DEFINKELCROTTISONS LES ESPRITS !
par Younes BENKIRANE
"24 jours", le film d'ARCADY sur le drame de Ilan HALIMI, aurait pu -et dû- être un beau témoignage contre l'horreur d'où qu'elle vienne, et contre qui qu'elle soit dirigée !
Ilan HALIMI, juif, avait été délibérément séduit par une femme-appât puis séquestré, torturé, affamé, brûlé, 24 jours durant, pour une rançon fantasmée, par des monstres écervelés aujourd'hui condamnés et punis. Rien ne rendra à la famille Halimi son fils, pas même ma peine et ma solidarité sincères et puissantes. Mais Ilan aurait pu être le fils d'un riche bourgeois bien gaulois de Neuilly, le fils d'un gros industriel breton ou alsacien plein aux as. Peut-être. Sans doute... Mais ARCADY a préféré traiter l'affaire sous l'angle de l'antisémitisme musulman. Ignorant les invitations à la réflexion, et ce avec moult précautions, apportées par Aymeric CARON mais aussi par Natacha POLONY chez RUQUIER samedi dernier, Arcady a préféré jouer l'esclandre effarouchée pour vendre encore mieux son film et porter le débat sur un terrain communautariste amalgamant antisémitisme, arabité et Islam.
Il voulait le buzz, il l'a créé. Les chaines d'info ne parlent pus que de cela ! Caron voué aux gémonies, comme d'autres avant lui. D'autres, notamment les acteurs du film, pren nent le relais contre Caron sur d'autres chaines de radio et de télé. Parce qu'il a osé dire que cette haine du gang des barbares provenait d'écervelés haineux, qui cherchaient un fils de riche pour une rançon, et que le mobile antisémite pourrait ne venir qu'en second. Mal lui en a pris.
Il est donc interdit, comme toujours, dès qu'un sujet concerne des Juifs, de réfléchir, de penser, d'échanger. C'est antisémite ! Et si ce sont des Juifs qui osent ne pas rentrer dans le moule de la démarche sionisante, alors c'est qu'ils ont la "haine de soi" ! Les media non seulement tombent dans le panneau... mais elles font de vieux paranoïaques haineux, tels Finkelcrotte et Goldnadel, des soit-disant intellectuels de 1er plan, et surtout de puissants faiseurs d'opinion (de mauvaise opinion) !
Et sur d'autres sujets, pourtant aussi importants, au moins aussi importants : rien ! Rien sur Brahilm BOUARRAM, assassiné parce que marocain par des militants du FN un certain 1er mai. Rien, sur la LDJ et le Bétar, groupuscules judéo-sionistes fascistes d'extrème-droite qui au vu et au su de tous, de la police et du ministère de l'Intérieur, cassent de l'arabe et de l'intellectuel à tous bouts de champ. Rien, sur Rachid BOURARACH, agent de sécurité au magasin Batkor de Bobigny, mort après avoir été battu et jeté dans le Canal de l'Ourq par des juifs acoquinés avec la LDJ. Rien, sur le commissaire de police poignardé lors d'une manif par les fachos de la LDJ et du Bétar... et que son ministère de tutelle -sur injonction du Crif ?- a convaincu de retirer sa plainte.
Les propos d'Arcady sur le plateau d'ONPC pourraient portant, sans doute, être poursuivies pour propos haineux, voire pour invitation à la haine raciale. Car dire, à peu de choses près, et sur un ton aussi méprisant, que "si l'on a créé SOS racisme et la liberté d'expression, cette France Black-Blanc-Beur, pour en arriver là !"... trahissent une approche islamophobe, arabophobe, et en disent long sur ses objectifs évidents de créer de l'amalgame haineux et méprisant.
