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Billet de blog 28 novembre 2022

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Grévistes sanctionnés, la Philharmonie de la Honte contre attaque

La Philharmonie de Paris continue encore de s'humilier face au sous-traitant privé en cautionnant le dégraissage anticonstitutionnel des grévistes. Jusqu'où iront les grandes institutions publiques pour prouver leur allégeance au capitalisme dérégulé ? Et surtout, la ponction de l'argent publique vers le privé peut-elle passer au dessus des droits fondamentaux des travailleurs ?

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Si vous avez un tant soit peu suivi ce qu’il se passe à la Philharmonie de Paris depuis quelques semaines, vous auriez pu penser que les revendications de la lutte, raisonnables au demeurant, seraient en négociation pour avancer vers une entente commune. Que né ni chers amis, depuis la dernière grève qui fut un franc succès autant pour nous que le public, n’en déplaise à la désinformation de libération, les négociations ont tout simplement coupé court. La Philharmonie de Paris s’est retirée de la discussion, sous-entendant qu’il était déloyal de notre part d’avoir continué le mouvement alors qu’ils étaient prêts à nous laisser les quelques miettes qu’ils n’avaient pas déjà mangées. Ainsi, le groupe sous-traitant nous a fait nous déplacer jusque dans ses bureaux du dix-septième arrondissement pour nous mentir sans honte dès les premières secondes de parole, lorsque nous avons demandé la réintégration de nos camarades honteusement écartés des plannings, comme condition au bon déroulement des négociations. Alors, qu’en est-il exactement de ces nouveaux stratagèmes d’intimidation à la grève ? 

Comme la majorité d’entre nous, nos camarades évincés étaient sous contrats CIDD (la honte du droit du travail) qui, pour la faire courte, sont une sorte de CDD/période d’essaie à renouvellement infini, souvent présenté comme un intérêt de grande « liberté » pour l’employé, mais étant surtout l’arnaque ultime d’une libéralisme débridé comportant tous les avantages pour l’employeur, que Picsou lui même n’aurait que rêver de détenir. Le CIDD, ça veut dire que si notre tronche ne revient plus à la hiérarchie, c’est ciao les amis. Nul besoin de motif, de préavis ou même de dédommagement pour les concernés, ils ne sont pas licenciés mais tout simplement non-renouvelés. Voici donc la situation de nos trois camarades, écartés pour leur lutte au front de la grève suite à la grande mobilisation du samedi 19 novembre, dont les dernières heures de travail furent d’une touchante tristesse du côté de leurs (anciens) collègues. Dans un milieu et une démographie si précaire, les liens se tissent vite et la solidarité fleurie en abondance, malgré les réticences de certain.e.s pour la lutte, les mots de compassion des agents résonnent encore dans les locaux monumentaux de l’institution prestigieuse. C’est la gorge nouée et les larmes aux yeux que les quelques non-grévistes expriment leur ambiguïté face au mouvement et à la condition de leurs camarades, fâcheusement surplombés de la pression des chefs qui viennent questionner chacun d’entre nous sur notre lieu de travail, tout sourire comme si la conversation était égalitaire. « Ce sont les grévistes qui te mettent la pression » s’est vu entendre un.e agent.e cette semaine, ne sachant quoi répondre à la propagande anti-lutte effectuée par les supérieur.e.s, qui s'excitent à nous décrire tel des ultras, à la limite du terrorisme bolchévique. À leur défaveur, les camarades sanctionnés étaient connus et appréciés de beaucoup et leur « licenciement » n’aura pas eu l’effet escompté par la hiérarchie qui c’est, une fois n’est pas coutume, rendue grotesque et ouvertement incompétente à gérer la crise.

L’un des grévistes écartés était aussi syndiqué, ce qui rend l’affaire d’autant plus scandaleuse concernant les motifs de son non-renouvellement. Nous le rappellerons brièvement, mais en France le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle. Il peut et doit être exercé dans le cadre de la loi régie par la république, ce qui implique que les mobilisés ne peuvent en être sanctionnés. Maintenant, peu importe comment le sous-traitant peut essayer de justifier sa décision, toujours est-il qu’ils ont sciemment décidé d’écarter des gréviste et particulièrement, un de ceux qui ont étés les plus malmenés par la hiérarchie, insulté et attrapé par les supérieurs durant le mouvement de grève. 

Dans leur effort incommensurable à casser la grève, nos souverains se sont attelé à une performance bouffonesque toute la semaine passée. Nous avons passé plusieurs journées au double d’effectifs prévus pour les agents d’accueil, certains n’ayant tellement pas de travail à effectuer qu’ils ont passé leurs journées dans les bureaux à ne rien faire, puis sont allé visiter les expos et ont finit en beauté à la fête foraine d’à côté, tout en étant payés (au même titre que nous) par le sous-traitant. Les mêmes qui nous racontaient le récit merveilleux du manque d’argent alloué à la culture il y a quelques semaines, dépensent maintenant sans compter pour briser la lutte. Peut-être, nous disons bien peut-être, leur vigueur face à la lutte serait-elle plus idéologique qu’économique ? Nous avons l’impression d’avoir touché un point sensible dans le coeur des winners, car ils sortent de toute bienséance professionnelle lorsqu’ils s’adressent à nos camarades les plus frondeurs. Nous remettons en cause ce qu’ils voulaient évident, une idée certaine que leur système ne serait qu’un ordre des choses naturel, composé de subordonnés et de subordonnants. Mais une bande de jeunes de la vingtaine réclamant plus que rien les rend fou. Car à leurs yeux, nous valons bien moins que rien et ils ne se privent pas pour nous le signifier. Nous sommes interchangeables et malléables, nous ne sommes qu’une main d’oeuvre qui râle alors qu’elle « devrait s’estime heureuse d’être au smic », dixit un haut fonctionnaire de la Philharmonie de Paris. 

