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Billet de blog 29 mai 2024

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Déconstruction de quelques idées reçues sur le conflit Israélo-Palestinien

Déconstruction de quelques idées reçues sur le conflit Israélo-Palestinien, en attendant que les Etats Unis prennent la décision nécessaire pour la paix au Proche Orient.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cela fait plus de sept mois que la guerre fait rage à Gaza, avec un bilan quotidien de victimes Palestiniennes de plusieurs dizaines chaque jour, en comptant aussi les Palestiniens tués régulièrement en Cisjordanie. Il semble bien que l’armée Israélienne veuille d’une part garder une moyenne élevée de victimes (peu importe civiles ou pas) afin de « normaliser » les informations émanant des Territoires Occupés, et d’autre part rendre l’opinion publique internationale apathique au vu du carnage en cours. Les drames à Gaza ne passent pas inaperçus, loin de là, et la réaction des étudiants des universités en Amérique du Nord et en Europe et ailleurs est honorable et courageuse, comme le sont les réactions de certains pays et partis politiques européens, d’Amérique latine et bien sûr de l’Afrique du Sud. Le dernier vote de l‘Assemblée Générale des Nations Unis confirme la position majoritaire internationale en faveur de l’acceptation de la Palestine comme état membre à part entière  dans cette Assemblée, signe incontestable de la solidarité internationale avec le peuple Palestinien.

Comment expliquer alors, face à ces événements d’une ampleur inégalée dans la région, le silence flagrant de certains pays arabes, ou au plus leur soutien timide aux Palestiniens ?

Les chefs d’états arabes se retrouvent bien sûr pour des réunions de « sommets »  Arabes (déjà tenus deux fois  depuis Octobre dernier) avec comme résultat des communiqués et…rien d’autre!  A noter que ces réunions ne font pas l’unanimité même pour la photo de souvenir supposée montrer l’unité arabe (le roi du Maroc par exemple ne se déplace plus pour ces sommets). Certes les pays arabes sont unanimes à soutenir la cause Palestinienne lors de votes aux Nations Unis et ailleurs, et certains pays comme le Koweit, les Emirats Arabes et la Jordanie ont  des hopitaux de campagne à Gaza bien avant la dernière guerre, et continuent d'acheminer des  vivres  par voie aérienne, en plus des cortèges de camions chargés de denrées alimentaires et médicaments, comme l’ont fait certains pays occidentaux.  Quant aux décisions prises lors de ces sommets, bien que souvent très réalistes et très valables pour la résolution du conflit, elles demeurent des vœux pieux.

Le peu d’enthousiasme des régimes Arabes à prendre des actes concrets de soutien s’explique par trois facteurs :

  • Ils espèrent discrètement qu’Israël finisse la tâche d’éliminer le Hamas. Le parti des Frères Musulmans, parti politique et mouvement Islamique aux agendas tortueux mais dont l’ultime but est de saisir le pouvoir politique dans les pays arabes et musulmans (et pour qui la cause Palestinienne n’est qu’un prétexte), parti présent timidement publiquement mais surtout tacitement dans la plupart de ces pays, essaie toujours de récupérer l’effet « Hamas » à son profit pour rallier le plus grand nombre à ses thèses, ce qui pourrait constituer des risques de déstabilisation de ces régimes, et même de ces pays tout court. C’est pour cette même raison que les mouvements populaires de soutien aux Palestiniens (manifestations publiques, publications sur réseaux sociaux) sont soit totalement interdits soit très étroitement surveillés et encadrés.
  • Israël fournissait à certains régimes arabes, et bien avant les accord d’Abraham de 2020,  des logiciels de surveillance et de renseignements qui permettent de contrôler les communications de tout citoyen, opposant(e) ou pas, quel que soit les moyens  utilisés (communications téléphoniques, messageries, réseaux sociaux), permettant ainsi d’étouffer toute initiative sociale ou politique ou évidemment toute tentative de critique à l’égard du pouvoir. Le souci majeur de certains rois et émirs de la région, on pourrait dire le seul souci, est la garantie totale et absolue de la pérennité de leur emprise sur le pouvoir (ainsi que celui de leur progéniture), ce qu’Israël leur promet.
  • Les pays arabes ne souhaitent pas, en général, irriter les Etats Unis en lui demandant de prendre des positions plus pro-palestiniennes. Ont-ils des leviers pour le faire ? Nous ne sommes plus en 1973 (Utilisation du pétrole comme arme politique) mais Les monarchies pétrolières ont surtout des intérêts et fonds financiers énormes libellés en dollars. Une plus grande diversification notamment géographique de ces investissements nuirait peut-être à l’économie américaine, mais cette hypothèse (de faire bouger des placements) est très peu probable car, là encore, Le gouvernement Américain leur promet aussi sa protection. En plus, un état  comme l’Egypte, avec ses méga problèmes, ne veut, ne peut, en aucun cas, aliéner ses plus grands soutiens financiers et militaires (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Etats Unis). 

Un temps viendra ou les deux antagonistes du conflit, Israéliens et Palestiniens, se retrouveront autour d’une table face à face.  L’ironie peut-être est qu’ils se connaissent si bien, et si mal. Cet  « autre » que chacun voulait faire semblant de ne pas voir, c’est en fait une situation de déni mutuel qui ne peut plus durer.

