Article de Mustapha MAJDI*
C’est le silence de l’indifférence, du déni, de la duplicité, de la résignation, parfois de la peur et de la lâcheté. C’est le silence de ce qu’on appelle la « communauté internationale » à l’égard des violations des droits humains commises par l’État d’Israël contre les Palestiniens depuis des décennies. C’est aussi le silence condamnable des États arabes et musulmans.
Le silence est la négation des valeurs morales et des principes fondamentaux du droit international. Il permet aux atrocités de continuer. Se taire, c'est cautionner les violences et le non droit. Cessons d’être complices de l'inacceptable.
Le problème palestinien est inscrit dans ma conscience politique. Sans haine, sans violence. Nul ne peut rester insensible à la mort des victimes palestiniennes innocentes. Leur sang est versé impunément, leurs enfants sont la proie d’une occupation armée brutale.
En Israël, les mauvais traitements sur les mineurs en détention est systématique.
« Les enfants palestiniens de la Bande de Gaza et de Cisjordanie sont capturés par les soldats israéliens pour ensuite être torturés, humiliés, utilisés pour passer au peigne fin des bâtiments potentiellement dangereux ou comme boucliers. », rapporte le quotidien israélien Ha'aretz, citant un rapport du Comité de l’ONU pour les Droits de l’enfance.
Le rapport du comité de l’ONU précise que les enfants vivant dans les territoires occupés par Israël sont systématiquement sujets aux violences physiques, sexuelles et verbales, et supportent des humiliations, des menaces et des privations d'eau, d’aliments et d’hygiène après leur arrestation. Ces faits sont confirmés par de nombreuses organisations israéliennes, palestiniennes et internationales de défense des droits Humains et de l’enfant, dont L’UNICEF, Defence Chidren International, B’Tselem, Save the Children, l’ACAT, et le Ministère britannique des Affaires Étrangères, au travers d’un rapport intitulé « Children in Military Detention ».
La cause palestinienne est indissociable des luttes pour les droits Humains. Parler de la Palestine est une question de droit, de justice, de liberté et d’honneur. C’est évoquer les souffrances d’un peuple, parler des mères et des enfants, prisonniers qui voient leurs droits piétinés. C’est parler des habitants des territoires occupés qui ne peuvent accéder à l'eau, à la terre, à un logement décent, à une alimentation saine et suffisante, à des soins médicaux de qualité, à la libre circulation, et à tant d’autres droits Humains. C’est dénoncer les bombardements destructeurs et meurtriers à Gaza, les attaques menées directement contre des civils et des biens de caractère civil, les assassinats commis par les snipers, qui relèvent de crimes de guerre...
Une violence disproportionnée et l’impunité permanente.
Il est essentiel de parler de la Palestine pour soutenir les droits légitimes des Palestiniens d’avoir un État souverain et viable aux côtés d’Israël, dans les frontières d’avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, le démantèlement des colonies israéliennes et une solution juste du problème des réfugiés sur la base du droit au retour ou à compensation. Ces droits sont reconnus par les Nations Unies, les textes étant dûment ratifiés par des centaines d’États. Mais, lorsque l’on parle de soutien au peuple palestinien, très vite paraissent les accusations d’antisémitisme - une forme d’intimidation, de terrorisme intellectuel -. La religion s’impose alors pour nier l’oppression d’un État envers un peuple multiconfessionnel et justifier l’accaparement de ses terres et de ses ressources.
Le 10 mars dernier, lors de la cérémonie de remise des Oscars, le Britannique Jonathan GLAZER, fils d’immigrés juifs ukrainiens, vainqueur de l’Oscar du meilleur film étranger pour La Zone d’intérêt, chronique sur la vie insouciante d'une famille de Nazis dans leur villa jouxtant le camp d'Auschwitz, a condamné les opérations militaires d’Israël à Gaza en ces termes :
« ... Les choix de ce film ont été faits pour réfléchir et nous confronter avec le présent, pas pour dire ce qu’ils ont fait alors, plutôt ce que nous faisons maintenant. Notre film montre là où a pu mener la déshumanisation la plus terrible. Et cela a forgé notre passé et notre présent.
