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Billet de blog 1 décembre 2015

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La victoire des joueurs d'échec

En bon disciple de Gramsci le FN est en passe de devenir hégémonique dans la société. Après avoir fait avaler son idéologie au champ politique traditionnel, il se prépare au pouvoir. En face, on continue à jouer aux petits chevaux. Le résultat n'est pas douteux.

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Le FN comme idéologie

Le FN applique depuis trente ans une politique idéologique conséquente. Il sait que la société française est agitée en ses tréfonds d'une nostalgie de grandeur et d'un complexe colonial. Il faut bien le dire, aussi, un racisme institutionnel est bien ancré dans les diverses administrations. Il sait aussi que le peuple français n'est pas un "Volk" ethnique au sens allemand, qu'il est traversé depuis des siècles par des tensions internes entre le Sud et le Nord (il suffit de relire les écrivains français d'extrême droite...), entre le peuple de la France éternelle et ses émigré successifs. Il sait également que quand il prendra le pouvoir cela ne peut finir que par une épuration et des politiques de discrimination qui demanderont un Etat policier et féroce.

Au début des années 80 il est désespérément minoritaire. La bataille idéologique a été perdue depuis la fin de la guerre et ses thèses ne sont plus audibles. Toute la bande de Charlie a d’ailleurs œuvrée en ce sens, en ringardisant le drapeau, le sérieux, les valeurs françaises et toute cette sorte de chose.

Il va donc s’avancer pas à pas, posant à chaque fois des jalons pour faire revenir à la vie une vraie domination sur le débat, patiemment en avançant une idée après l’autre.

L'avancée des pions

Il commence évidemment par rassembler sa base, à savoir les racistes persuadés de la supériorité des valeurs Occidentales. Petit aparté, il ne semble pas vraiment opératoire de distinguer ici entre classes sociales, entre le « petit blanc » et le notable d’extrême droite. C’est la même population, somme toute assez franche du collier.

Puis, il place ses thèses au centre du débat, petit à petit, il serait assez fastidieux d’y aller dans le détail mais on peut distinguer quelques phases :

-        ces gens là ne sont pas comme nous, choquant au début, maintenant ne dit on pas que le multiculturalisme est un échec et qu’il faut revenir à l’identité français ;

-        l’Islam est inassimilable, on y arrive doucement, pas encore totalement, mais on peut se déclarer modérément islamophobe sans grand problème ;

-        il faut fermer les frontières et déchoir de la nationalité ceux qui ne sont pas « français de souche », pas encore totalement appliqué, mais déchoir de la nationalité française les français binationaux ne semble plus poser vraiment question ;

-        Encenser le flic et le militaire, sans commentaire.

En face, que fait on ?

On applique avec zèle les impératifs du capital et on se trouve toujours assez malin pour lancer des opérations de Com piteuses, en réagissant au coup par coup. Promesses cyniques à gauche (droit de vote des étranger,…), surenchère débile à droite. La démarche des idéologues en face est d’ailleurs prudente, quand un pion va trop loin on le retire et on attend la prochaine fois. En bref, quand le FN avance un pion, en face on joue aux petits chevaux.

Le résultat est là : la classe politique parle majoritairement (UMP/PS/FN) dans le champ intellectuel de l’extrême droite. La domination de l’échiquier idéologique est acquise.

Le moment du triomphe

Nous sommes près de l’épilogue. Le discours grotesque post attentat semble valider la posture de l’extrême droite depuis trente ans. Ecouter Cazeneuve faisait rire, maintenant il faut avoir peur. Les prochains pions vont probablement mettre en avant frontalement des thèses ouvertement racistes.

Evidemment, la société française dans son ensemble a les moyens de résister. Une lecture optimiste des ouvrages de Todd peut faire penser que la société civile, qui continue à vivre dans la mixité et à ne pas se soucier outre mesure des questions raciales peut avoir un sursaut. Ce sursaut se fera malheureusement en dehors des élites – notamment médiatiques et politiques – complétement converties à la grille de lecture identitaire qui avance jours après jour.

Que faire ?

Je me permettrais de proposer aux forces de gauche de raisonner arithmétique et rapport de force. Il est trop tard pour convaincre sur les idées, cela prendra 15 ans.

Aujourd’hui on a 30% FN, 25% PS et 25% UMP, cela laisse 25% et des abstentionnistes. L’Union de tous les partis de gauche non socialistes, ici, maintenant, pour la présidentielle et peut être au second tour des régionales paraît la seule solution pour peser et enrayer la machine majoritaire. L’union sacrée en quelque sorte, mais la menace est réelle.

Faire masse est la seule possibilité de peser pour pouvoir petit à petit reconquérir une hégémonie idéologique. En parallèle il faudra aussi mettre en place une information indépendante massive et puissante sur le net. Médiapart n’est qu’un début.

On peut rêver …

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