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Billet de blog 26 novembre 2025

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Quand l’insulte devient spectacle — Chronique d’un malaise numérique

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Quand l’insulte devient spectacle — Chronique d’un malaise numérique

Je fais défiler les vidéos sur les réseaux sociaux, comme beaucoup. Par curiosité, pour sourire parfois — pour regarder Tahar nfreḥa, Makan makan, Najim, chakos, la couleur et tant d’autres séquences censées détendre, faire rire, rapprocher.

Mais de plus en plus, un malaise s’impose : l’insulte est devenue spectacle. La vulgarité s’exhibe, la violence verbale se banalise, et notre communauté kabyle n’y échappe plus. Heureusement — et c’est triste de le dire ainsi — notre langue n’est pas comprise partout dans le monde, sinon nous serions devenus la risée planétaire au vu de ce qui circule.

Derrière les écrans, protégés par l’anonymat, les mots fusent comme des pierres. Attaques personnelles, humiliations publiques, torrents de grossièretés. Ce qui relevait hier de la querelle de palier ou de fenêtre est désormais diffusé en direct, offert au monde entier, applaudi par des likes et des partages.

Les réseaux promettaient autrefois le rapprochement, l’entraide, la transmission. Trop souvent, ils se transforment en arènes. On ne dialogue plus, on s’affronte. On ne cherche plus à comprendre, mais à écraser. Plus on crie fort, plus on existe.

Le plus inquiétant n’est pas seulement la violence des mots, mais leur normalisation. Comme si l’injure était devenue un langage ordinaire. Comme si l’humiliation était devenue un divertissement. Comme si la dignité pouvait se troquer contre quelques secondes de visibilité.

Est-ce l’algorithme qui pousse à l’exagération ? La quête de notoriété à tout prix ? Ou bien le reflet brut d’un malaise social plus profond ? Car soyons lucides : TikTok ne crée pas ces colères, il les amplifie. Il grossit nos frustrations, nos blessures, nos complexes. Le virtuel devient exutoire, parfois impitoyable.

Le plus triste, c’est la perte du sens. La perte de la pudeur. La perte de cette élégance morale qui faisait la dignité de nos échanges. Car insulter, ce n’est pas s’exprimer : c’est renoncer à la parole.

À force de confondre liberté d’expression et déversement de haine, nous risquons de fabriquer une génération qui ne sait plus dialoguer, seulement provoquer. Une génération qui confond visibilité et valeur.

Il ne s’agit pas de diaboliser les réseaux. Ils peuvent être formidables lorsqu’ils relient, transmettent, élèvent. Mais il faut se poser une question simple : que voulons-nous montrer de nous-mêmes au monde ? Nos savoirs ou nos colères ? Notre intelligence collective ou nos pulsions ? Nos valeurs ou nos dérives ?

Car derrière chaque vidéo violente, chaque injure lâchée à la légère, c’est un peu de notre image collective qui s’effrite.

Et cela, aucun algorithme ne le réparera. Par Aziz Slimani

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