Ce samedi 19 novembre, c’était bien le chaos qui régnait devant la philharmonie de Paris pour ce quatrième jour de grève des agents d’accueil. Un chaos, certes, mais un chaos joyeux et solidaire, chaleureusement accueilli par un public révolté de nos conditions de travail et de la fuite de l’argent public dans les poches de prestataires privés. Des jeunes, des parents, des enfants, des retraités, des pauvres et des bien moins pauvres sont venus nous voir et ont discuté avec nous sur le piquet de grève. Malgré la musique, les pétards et les fumigènes, des familles ont emmené leurs enfants pour discuter avec les grévistes et les syndiqués, qui les ont instruit sur la lutte et les revendications. Leur soutient est sans appel, en plus des visites et des mots en faveur de la lutte, plus de cinq cent euros ont été donnés dans la caisse de grève, par les visiteurs d’hier. Un artiste étranger a même invité les agents en grève à monter sur scène lors de son concert le soir même au Trabendo. Toute la journée, des individus de tous âges sont venu chanter et crier à la honte de la Philharmonie de Paris et à la fin de la sous-traitance. Car, pour rappeler les fondamentaux du mouvement de lutte, la philharmonie sous-traite les métiers d’agents d’accueil avec un prestataire privé qui se fait son bénéfice grâce à l’exploitation de ses employés, en flirtant constamment avec les limites du code du travail. Cette permissivité, rendue d’autant plus malléable par le gouvernement actuel, organise la fuite de l’argent publique alloué à la culture dans d’énormes boites privées, dont le modèle économique repose sur la précarisation des plus précaires.
Alors qu’en est-il du côté de la hiérarchie ? Tout d’abord, l’effort de grève aura été gratifié par une panique générale particulièrement visible en interne. Nos chefs, qu’ils soient avec la philharmonie ou le sous-traitant, perdent patience et sortent de leur gongs. Ils ne peuvent plus se retenir de devenir agressifs en présence des grévistes et sont à la limite de l’insulte lorsqu’ils parlent à nos camarades sur le piquet. Même le prestigieux énarque, qui nous gouverne en tant que directeur général adjoint, transpire de haine et de mépris en s’adressant à l’un des nôtres, qui a eu l’audace de lui faire remarqué sa déconnexion face à la réalité sur le terrain. Notre responsable au sein de la sous-traitance a même dit, entre deux regards noirs et de nombreux appels avec Marc le Magnifique, être déçue de notre manque de loyauté envers la main qui nous nourrit, n'ayant pas encore compris que l'on n'avait pas juré fidélité au grand patron qu'elle se plait tant à adorer. Elle est aussi allée approcher d’autres agents de concert pour les dissuader de faire grève à leur tour, tout en essayant de discréditer le mouvement auprès des nouveaux. C'est notamment à cause de la peur qu'inspire nos chefs et responsables, que certains agents partisans du mouvement ne se sont pas mis en grève hier, car ils savent que nous prenons un risque énorme, notamment à cause de nos contrats précaires qui permettent de nous écarter à tout moment. Ils se permettent déjà de condamner les agents en leur refusant des créneaux ou en les déprogrammant à la dernière minute, comme c'est arrivé à une camarade gréviste hier.
D'autres nombreuses tentatives ont été menées pour essayer de casser la grève. En temps normal, les expositions et le musée auraient dû être fermées, car tous les agents de ces départements étaient en grève, mais la hiérarchie a voulu bloquer le mouvement en demandant à la sécurité de laisser entrer le public malgré l’absence d’agents pour les accueillir, vérifier les billets, équiper les visiteurs, tenir le vestiaire et nettoyer le matériel. De plus, il a été question dans la journée qu'ils embauchent des agents d'un autre sous-traitant en prévision des concerts, ce qui n'a (heureusement) pas été possible. Mais aujourd’hui, nos responsables ont eu la brillante idée de recruter presque le double d’agents suite à la rumeur d’une autre journée de grève, préférant prendre le risque de payer des personnes supplémentaires pour un travail qui ne le demande pas, plutôt que de céder aux revendications de la grève. Alors les chefs d'équipes ont pu s'amuser à balader les agents en trop d'un endroit à un autre, ne sachant pas quoi leur faire faire.
Mais que demandons-nous de si fou ? Une augmentation de notre panier repas, qui s’élève toujours à trois euros pour l’instant, une revalorisation de nos salaires suite à l’inflation et la pénibilité inégale du travail en fonction des jours et des postes, le remboursement immédiat de la moitié des transports et non au pro-rata des heures effectuées, la prime de précarité au 10% généralement pratiqués et non 6% comme actuellement, la prime de langue pour tous type de contrat et pour toute langue parlée et surtout, un vrai management qualifié et non une parodie tyrannique d’autorité comme nos chefs la pratiquent. Ces demandes, qui paraissent raisonnables aux yeux de beaucoup, sont ridiculisées et méprisées en réunions de négociation avec la hiérarchie qui continue à nous infantiliser et ne veut rien entendre. Car si les chefs deviennent aussi agressifs et dérapent si facilement en présence des grévistes, nous le prenons comme un début de la victoire pour le mouvement. C’est bien la preuve qu’ils ont perdu le contrôle et que sans nous la maison ne tourne pas si facilement qu’ils voulaient le croire. Alors qu'ils continuent de nous insulter, qu'ils continuent de nous mépriser et sans problèmes, nous continuerons à faire grève.
La lutte, elle, reste là, impassible et concentrée sur son objectif. Nous ne céderons pas et finirons par obtenir gain de cause, avec peut-être en prime, quelques têtes de la hiérarchie qui seront tombées suite à leur incompétence morbide et désolante.
S'ils ne veulent pas nous entendre, le public, lui, nous a entendu hier et a bien fait comprendre qu'il était de notre côté. Alors, pour aider les grévistes, participez à faire entendre notre lutte à tous les niveaux possibles, car à notre échelle c'est la force symbolique qui nous permettra d'obtenir gain de cause.
Honte à la philharmonie et force aux grévistes d'hier et de demain !
Yozo Oba.