Youcef Benzatat

Abonné·e de Mediapart

40 Billets

0 Édition

Billet de blog 8 mars 2019

Youcef Benzatat

Abonné·e de Mediapart

Algérie : déjouer le piège du scénario à la syrienne

Les Etats Unis ont mis en garde le pouvoir algérien contre tout usage de la force envers les manifestants. Les Russes ont averti que l'Algérie est « une ligne rouge". Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement algérien, a averti, le pouvoir n’envisage pas de céder à la pression de la rue, même s’il faut aller vers un scénario à la syrienne.

Youcef Benzatat

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Algérie : déjouer le piège du scénario à la syrienne

Youcef Benzatat, Le 8 mars 2019

Les manifestations du peuple algérien ce sont vite traduites en un processus révolutionnaire irréversible, qui a pour objet le changement radical du système de pouvoir en vigueur, autoritaire et liberticide, et la refondation de l’Etat pour l’édification d’une nouvelle république démocratique.

Ce système de pouvoir, qui sévit depuis l’accès de l’Algérie à son indépendance, en 1962, n’entend pas céder à la pression du peuple. Une situation de crise s’est installée et un bras de fer est engagé entre le pouvoir et le peuple. Notamment par la volonté du pouvoir de reconduire le Président sortant, Abdelaziz Bouteflika, pour un 5° mandat et la détermination du peuple d’en finir avec ce système de pouvoir.

A ce jour aucune issue n’est envisagée pour sortir de cette impasse. La promesse du pouvoir de satisfaire les vœux des manifestants pendant le 5° mandat est rejetée unanimement par le peuple, car perçue comme une énième manigance pour étouffer la révolte et ne rien changer au système de pouvoir. Car, si ce n’était pas le cas, il aurait annulé les présidentielles et mis en œuvre la conférence nationale pour un changement radical du système de pouvoir dans l’immédiat.

Si la situation perdure dans ces termes, la révolte devrait inévitablement se radicaliser et basculer probablement vers la désobéissance civile. La situation deviendra dès lors explosive et l’affrontement incontournable, avec son lot de violences et de désordre publique. La tension atteindra certainement son paroxysme le 18 avril, le jour des élections présidentielles, dont le peuple est opposé et le chef d’état-major, vice-ministre de la défense, le Général Gaïd Salah, est déterminé à sécuriser le déroulement du vote avec l’appui de l’armée. Tout peut basculer à ce moment vers une situation insurrectionnelle et faire le lit aux ingrédients d’une situation à la syrienne.

Le pouvoir en est conscient et assume. Il est bien préparé pour affronter cette éventualité. Ahmed Ouyahia, premier ministre et chef du gouvernement, a averti les manifestants, le pouvoir n’envisage pas de céder à la pression de la rue, même s’il faut aller vers une situation à la syrienne.

Le basculement de la situation vers un scénario à la syrienne se traduirait dans ce cas par l’internationalisation de la crise. A ce moment, la crise algérienne sera prise en charge par les rivalités géostratégiques, entre les Américains et leurs alliés d’une part, et les Russes et leurs alliés d’autre part. Comme en Syrie. A savoir que, cette rivalité géostratégique autour du cas algérien couve déjà depuis longtemps. Surtout depuis ce qui est convenu d’appeler « le printemps arabe ». Sergeï Lavrov, chef de la diplomatie russe, a averti à chaque occasion de crise internationale, où l’Algérie était concernée, que ce pays est « une ligne rouge. Affirmant son soutien inconditionnel au régime algérien. De leur côté, les Etats Unis ont déclarés suite à l’impasse induite par les manifestations de ces dernières semaines, sous forme de menaces à peine voilées, que le pouvoir algérien doit respecter le droit du peuple à manifester. En d’autres termes, il s’agit d’une mise en garde contre tout usage de la force envers les manifestants.

Seule la clairvoyance du peuple algérien et de ses élites non compromises avec ce système de pouvoir, pourra déjouer ce piège mortel et ruineux pour le pays et lui éviter une tragédie meurtrière et destructrice, qui verrait sa souveraineté dévoyée et son territoire divisé.

Pour ce faire, la solution de sortie de cette crise doit rester algérienne et en aucun cas laisser des parties étrangères s’y immiscer.

Le peuple doit rester uni et lutter contre la division. Il doit préserver sa fragile union acquise à l’occasion de cette révolte nationale et rejeter avec fermeté toute tentative d’instrumentalisation et de manipulation de ses composantes identitaires et religieuses.

Rester concentré exclusivement sur la citoyenneté comme mode d’expression politique et de lutte contre le système de pouvoir en vigueur. Résister par des moyens pacifiques jusqu’à la victoire, par l’usure et l’affaiblissement de ce système. Continuer à manifester sa volonté avec patience et détermination. Evitez les provocations de toutes part qu’elles viennent.

Evitez les raccourcis d’une opposition qui a fait ses preuves d’impuissance, d’inefficacité et de compromission avec le pouvoir depuis des décennies. Ne compter que sur sa capacité d’organisation pour élire ses représentants, patiemment, avec sagesse et pragmatisme.

Pour que vive l’Algérie libre, unie et souveraine.

Y.B.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.