Aujourd'hui, nous nous tenons devant vous comme des hommes qui refusons que notre judéité et l'Holocauste soient détournés par une occupation qui a mené à une guerre impliquant tant d'innocents. Qu'il s'agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de celles des attaques incessantes qui se déroulent à Gaza, elles sont toutes des victimes de cette déshumanisation. »
Le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit religieux, c’est un conflit géopolitique avec lequel le phénomène religieux interfère, et non l’inverse.
Le 7 octobre 2023, des attaques meurtrières ont été commises contre des civils israéliens par la branche armée du Hamas, appuyée par d’autres organisations palestiniennes. Des dizaines d’enfants israéliens figuraient parmi les personnes assassinées et parmi les otages.
Je condamne sans équivoque le meurtre d’innocents et la prise d’otages. Rien ne saurait justifier ces atrocités. Toute perte d'une vie humaine, qu'elle soit palestinienne ou israélienne, est une perte de trop. Je m’associe à la douleur de ceux qui ont perdu un proche et à l’angoisse des familles dont certains membres ont été enlevés.
La solidarité avec Israël s’est naturellement manifestée avec vigueur. Mais, force est de constater que les massacres des populations palestiniennes perpétrées par l’armée israélienne ne suscitent ni l’indignation, ni la solidarité des dirigeants des pays occidentaux. Comble du cynisme, les États-Unis, soutien inconditionnel d’Israël, empêchent à plusieurs reprises le Conseil de sécurité de l'ONU d'exiger un cessez-le-feu « immédiat » en dépit de la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza.
Dans sa lettre de démission, Craig MOKHIBER, ex-directeur du bureau new-yorkais du Haut- Commissariat des Nations Unies aux Droits Humains, attribue sans détour une complicité à l’Europe et aux puissances occidentales, qu’il dépeint à la fois comme architectes et complices du « projet ethno-nationaliste » et du « colonialisme d’occupation » infligés brutalement à la Palestine depuis 75 ans.
Combien de temps encore l’Occident va-t-il accepter l'occupation militaire israélienne des territoires palestiniens, à l'origine de profondes violations des droits humains et d'atteintes environnementales vis-à-vis du peuple palestinien ?
Combien de temps encore les gouvernements occidentaux complices de cette tragédie humaine, vont-t-il permettre que l’État d’Israël continue ‒ comme il le fait depuis sa création ‒ à refuser d’appliquer les résolutions des Nations Unies ?
La guerre israélo – palestinienne a commencé il y a presque un siècle. Ne faudrait-il pas chercher les raisons des actes qualifiés de « terroristes » dans l’impunité de l’État d’Israël qui bafoue les lois internationales depuis des décennies ?
Depuis le début de l’occupation israélienne des territoires palestiniens en juin 1967, les politiques impitoyables de colonisation, de discrimination, d’expropriation de terres et de ressources en eau, de destruction d’arbres, de pollution de terres agricoles et d’eaux de surface (...), menées par Israël, ont causé d’immenses souffrances aux Palestiniens et les ont privés de leurs droits fondamentaux.
Dans « Le Livre noir de l'occupation israélienne : Les soldats racontent », paru en octobre 2013, on peut lire :
« ... En 145 témoignages, les soldats de l'armée israélienne racontent leur quotidien fait de violences ordinaires et de tensions permanentes. Dans ce que certains décrivent comme un Far West, les limites morales de chacun sont sans cesse mises à l'épreuve. Et tous sont marqués à vie. Dix ans d'enquête ont permis à l'organisation Breaking the Silence de récolter ces paroles de guerre qui disent les objectifs réels de la politique israélienne dans les Territoires : renforcer son emprise sur la terre et contrôler la population palestinienne. »
Est-il nécessaire de rappeler que Netanyahou gouverne aujourd’hui avec une coalition réunissant l'extrême droite et les ultra-orthodoxes, prônant un racisme décomplexé et violent envers les Palestiniens ?