Il y aurait donc eu clash sur le plateau de ONPC entre Caron et Arcady. Mais pourtant, personne ne dit que Polony est également intervenue dans le même sens que Caron. Pourquoi ? Les images ont été coupées au montage. Pourquoi ? Le public français ne serait pas majeur pour juger de lui-même sur la base des faits ? Montrez-nous donc ces images ! Et parlez-nous du mépris d'Arcady envers Dupont-Aignan, qu'il a, avec moult mépris, quasiment refusé de saluer, sans avoir rien d'autre à lui reprocher que le fait qu'une de ses militantes (invitée depuis à quitter le parti) a assisté à un débat où était également Alain SORAL. Je n'ai bien sûr aucune sympathie pour Dupont-Aignan, mais imaginez ce dernier refusant de saluer Arcady ! Quelle différence ? Et bien la voici : c'est que dans ce dernier cas ce serait de l'antisémitisme, mais que dans le 1er cas ça passe inaperçu, voire normal et mérité. Choquant !
A la famille d'Ilan HALIMI :
Madame, Monsieur, et vous tous parents proches d'Ilan.
Rien, malheureusement, ne pourra vous rendre la vie d'Ilan. Je le regrette. Votre douleur est la mienne. Et j'ajoute : vraiment, sincèrement, profondément... comme une manière inconsciente de montrer patte blanche, de me justifier, de vous inviter à mieux me croire car, comme vous, voyez-vous, j'ai grandi avec cet acharnement des media et de la bien-pensance finkelcrottienne, à devoir être perçu, en tant qu'Arabe, comme un homme par essence haineux, sauvage, antisémite, sale, crachant par terre, élevant le ton, braillant, frappant sa femme et martyrisant ses enfants, habillé d'une djellaba déchirée et faisant ma prière sur des dunes de sable un sabre et une kalachnikov à la main, brûlant un drapeau américain et une Torah de l'autre, et crachant sur les juifs avec un regard haineux et la bave coulant sur mon menton. Et pourtant, imaginez. Imaginez juste une seconde que, comme vous, l'idée même, la seule idée, qu'un être qui m'est cher, mon fils ou mon père ou ma sœur, puisse subir un dixième, un centième, de ce que votre fils a subi me fait trembler de tous mes muscles et me torture avec une intensité que, non, vous ne pourriez imaginer, dans mon pauvre esprit d'humain. Ilan aurait pu être mon fils. Il aurait pu être mon frère. Il aurait pu être l'ami, ou le meilleur ami, de mon fils. Quel plaisir caché, quelle satisfaction inavouée pourrais-je avoir, en tant qu'Arabe ou musulman, à vouloir du mal à quiconque pour la seule raison qu'il est Juif ?! Imaginez, imaginez un instant, que je ne sois pas le seul, parmi les Arabes et les musulmans à penser ainsi. Que l'on ne soit même pas une minorité. Que l'on soit, contrairement à la bien-pensance actuelle, un vraie et écrasante majorité. Pensez, une seconde, qu'il y a, chez les Arabes et les musulmans, des idiots haineux et écervelés autant qu'il en existe chez les Blancs, les Indiens, les Chrétiens, les Bouddhistes, les Belges... et les Juifs. Pensez, une seconde, à Rachid BOURARACH, agent de sécurité mort après avoir été poursuivi, battu puis jeté dans le Canal de l'Ourq par de jeunes Juifs liés à la LDJ. Pensez à Baruch GOLDSTEIN, tirant à la mitrailleuse à l'intérieur d'une mosquée à Hébron. Pensez aux graffitis racistes sur les mosquées et églises en Israël et en Territoires occupés ces derniers jours.