L’argent existe. Il existe pour casser la grève, il existe pour contrer la lutte et il existe particulièrement dans les caisse de champagne dont s’arrosent allègrement la philharmonie à chaque événement avec la direction. L’argent publique ruisselant dans les institutions de culture orchestre une comédie des plus macabre, ou les gagnants du système se flattent d’exposer des idées de révolutionnaires du XXème siècle, tout en crachant au visage des perdants révoltés à leurs pieds. Ils nous regardent. Parfois de près, parfois de loin. Ils vont jusqu’à demander aux autres sous-traités de la sécurité de nous regarder. Exigeant des travailleurs pauvres d’épier d’autres travailleurs pauvres. Comme pour les agents d’accueil, de nouveaux agents de sécurité ont étés rajoutés pour venir surveiller les grévistes. Nous ne leur en voulons pas, nous savons que nous sommes dans le même bateau. Mais nous en voulons à ceux qui nous croient si stupides que nous ne communiquerions pas les uns les autres. Nous en voulons à ceux qui se pensent vertueux de défendre l’ordre établi, peu importe son degré d’injustice et de mépris. Nous en voulons à ceux qui n’arrivent pas à se poser la seule question qui vaille dans ce genre de crise importante : de quel côté de l’Histoire voulez-vous vous trouver ? Or, lorsque les luttes sont cruciales, elles sont historiques et lorsqu’elles sont historiques, la menace ne suffit pas à les étouffer. Ils nous croient stupides, mais nous sommes solidaires et ne ploierons pas face à leurs misères. 

Dans tout ce marasme il y a quand même du bon, nous avons le privilège de recevoir plus régulièrement la visite de Marc le Magnifique, qui vient serrer la main de ses sous-traités comme la reine d’Angleterre à l’Unicef. On lui souhaite, bien sûr, le même parcours, il a d’ailleurs déjà un sourire bien britannique, dont on ne saurait vraiment dire s’il a trop ou pas assez vu de dentistes dans sa vie. De plus, il est parvenu à nos petites oreilles rouges de marxistes, que la direction et les responsables nous lisaient et nous tenons à leur signaler que nous en sommes bien honorés. Marc, on est fan. On est fan de toi et de ta petite performance de grand citoyen du monde humaniste et philanthrope, toujours avec une classe (et probablement des idées) dignes d’un Alain Delon, costard et pompes cirées, reluisants de la bave de tes sous-fifres, deux grandes dames dont l’une parait être le sosie de M la maudite d’Italie et l’autre a le visage tellement effacé par les masques qu’elle se force à porter, qu’on n’en discerne plus les expressions réelles … pourtant dieu sait que son cas est peut-être l'un des plus déprimants de cette lutte.  Si tu nous lis, sache que nous admirons presque ta servitude sans faille face à des gens qui t’auraient mépriser il a encore peu. J’espère sincèrement que Marc le Grandiose te promet quelque chose de plus sympathique que son sourire infernal. Sinon, il n’est pas trop tard pour cesser de jouer la meilleure de la classe des perdants du capitalisme et de rejoindre la lutte. Ou au moins, d’arrêter de contrer ce qui n’est qu’un progrès fondamental. 

Que le lecteur avisé nous excuse de ces petits dérapages aux allures de règlements de comptes, qui sont, finalement, assez bon enfant en comparaison à ce que la hiérarchie nous impose comme spectacle. Ces gens là se battent corps et âme, avec un argent fou et des méthodes de dissuasion plus que limites, contre ce qui ne serait qu'une petite avancée salariale dans le meilleur des cas. Car c’est bien ce qui constitue la base de tout et nous sommes fatigués de devoir encore le justifier. Nos revendications ne sont qu’un progrès, presque infime certes, mais absolument nécessaires face à la gloutonnerie sans fin du capital débridé, malheureusement défendu jusque dans les lieux de culture. Nous demandons le peu qu’il nous manque pour vivre décemment et c’est ce même « peu » qui est dépensé sous nos yeux pour combattre une lutte des plus légitime. Aux indécis, soyez forts et posez vous la seule question qui vaille d’être posée dans ce genre de crise importante. 

Sincères sentiments aux grévistes injustement évincés, dont nous exigeons toujours la réintégration immédiate. Paniers repas, hausse des salaires et courage pour la grande grève de mercredi prochain … ou mardi je ne me souviens plus vraiment. 

xoxo

Yozo Oba. 

P.S : Marc, je te regarde de loin au moment où j’écris ces lignes. S’il te plais, arrête de venir nous serrer la main, nous n’avons pas assez de désinfectant à l’expo pour enlever de nos paumes ta sueur de nanti triomphant. Merci. 

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