La politique de ce gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël, se traduit - plus encore que sous les gouvernements précédents - par l'expansion des colonies, la légalisation des colonies sauvages, les démolitions et les expulsions brutales des populations palestiniennes, les incursions régulières dans les territoires palestiniens, la répression constante et sanglante du mouvement pacifique et civil palestinien, l’emprisonnement arbitraire de milliers de Palestiniens dont des femmes et des enfants, le maintien de Gaza sous un blocus inhumain, inacceptable, condamné internationalement.
La poursuite et l’accélération sans précédent de la colonisation - un territoire amputé de plus de 80 % depuis 1948 -, émiette et étrangle ce qui reste des territoires palestiniens, minant ainsi le fondement même d’une solution à deux états. Le blocus de Gaza qui dure depuis juillet 2007, prive les populations palestiniennes des besoins les plus élémentaires : la nourriture, les médicaments, l’électricité..., et leur impose des conditions d’existence dramatiques.
Gaza, prison à ciel ouvert, où s’entassent deux millions de personnes isolées et sans recours, dont les grands-parents ont été chassés de leurs maisons en 1948, de ces régions environnantes d’Ashkelon, qui était historiquement une ville palestinienne. Les populations de Gaza survivent comme elles le peuvent. Comme le rappelle l’ONU, 35 % des terres cultivables et 85% des eaux pour la pêche sont partiellement ou totalement inaccessibles aux Gazaouis en raison des restrictions israéliennes.
Depuis le 8 octobre, des bombardements intensifs s'abattent sur Gaza, transformant les maisons, les hôpitaux, les écoles, les universités, les mosquées, les églises, les camps de réfugiés..., en un tas de ruines, sans que cela ne suscite de réaction vigoureuse de la communauté internationale et de ses États membres.
60 % des infrastructures sont détruites ou endommagées. 21 hôpitaux sur les 36 que compte Gaza ont cessé de fonctionner fin décembre 2023. Combien, aujourd’hui ?
Ce qui se passe à Gaza défie toute humanité. Les images effroyables des massacres commis envers des civils désarmés sont une atteinte insupportable à la dignité et à la vie humaine.
Dans Haaretz, quotidien en Israël, Gideon Levy, journaliste et écrivain israélien, membre de la direction du journal, écrit le 10 octobre 2023 :
« Les menaces de raser Gaza ne démontrent qu’une chose : nous n’avons rien appris. L’arrogance persiste, même si Israël paie à nouveau un prix élevé.
Derrière tout cela se cache l’arrogance israélienne : l’idée que nous pouvons faire ce que nous voulons, que nous ne paierons jamais le prix et que nous ne serons pas punis pour cela. Nous continuerons sans être dérangés.
Nous arrêterons, tuerons, harcèlerons, déposséderons et protégerons les colons s’activant à leurs pogroms...
Nous tirerons sur des gens innocents, leur réduirons les yeux en bouillie et leur écraserons le visage, nous expulserons, confisquerons, volerons, arracherons les gens à leur lit, pratiquerons la purification ethnique et bien sûr continuerons le siège incroyable de la bande de Gaza, et tout ira bien...
Nous continuerons à détenir des milliers de prisonniers palestiniens, parfois sans jugement, la plupart d’entre eux étant des prisonniers politiques. Et pas question de discuter de leur libération, même après des décennies de détention. » (...)
Le bilan humain de l’offensive de l’armée israélienne à Gaza est effroyable. Il s’alourdit d’heure en heure, tandis que les dirigeants israéliens multiplient les menaces les plus terrifiantes. Entre le 7 octobre 2023 et le 14 mars 2024, les bombardements et les actions de l'armée israélienne au sol ont tué plus de 31 000 personnes dont 12 800 enfants et 8 400 femmes. A cela s'ajoute un nombre élevé de blessés : 70 000 personnes, en majorité des civils, et au moins 7 000 personnes sont portées disparues, probablement ensevelies sous les décombres.