Madame et Mr Halimi,
La haine a ceci de confondant qu'elle est ce qu'il y a de mieux partagé au monde entre les populations, les ethnies, les religions. La haine est en chacun d'entre nous. Et nous devons la combattre. Tous. Vous et moi. C'est un magnifique et beau challenge ! Et j'ai la candeur et le courage d'y croire. La haine ne doit pas nous gagner, ni même nous diviser. Juifs, Arabes, Berbères et musulmans ont vécu de longs siècles dans la fraternité et l'acceptation réciproques. Si le problème israélo-palestinien nous divise, ce ne sont là, si j'ose dire, que de "simples approches politiques". Nous devons pouvoir en débattre, et même nous accrocher, dans le respect mutuel, sans céder à la haine de l'autre. Sans l'amalgamer. Sans le réduire à sa kippa ou à son voile.
Je pense à Ilan -veuillez m'excuser de remuer à nouveau le couteau dans la plaie- et au gang des Barbares.
J'imagine -souvent- ce qu'a pu être son calvaire... Et j'en tremble (pardonnez-moi, en ce moment précis les larmes m'envahissent). Parce que je suis, juste comme vous, comme lui, un être de chair et de sang. Et que ma chair et mon sang ne peuvent s'imaginer subissant pareille torture. Et que c'est une véritable torture que je subis et m'inflige en y pensant. Imaginez qu'on puisse, tout comme vous, tout comme lui, être de valeureux humains en chaque parcelle de notre être.
En faisant "24 jours", Mr Arcady aurait pu -et dû- nous rassembler, tous, autour du drame qu'a subi l'ensemble de votre famille. Nous inviter à la réflexion, à la commisération, à l'unité, à un "plus jamais ça" conjoint, main dans la main. Mais l'angle sous lequel Acady a traité ce drame, et la manière dont il fait la promotion de son film, je vous l'assure, ne font , par l'amalgame, que creuser l'incompréhension et la discorde. L'avez-vous entendu, et vu, sur le plateau d'ONPC, associer la campagne de SOS racisme et la France Black-Blanc-Beur à ce drame ! Quel rapport ? sinon l'amalgame, et cette même bêtise que celle qu'il dit vouloir dénoncer ?!
Madame et Mr Halimi,
J'imagine, également, les bourreaux d'Ilan. Je les imagine durant ces 24 jours, et encore avant, lorsqu'ils préparaient leur immonde méfait. Comment la haine peut-elle à ce point nous déshumaniser ?! Je vous le jure, je vous l'assure : cette haine ne peut être justifiée ni par leur prétendu Islam, ni par leur prétendu soutien à la cause palestinienne. C'est juste la haine. La bêtise. La meute de chiens aigris alimentée par l'ivresse du groupe et d'un leader charismatique canalisant le pire de ce qu'il y a en chacun d'entre eux. Cette haine, oui, a pu être attisée par des facteurs religieux et politiques, mais aussi, et d'abord, par l'appât de l'argent.
Croyez-moi, le meilleur de ce que nous puissions faire, pour l'humanité qui est en chacun d'entre nous, pour la mémoire d'Ilan même, c'est de rejeter l'amalgame, de lutter -ensemble- contre toutes les formes de haine, d'où qu'elles viennent et contre qui qu'elles soient dirigées.
La vertu du pardon –je ne me permettrai point de vous en demander autant– a permis à tant de gens – Mandela, Ghandi, des mères éprouvées par l'assassinat de leur enfant, de par le monde– de nettoyer leur cœur en choisissant de ne pas laisser leur colère légitime se transformer en cri de haine et de guerre, mais en cri d'amour et de fraternité, en invitation à l'intelligence, devenant ainsi des symboles de luttes humaines confraternelles. Je pense ainsi, également, à David Grossman. Je pense, aussi, à Hiba et Jihane, 2 jeunes marocaines, qui, voici quelques jours, en pleine séance du tribunal de Rabat jugeant leurs violeurs, ont clamé pardonner à ceux-ci.
Sans qu'il soit même nécessaire de pardonner, je crois que l'homme, le vrai, quel que soit son sexe, sa religion, son origine, peut sortir grandi par les épreuves terribles.
J'ose croire, Madame, Monsieur, que le meilleur en nous peut être plus fort.
Younes BENKIRANE