur la réponse à donner à ces manifestations massives du peuple, qui lui demandent d’annuler la candidature de Bouteflika et de restituer la souveraineté législatrice aux électeurs. Autrement, mettre fin au système de pouvoir arbitraire qui a confisqué la libération du peuple algérien de l’emprise coloniale.
Le dilemme serait comment restituer la souveraineté au peuple lorsque les cadres du premier cercle de ce pouvoir occulte et leurs clients et serviteurs avaient amassé des fortunes colossales, mal acquises, par la corruption et le détournement des biens publiques, durant des décennies. Des fortunes investies en partie au pays et l’autre partie à l’étranger. Sans évoquer notamment les crimes de sang commis contre le peuple et qui n’ont jamais fait l’objet d’enquêtes conséquentes, ni de coupables désignés et punis en conséquence. A tel point que, l’esprit populaire en arrive à formuler cette dérive par des comparaisons absurdes. En comparant les dérives de ce pouvoir à celui du système colonial. Citant l’exemple du premier ministre Ahmed Ouyahia, qui a vendu la dignité du peuple algérien pour se doter d’une flotte de bus de transport publique privé, alors que l’un des fondateurs du mouvement de libération nationale, Mustafa Ben Boulaid, aurait vendu sa flotte de bus de transport publique privé pour financer la guerre de libération nationale afin de restituer au peuple sa dignité.
Car restituer la souveraineté législatrice au peuple est synonyme d’état de droit, de justice indépendante et les conséquences que cela implique sur la quiétude des personnels de ce système de pouvoir qui sévit depuis des décennies.
En effet, dans ces conditions, le pouvoir n’a d’autre choix que le recours à la violence et au coup de force. Le peuple de son coté à compris que c’est la seule arme que détient le pouvoir pour contrer sa détermination à vouloir le répudier. C’est ainsi que le slogan le plus audible qui accompagne avec récurrence la volonté du peuple de répudiation du pouvoir est celui de « manifestation pacifique » et « révolution pacifique ». A tel point, qu’après chaque manifestation, une campagne de ramassage des déchets laissés après le passage des manifestants est exécutée dans la joie et les chants satiriques.
Il est évident que toute autre option choisie par le pouvoir en réponse aux exigences des manifestants devrait aboutir à un état de droit et une justice indépendante. A savoir, consacrer une période de transition avec l’élection d’une assemblée constituante, ou alors, organiser des élections présidentielles avec une véritable commission électorale indépendante, après avoir au préalable abandonné la reconduction de Bouteflika pour un cinquième mandat. C’est dire que les solutions à la crise politique que traverse le pays depuis l’irruption effective du peuple dans le champs politique, à travers les manifestations massives de ces dernières semaines, existent concrètement, mais elles n’arrangent pas les intérêts des décideurs. C’est pour cela que l’option de la violence est le seul recours qui lui permettra d’assurer la continuité de ce système de pouvoir lucratif et éviter à son personnel des démêlés ruineux avec la justice.
Après avoir pris conscience que le peuple est entré dans un processus révolutionnaire irréversible, légitime et légitimé par sa propre dérive et ses comportements liberticides, immoraux et cupides, le pouvoir s’est résolu à passer à l’offensive en déclenchant de son coté son processus contre révolutionnaire.
Lors de la manifestation du premier mars, qui a vu près d’un million d’algérois défiler dans les rues d’Alger, exigeant le départ du système, pacifiquement, dans la joie et la bonne humeur, des éléments occultes avaient disposé des poubelles contenant des pierres pour servir de projectiles et des bâtons pour casser des vitrines, à quelques endroits stratégiques, qui ont servi à la fin de la manifestation et après la dispersion des manifestants à un groupuscule d’individus sortis de nulle part, provocant destructions et affrontements avec la police anti émeutes.
De toute évidence, l’objectif recherché serait d’attribuer ces comportements condamnables aux manifestants et détruire l’image pacifique des manifestations auprès de l’opinion mondiale, véhiculées par les médias internationaux, et justifier la répression contre les manifestations à venir. Les médias publics, à court d’images de violence, n’ont pas hésité à diffuser en boucle, grossièrement, des scènes d’émeutes très violentes datant de 2011 en les attribuant aux manifestants du premier mars 2019.
On voit sur cette vidéo comment les manifestants essayent de convaincre les policiers que leur manifestation est pacifique, mais les policiers ne veulent rien négocier et continuent à les charger et les gazer.
C’est dire que le pouvoir est aux abois. Pris dans son propre piège. La fuite semble être la seule issue qui lui reste pour s’en sortir à moindre frais. Encore que, aujourd’hui, il n’y a plus d’endroits où se cacher dans le monde lorsqu’on traine de lourds passifs comme les décideurs algériens et qui font la une des réseaux sociaux tous les jours, dans les moindres détails, provocant indignation et consternation.
Le pire à craindre serait que le pouvoir pris de panique et acculé dans ses derniers retranchements ne passe à l’offensive et commette l’irréparable en provocant un carnage, pour terroriser la population, afin de la dissuader de poursuivre le processus révolutionnaire engagé et maintenir le statu quo.
A suivre…
Y.B.