Les reproches que les Palestiniens font aux Israéliens sont énormes. Outre les drames et méfaits indénombrables de l’occupation depuis des décennies,  la guerre à Gaza a fait plus de 35000 morts, des milliers d’orphelins, de blessés, de personnes handicapées pour la vie, de modes de vie et d’actifs à jamais perdus, et d’infrastructures presque totalement détruites. Déjà avant le 7 Octobre une majorité d’Israéliens ne se souciait guère  du vécu des Palestiniens de Gaza, et les manifestations Israéliennes des premiers mois de 2023 (contre les changements juridiques proposés par le gouvernement israélien) ne mentionnaient  jamais (ou si peu ?) le blocus de Gaza ou les attaques des colons et les sorties fréquentes meurtrières de l’armée Israélienne en Cisjordanie. On a vu des Israéliens essayant d’empêcher l’entrée de camions de vivres à Gaza ! Sérieusement ? à quoi pensent-ils ?

Les Israéliens ont aussi certainement des reproches valables contre les Palestiniens. On peut citer les attentats meurtriers odieux que le Hamas – déjà - a commis durant la deuxième moitié des années 1990 dans les villes Israéliennes visant des civils. Mais certains reproches méritent un regard plus objectif : Ainsi un des reproches les plus fréquents est l’argument souvent avancé par des politiciens Israéliens, passés et présents, et parfois non sans un certain sarcasme, que « Les Palestiniens ne ratent pas une occasion (afin de régler le conflit) pour rater…cette occasion ». L’exemple qu’on répète est le partage de la Palestine en 1947, comme quoi les Palestiniens auraient dû gracieusement accepter ce partage. Il est facile de porter des jugements à posteriori concernant leur attitude, mais dans le contexte de l’époque le partage signifiait l’annexion de plus de la moitié de leur patrie ; qui l’aurait accepté ? Autre exemple : Les politiciens Israéliens ont souvent répété que Yasser Arafat a « raté » l’occasion d’un accord historique de paix lors des réunions de Camp David aux Etats Unis en 2000 réunissant aussi messieurs Clinton et Barak. Mais comment, comment, les Américains et les Israéliens pouvaient penser que Arafat accepterait la souveraineté Israélienne sur l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem, lieu saint majeur  vénéré par absolument tout le Monde Islamique ? 

Nombre de commentateurs dans la presse écrite et télévisée occidentale « rappellent », très souvent, qu’Israël est la « seule » démocratie au Proche-Orient  (ils oublient le Liban, La Tunisie, l’Algérie). Mais revenons au « seul » état démocratique du Proche-Orient : En Mars 2022 la Knesset (le parlement Israélien) adopte une loi interdisant aux époux palestiniens de citoyens Israéliens l’obtention de la nationalité Israélienne, ce qui oblige des familles à la séparation ou les force à l’exil. Le député Israélien Simcha Rothman qui a fortement soutenu cette loi a dit « l’état d’Israël est Juif et ainsi le demeurera ». Déjà en 2018 la Knesset a adopté une loi définissant Israël comme Etat Juif : n’est-il pas alors plus honnête de dire que Israël est une théocratie et non pas une démocratie ?  En cela Israël peut se réjouir, car il n’est pas la « seule » théocratie au Proche-Orient, il rejoint le club de plusieurs états de la région.

Quant au caractère d’autres décisions « démocratiques «, comment qualifier les décisions de la Knesset  de légaliser des colonies construites en Cisjordanie après 1967 ? Peut-on accepter comme  « démocratiques » des décisions qui dénient à des populations palestiniennes leur droits sur leur terre et qui en plus enfreignent le droit international?

Le cours des événements depuis octobre dernier mène ce conflit sur un nouveau palier, et il y’a lieu de se demander comment seront à l’avenir les liaisons entre  Palestiniens et Israéliens une fois la guerre à Gaza terminée.

Il ne faut pas se leurrer : la relation  entre les deux peuples  sera, par la suite et pour une période non négligeable, au mieux, très tendue. Il y’a indiscutablement des deux côtés beaucoup d’amertume et de méfiance réciproque.  C’est précisément à cause de cette animosité accrue entre les deux peuples et d’une entente qui ne sera  pas imminente qu’il faut absolument les séparer, en établissant l’état Palestinien, et minimiser tant que possible les interactions entre Israël et La Palestine, au moins durant les premières années, par le biais de la présence de forces internationales. L’établissement de l’état Palestinien constituera un garant fondamental de la sécurité de l’état Israélien, et constituera surtout une défaite stratégique et  historique pour le Hamas qui ne reconnaît pas  la solution à deux états.

Pour pallier aux soucis sécuritaires d’Israël, il serait envisageable que la Palestine soit initialement un état démilitarisé. C’était le cas de l’Allemagne et du Japon après 1945 (bien que la comparaison s’arrête là car les Palestiniens ne sont pas le premier belligérant). Il faudra envisager des programmes de reconstruction massifs à Gaza et en Cisjordanie et des aides techniques internationales, qui contribueront au développement économique et à l’épanouissement de l’état Palestinien. C’est ce projet qui donnera l’espoir au Palestiniens de vivre dignement, de travailler, et d’œuvrer à la réalisation de leurs aspirations. Ce projet bénéficiera évidemment Israël, qui non seulement profitera du bon voisinage d‘un état en pleine expansion économique, mais aussi de la normalisation de ses relations avec tous les états de la région.

Ce qui reste à faire alors c’est convaincre Les Etats Unis, et tous les amis d’Israël, de reconnaître la Palestine comme état membre à part entière aux Nation Unis : C’est absolument le meilleur service que ce pays peut rendre à Israël. La communauté internationale et en particulier la Communauté Européenne peuvent contribuer activement à cette entreprise. Le but ultime, si noble et si nécessaire, est de mettre fin à plus d’un siècle de tragédies, et de repositionner le Proche-Orient sur un chemin de paix et de de prospérité.  Le monde entier y gagnera.

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