Youcef Benzatat, Le 2 décembre 2018
« C’est choquant de voir les symboles de la France souillés » avait déclaré samedi premier décembre le premier ministre Français Edouard Philippe, suite au tag de l’arc de triomphe et la profanation de la tombe du soldat inconnu par les gilets jaunes, qui manifestaient contre la politique sociale et fiscale menée par l’élu de la République en marche, le Président Emanuel Macron. Cette phrase, prononcée sous l’émotion provoquée par la tension des violences exceptionnelles qui éclatèrent un peu partout dans les VIIIe et XVIe arrondissements de Paris, aurait pu passer inaperçue, si elle n’a pas été reprise en boucle par les médias français et les politiques de toutes tendances confondues. L’indignation était générale. On ne touche pas aux symboles de la France et rien ne peut justifier un tel affront. Les commentateurs, qu’ils soient des journalistes ou des politiques, avaient tous exprimé leur réprobation envers de tels actes attentant aux symboles sacrés de leur pays. Une telle indignation générale de la part de l’élite d’un peuple, lorsque les symboles de leur pays viennent à être souillés, ne traduit pas moins l’expression d’une conscience nationale et patriotique des plus normales. Un peuple et une nation se construisent sur des référents partagés, des symboles et des valeurs structurants, une histoire et une mémoire commune en tant que ciment entre ses membres et source de génération du sens. C’est à partir de ce socle que se nourrit l’intérêt commun pourfendeur de la dynamique politique qu’anime les jeux démocratiques de l’alternance au pouvoir. Soit !
Or, lorsqu’il s’agit de la souillure de ce qu’il y a de plus sacré pour le peuple algérien et pour la nation algérienne, en l’occurrence la guerre de libération nationale et le sacrifice de ses martyres et de la profanation de sa mémoire par des écrivains issus de ce peuple, ces derniers seront élevés au rang de héros de la liberté et du courage dans la dissidence par l’élite française, aussi bien politique que médiatique. C’est le cas de Kamel Daoud, qui manifeste dans ses écrits un acharnement obsessionnel contre ce symbole des plus sacré pour les Algériens, celui qui a permis à ce peuple de renaitre, de se réapproprier son pays et de voir sa nation réémerger de ses cendres. Sous le prétexte que cette révolution n’est que l’émanation de dictateurs cupides, corrompus et liberticides, allant jusqu’au mépris des vétérans de cette guerre d’indépendance, qu’il qualifia sur les colonnes du New York Times du 15 octobre 2018 de risibles, de vaniteux et de profiteurs. Amalgamant par ignorance, dans une révolte juvénile et arrogante, tout le combat d’un peuple pour sa dignité et sa liberté pendant plus d’un siècle d’occupation coloniale criminelle et ethnocidaire avec l’élite bourgeoise qui s’est autoproclamée l’héritière légitime de ce combat, en s’emparant du pouvoir par la contrainte et la coercition. C’est le cas aussi de Boualem Sansal qui a osé faire un rapprochement entre la révolution algérienne et le régime nazi dans son roman « le village de l’Allemand ».
A y regarder de près, cet acharnement en question est stimulé et provoqué chez ces auteurs délibérément par les médias français et outre atlantique, périodiquement, en les sollicitant à produire des textes ou à répondre à des questions relatives à cette problématique du déni du symbole le plus sacré pour les Algériens, faisant apparaître ces écrivains comme de véritables marionnettes fétiches, instrumentalisés à leur insu ou volontairement. La dernière sollicitation en date fut celle du quotidien le monde du 29 octobre 2018, une interview dans laquelle la journaliste, Virginie Larousse, présente Kamel Daoud comme « une figure du traitre au Maghreb et celle du dissident en Occident. » Dans cette logique on pouvait s’attendre à ce que les médias français présentent les gilets jaunes comme des héros de la liberté et des courageux de la dissidence pour avoir souillé un des plus grands symboles de la France et profané la tombe du soldat inconnu !
Hélas, cette logique ne s’applique qu’à l’Algérie, aussi bien pour les médias que pour les politiques français, dont les « traitres » sont les meilleurs alliés, qui sont utiles pour servir de caution alibi à couvrir d’un manteau de mensonges les crimes contre l’humanité perpétrés pendant plus d’un siècle contre le peuple algérien et élevés au rang de héros de la liberté et doués du courage exceptionnel de la dissidence.
Le Tag en question prédisait que « les gilets jaunes triompherons ». En attendant que leur prédiction ne se réalise concrètement et qui permettra à la France d’en bas, celle qui souffre d’une existence précaire de s’affranchir de son aliénation, ils ont déjà gagné une bataille à leur insu, celle d’avoir mis à nu l’hypocrisie de leurs médias et de leur classe politique envers l’Algérie.
Y.B