12 800 enfants tués en cinq mois, c’est plus qu’en quatre ans de guerre à travers le monde, d’après les Nations Unies. L’Unicef parle de guerre contre les enfants.
Le 12 mars 2024, la radio française France inter rapporte que : La chaîne de télévision américaine Cable News Network, CNN, a décidé de recouvrir, intégralement, son studio de 12 800 pictogrammes. Sur la totalité des murs de cet immense studio de télévision, une myriade de petits traits noirs, sur fond blanc, ont soudain fait leur apparition, assortis de cette explication :
« Ce sont des petits pictogrammes représentant des enfants, sur les murs de notre studio. Il y en a un pour chacun des 12 800 enfants qui sont morts à Gaza, d’après le ministère de la santé de Gaza. »
CNN a diffusé pendant de longues minutes, des images, totalement insoutenables, d’enfants faméliques, mais également des prévisions funestes : « Les bébés de milliers de femmes qui doivent accoucher dans le mois à venir, dans la bande de Gaza, risquent de mourir. »
Et elle a même choisi de faire entendre l’enregistrement sonore, de l’exécution d’une petite fille palestinienne âgée... de 6 ans.
Les organisations humanitaires estiment que 85% des habitants de Gaza ont été déplacés. Ils sont regroupés pour partie à Rafah affamés, bombardés, risquant à tout moment l’expulsion. Deux millions de personnes vivent dans des conditions extrêmement précaires, sans accès à la nourriture, à l'eau potable et aux soins médicaux de base. Dans un rapport publié le 18 mars 2024, l’ONG Oxfam accuse Israël d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza y compris la nourriture, les fournitures médicales, en violation du droit humanitaire international.
Gaza est menacée par la famine : 93 % de ses habitants sont « en situation d'insécurité alimentaire aiguë », selon le Programme alimentaire mondial.
Ce n’est pas une guerre, c’est un massacre, un « désastre humanitaire ». L’invasion et le bombardement de Gaza n’ont pas pour but ultime de détruire le Hamas. Cette décision israélienne de semer la mort et la destruction à Gaza est l’aboutissement d’une entreprise de nettoyage ethnique des Palestiniens qui dure depuis 75 ans. Les enquêtes et témoignages de différentes organisations de droits Humains dénoncent de nombreux crimes de guerre de l’armée israélienne.
Plus que jamais, le peuple palestinien a besoin de la solidarité de toutes les forces démocratiques, de la mobilisation concrète des sociétés civiles à travers le monde pour réclamer « un cessez le feu immédiat et permanent, et l’arrêt du génocide en cours, conformément à la décision de la cour Internationale de justice du 26 janvier 20224. »
Il faut mettre fin à cette violence disproportionnée et à l’impunité permanente de l’État d’Israël qui apporte constamment de nouvelles graines pour le prochain drame. Il serait temps que la communauté internationale retrouve une morale. La position américaine à ce sujet ne présage rien de bon - le terme est faible.
La solution au conflit Israélo-palestinien ne pourra être que politique. La paix passe par l’application claire et rigoureuse du droit international et le respect des résolutions de l’Organisation des Nations Unies, par le respect des droits Humains.
Il n’y aura pas de paix sans remise en cause du colonialisme, de l’occupation, ni de l’apartheid.
Il n’y aura pas de paix sans les Palestiniens.
« L'avenir d'Israël passe nécessairement par l'établissement d'une paix avec le peuple palestinien selon le principe deux peuples, deux États », écrivaient en 2010 (!) dans un « Appel à la raison », des personnalités françaises juives dont Jean HATZFELD, Georges KIEJMAN et Pierre NORA...
15 mars 2024
Mustapha MAJDI*
*Acteur associatif, retraité
Ex secrétaire général du FORIM - Réseau des diasporas solidaires