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Billet de blog 4 septembre 2024

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Un prof devant chaque élève ?

Je publie ici le petit récit édifiant d'une professeure de lettres Modernes, spécialiste de théâtre et contractuelle au rectorat de Paris.

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A PROPOS D'UN PROF DEVANT CHAQUE ÉLÈVE

Je publie ici le petit récit édifiant d'une professeure de lettres Modernes, spécialiste de théâtre et contractuelle au rectorat de Paris.

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3 septembre, quatrième jour après la pré-rentrée, et toujours aucune nouvelle du rectora, et aucun renouvellement de contrat en perspective. Z., contractuelle diplômée, docteur ès lettres, travaille pour le rectorat de Paris depuis 2020 et pour l’Éducation nationale depuis 2012.

Malgré un solide dossier et des publications (plusieurs ouvrages scientifiques), on ne lui propose que des remplacements dans des collèges. Rien au lycée, rien en prépa.

Elle enchaine donc les contrats et les remplacements dans des collèges réputés "difficiles" du 18e arrondissement, là où personne ne souhaite aller. Contactée quelques jours avant la rentrée par son chef d'établissement qui souhaite reconduire son contrat pour l'année qui vient, elle confirme sa disponibilité et s'engage.

Il fait une demande officielle de rattachement de l'enseignante à son établissement au rectorat. Elle, de son côté, essaie de joindre sa gestionnaire pour l'informer. Impossible pendant plusieurs jours. Ligne téléphonique toujours occupée - "toutes nos lignes sont actuellement occupées" ou tic tic tic tic d'indisponibilité -.

Absence de réponse aux courriels. Mais pourquoi répondre ? On s'en tape des contractuels.

On les prend, on les jette.

Prête à rejoindre son établissement conformément à son engagement avec le Principal, elle prépare ses premiers cours. Mais coup de théâtre ! Une de ses collègues de français ayant moins d'ancienneté, en attente elle aussi d'un poste, et prête à tout pour rester dans ce collège REP, - on le répète - "difficile" car on s'y fait traiter de "pute" ou de "suceuse" à tout bout de champ, a réussi à la doubler et vient d'avoir le remplacement qui lui avait été proposé. Cherchez l'erreur côté DPE2. Pourquoi nomme-t-on quelqu'un qui n'a pas été sollicité et pourquoi ignore-t-on l'autre ? Pagaille inénarrable? Absurdité? Économies?

Entre collègues enseignants, c'est ça, la solidarité aujourd'hui. On se tient au courant, on se promet la transparence mais dans le dos, on se fait des coups de pute. Entre contractuels, en 2024, on est prêt à détruire l'autre pour une place d'enseignant de merde, mal payée, et où l'on est esclavagisée.

Est-ce moral d'entretenir ce système de recrutement? De qui se moque-t-on? De Z. surdiplômée, surtout pour des élèves de collège ne souhaitant pas faire de français et rêvant de devenir joueurs de foot, ou de sa collègue, plus jeune, individualiste, et prête à tout pour rester dans le système qu'elle ne cesse pourtant de dénigrer et qu'elle combat soi-disant à coup d'une seule réunion syndicale annuelle ? Quel avenir se construit-elle? Et quel avenir pour l'éducation ?

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