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Billet de blog 23 novembre 2025

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Hors-série 1 : Eugénisme et stérilisations forcées

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans « Points de détails »

Aujourd’hui, j’aimerais vous proposer un épisode un peu différent, une sorte de hors-série. 

En effet, je ne vais pas vous parler d’un génocide oublié en particulier, mais plutôt d’une thématique lié à ce sujet. 

En faisant des recherches pour le podcast, je me suis rendu compte que  certaines histoires essentielles pour comprendre les génocides, ne pouvaient pas être traités du point de vue d’un seul pays. 

L’idée de ces hors-séries est donc de pouvoir dépasser le format habituel des épisodes, pour vous raconter ces histoires. 

En 1948, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de l’ONU définit ce dernier par des critères très précis. 

Selon elle, on peut parler de génocide si certains actes sont commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux. 

Ces actes de destructions sont caractérisés comme les cinq suivants :
- Le meurtre de membres du groupe.
- L’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe. 
- La soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle. 
- Les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe 
- Et le transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. 

Si je reviens sur cette définition, un peu indigeste, c’est parce que pour ce premier hors-série, je vais développer l’un de ces actes spécifiquement. 

Un acte qui est souvent un peu oublié, quand on parle de génocides : les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe. 

Je vais donc revenir sur la longue histoires des stérilisations contraintes, appelées plus simplement stérilisations forcées. 

Mais pour comprendre cette histoire, il va falloir parler aussi de l’idéologie principale qui a permit le développement de cette pratique : l’eugénisme. 

Alors, vous vous en doutez sûrement, je ne vais pas pouvoir vous proposer  ici un récit exhaustif de ces deux sujets. 

Vous pourrez donc retrouver comme d’habitude de nombreuses sources sur le site du podcast : pointsdetails.noblogs.org

Pour traiter d’un sujet aussi vaste que l’eugénisme et les stérilisations forcées, il m’a semblé judicieux de diviser cet épisode en trois parties distinctes. 

Tout d’abord, je vais revenir sur l’histoire de l’eugénisme et voir quelles personnes sont généralement victimes de ces pratiques.

Ensuite, je prendrai le temps d’étudier le cas de quatre pays, qui ont connus d’importantes politiques de stérilisations à savoir les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et le Pérou. 

Enfin, je ferais un petit tour d’horizon des différents pays, qui ont pratiqué ou qui pratique encore des stérilisations forcée.

Je terminerai en détaillant le rapport qu’a la France avec toute cette histoire. 

Comme vous le voyez, il s’agit d’un programme chargé, alors ne perdons pas de temps. 

Avant de comprendre le lien entre l’eugénisme et les stérilisation forcées, il faut d’abord savoir : qu’est-ce que l’eugénisme ? 

Si l’on prend sa définition la plus basique, l’eugénisme est une idéologie qui consiste à essayer d’améliorer l’espèce humaine par la sélection génétique. 

J’utilise ici le terme d’espèce humaine, mais en réalité à l’origine les eugénistes, fortement influencés par le racisme scientifique, ne parlait pas d’améliorer l’espèce, mais la « race » humaine. 

Une précision qui me permet de faire un petit avertissement. 
 
L’idéologie raciale étant incontournable pour parler de l’eugénisme, je vais beaucoup employer le terme de race dans cet épisode. 

Je ne ferais alors pas référence à la race comme concept sociologique d’expérience de discrimination, mais bien comme concept raciste.

Le mot sera évidement à entendre entre guillemets et utilisé pour refléter la pensée des personnes dont je parle et non comme un quelconque crédit que j’accorderai à ce concept.

On peut donc se demander, de quand date la création du concept d’eugénisme ?

Et bien, si on en retrouve des prémisses dans la Grèce et la Rome antique, le terme n’apparait vraiment pour la première fois qu’en 1883 dans le livre anglais « Enquêtes sur les facultés humaines et leur développement ». 

Un livre qui fut écrit par le fondateur de l’eugénisme moderne, Francis Galton. 

Se pencher un peu sur la figure de Francis Galton est intéressant, car son parcours illustre assez bien les différents biais sur lesquels la pensée eugéniste c’est construite. 

Galton était un savant qui touchait à plusieurs disciplines. Au cours de sa vie, il s’intéressa aussi bien à la biologie, qu’à la psychologie ou encore à la météorologie. 

La fin du 19 ème siècle correspondait en Europe à l’essors d’un esprit scientifique, qui tentait d’analyser et de répertorier le monde qui l’entourait. 

La statistique, la démographie, la psychanalyse ou encore la criminologie commencèrent toutes à vraiment se développer comme des sciences dans ces années-là. 

