youchenaneoff

Abonné·e de Mediapart

2 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 octobre 2024

youchenaneoff

Abonné·e de Mediapart

Comment les bots indiens infiltrent X pour amplifier les discours ultra-nationalistes

Avec la guerre Israël-Hamas en toile de fond, une bataille se livre aussi en ligne : celle de la désinformation. Des bots et trolls indiens, soutenant les politiques de Narendra Modi et de l’extrême droite israélienne, s’activent massivement pour diffuser des discours anti-palestiniens et islamophobes.

youchenaneoff

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Un partisan de Narendra Modi, Premier ministre indien et chef du parti Bharatiya Janata (BJP), montre son portrait devant un bureau de vote à Bangalore, le 4 juin 2024. © afp.com/ Idrees MOHAMMED

Une influence numérique au service de l’idéologie

Dans l'ombre des conflits, un autre champ de bataille

Alors que la guerre meurtrière et dévastatrice entre Israël et le Hamas exacerbe les tensions au Moyen-Orient, un autre front se déploie, cette fois dans le domaine numérique. Les réseaux sociaux deviennent le théâtre d’une guerre de l’information où bots et trolls se mobilisent pour amplifier des discours polarisants et attiser la haine. Derrière cette stratégie d’influence, on retrouve des dispositifs numériques bien rodés, soutenus par des partisans pro-israéliens et pro-Modi. Ces comptes automatisés, parfois financés par des groupes militants, se déchaînent en ligne pour manipuler les perceptions à travers des messages chargés d’émotion, souvent à la limite de la désinformation.


Un dispositif numérique pour manipuler l'opinion publique

Stratégies de diffusion et viralité en ligne

Ces bots pro-israéliens et pro-Modi, qui opèrent principalement sur X (anciennement Twitter), sont programmés pour inonder l’espace public numérique en un temps record, surtout sur des hashtags de tendance comme #IStandWithIsrael ou #DefendIsraelNow. Des milliers de messages, accompagnés de visuels choquants ou de vidéos, circulent avec une fréquence si élevée qu'ils finissent par dominer les fils d’actualité. Ces messages sont souvent conçus pour susciter l’indignation, utilisant des images hors contexte qui, sans informations claires, visent à provoquer des réactions émotionnelles fortes et rapides de la part du public.

L’efficacité de ces stratégies de diffusion n'est plus à prouver. Par exemple, lors d'incidents violents en Inde, les mêmes tactiques sont employées pour diffuser des messages anti-musulmans et accuser les communautés musulmanes de divers maux. En période de tensions, comme lors des émeutes islamophobes initiées par des nationalistes hindous, ces messages s’intensifient pour stigmatiser des populations entières, renforçant les divisions religieuses et sociales dans un pays déjà fragilisé par des tensions intercommunautaires. Ce mécanisme d'amplification se traduit par une polarisation accrue et une perception exacerbée des différences, où chaque camp se radicalise davantage.

Illustration 2
Illustration 3
Deux exemples de posts amplifiés par des bots sur X, utilisant des hashtags pour influencer les opinions publiques.

Amplification de la violence numérique : entre soutien à Israël et polarisation en Inde

Une alliance idéologique entre nationalistes hindous et extrême droite israélienne

Cette convergence idéologique entre le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi et l’extrême droite israélienne ne surprend guère les observateurs. Les deux entités, bien que géographiquement éloignées, semblent alignées sur une approche commune, celle de la sécurité maximale et du contrôle social. En Israël, ce discours se traduit par une marginalisation des Palestiniens, tandis qu’en Inde, il s’exprime à travers la stigmatisation des minorités musulmanes. Dans les deux cas, les récits relayés par les réseaux de bots convergent pour construire une image déshumanisante de "l’autre" et justifier des politiques de sécurité rigides, sinon violentes.

Ces campagnes de désinformation, coordonnées en ligne, opèrent comme un miroir : les slogans et images anti-musulmanes de l’un des pays sont repris et amplifiés par l’autre. Cette alliance numérique, qui passe par le partage d’images et de mots-clés communs, crée un effet d’écho entre les deux sociétés. Le phénomène dépasse largement les frontières, impactant les perceptions non seulement au niveau national, mais également à l'international. Dans ce climat de tensions interreligieuses, cette influence numérique réussit à polariser profondément l’opinion publique, poussant des citoyens ordinaires à adopter des positions radicales et à percevoir l’« autre » comme une menace.

En Inde, l'islamophobie gagne la campagne électorale © Le Monde

Radicalisation numérique : l'impact d'un discours ciblé sur les jeunes

Une génération vulnérable aux discours de haine

Parmi les victimes de cette guerre de l’information, les jeunes apparaissent particulièrement influençables. Majoritaires sur les réseaux sociaux en Inde et très actifs en ligne, ils sont exposés quotidiennement à des contenus anti-musulmans et à des discours pro-nationalistes, qui finissent par s’infiltrer insidieusement dans leurs opinions. L’utilisation de bots agit ici comme un catalyseur de la haine : les messages postés par ces comptes automatisés renforcent la fracture sociale et religieuse dans des communautés où les tensions ne cessent de croître.

Cette radicalisation numérique prend des proportions inquiétantes, avec des répercussions directes et parfois violentes. Dans des villes comme New Delhi, Mumbai ou ailleurs, des actes de violence communautaire font écho aux discours de haine diffusés en ligne, et ces épisodes semblent suivre la trajectoire de la haine semée par ces campagnes numériques. Le climat tendu en ligne, créé et entretenu par les bots, devient un terreau fertile pour des actes de violence dans la vie réelle. Ce phénomène met en lumière la puissance de l’influence numérique, qui, bien plus qu'un simple partage d’opinion, modifie la perception et façonne les attitudes de manière durable.


Une réponse urgente pour contrer l’influence des bots sur les réseaux sociaux

La prolifération de ces bots pro-israéliens et pro-Modi soulève une question cruciale : comment les grandes plateformes numériques peuvent-elles réguler une guerre d’influence aussi massive et destructrice ? Tant que cette désinformation se répandra sans frein, la cohésion sociale en Inde et ailleurs en ressortira profondément fragilisée. Il est urgent que les gouvernements, en collaboration avec les géants du numérique, s’engagent dans la détection et la limitation de ces réseaux d’influence pour empêcher une exacerbation des tensions communautaires et préserver la stabilité des démocraties.

Pour contrer cette montée de la haine en ligne, la mise en place de dispositifs de suivi de la désinformation et de restrictions pour les comptes automatisés devient incontournable. À défaut d’action rapide, la polarisation alimentée par ces bots risque de se traduire par une augmentation de la violence dans les rues, au détriment de la paix sociale.

Illustration 5
Le Premier ministre indien Narendra Modi (à droite) rencontre Elon Musk (à gauche) à New York, aux États-Unis, le 20 juin 2023. © Photo publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) / Document distribué par l'Agence Anadolu via Getty Images

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.