Deux théories scientifiques marquèrent particulièrement le 19 ème siècle et Francis Galton : le malthusianisme et le darwinisme. 

Inspiré des écrits de Thomas Malthus, le malthusianisme prône l’imposition de limites démographique, face à la peur d’une surpopulation et de la pénurie de matières premières. 
Le malthusianisme connut son apogée au début du 19 ème siècle en Angleterre. Il inspira notamment la loi sur les Pauvre de 1834. Une loi qui obligeait les plus démunis à travailler pour obtenir l’aide de l’état. 

Le darwinisme lui provient de la publication de « l’Origine des espèces » de Charles Darwin en 1859.  
Le darwinisme explique l’évolution biologique des espèces par le phénomène de la sélection naturelle. Une théorie qui eut un grand retentissement dans la communauté scientifique et inspira aussi malheureusement de nombreuses dérives idéologiques. 

Darwin eut un impact encore plus grand sur Galton, puisqu’il était son demi-cousin. Galton sera ainsi le premier a reprendre les principes de sélection naturelles pour les appliquer aux être humains. Il pensait alors que les qualités et les traits de caractères étaient des éléments qui se transmettaient de manière héréditaire.

Mais Galton n’était pas qu’un érudit, il était aussi un gentilhomme. Il venait d’une famille riche de Birmingham et finit même par être anoblit à la fin de sa vie.

L’origine sociale de Galton transparaîtra largement dans ses thèses eugénistes, montrant la peur que la bourgeoisie éprouvait alors pour la classe ouvrière. 
En effet, à cette époque la révolution industrielle avait entrainé un mouvement massif d’exode rural et de précarisation des travailleureuses, qui s’entassaient dans les taudis des centres villes. 

La présence croissante de cette population poussait les élites bourgeoises à voir dans les « classes laborieuses », des « classes dangereuses » aux moeurs douteuses et sources de révoltes. 

Une inquiétude assez légitime somme toute, puisque le 19 ème siècle fut jalonné de nombreux conflits sociaux. 
Que ce soit la révolte des Luddites en 1811, le mouvement chartiste en 1848, ou encore la création de la Première international des travailleurs en 1864. 

Le dernier aspect important de la figure de Francis Galton est qu’il était un explorateur. Durant sa jeunesse, il voyagea énormément. Entre 1845 et 1850, il fit des expéditions en Egypte, au Soudan, à Beyrouth ou encore à Damas.

Des expéditions, qui là encore s’inscrivaient pleinement dans leur époque, puisque à la fin du 19 ème siècle, l’Angleterre était alors l’apogée de son empire colonial. 

Un empire qui aura lui aussi un rôle majeur pour l’eugénisme. 

D’une part, parcequ’il permit la mise en place d’une science coloniale raciste, qui étudiait et hiérarchisait les corps des colonisées. 

Et d’autre part, car c’est suite à une guerre coloniale que les thèses eugénistes se diffusèrent vraiment auprès du grand publique. 

En effet, alors que l’armée britannique était engagé dans la seconde guerre des Boers en Afrique du Sud, celle-ci perdit un grand nombre de soldats à cause de leurs mauvaises conditions physiques. Ces pertes choquèrent la  bonne société anglaise qui commença à craindre la dégénérescence de la race blanche. 


Ce traumatisme participa à la création de la société d’Education eugéniste quelques années plus tard. Celle-ci permit à ce que les thèses eugénistes soient enseignés au sein des universités et s’exportent avec succès à l’étranger. 

Pour résumer, on peut dire que les thèses eugénistes sont à l’image de leur fondateur et de la société dans laquelle il évoluait. 

Avec l’augmentation du nombre de prolétaires et l’émergence de nouveaux outils statistiques, la classe bourgeoise blanche, persuadé que ses qualités étaient héréditaires devint obsédé par la dégénérescence de sa race. 

Pour enrayer cette dégénérescence, l’eugénisme propose donc une solution à deux facettes :

D’un côté un eugénisme dit « positif », qui consiste à tirer la race vers le haut, en favorisant par exemple la reproduction de personnes considérés comme « supérieurs ». 

De l’autre, un eugénisme dit « négatif », qui consiste au contraire à empêcher les personnes vues comme les plus faibles à se reproduire. 

L’eugénisme « négatif » se traduisit principalement par des restrictions de mariage, des loi contre les immigré.es et la stérilisation forcée. 

Des méthodes qui furent mises en place à chaque fois par les gouvernements avec la complicité des institutions médicales et des médecins. 

Historiquement, l’eugénisme fut surtout pratiqué par des courants politiques conservateurs, racistes et proche de l’extrême droite. 

Pourtant les idées eugénistes trouvèrent aussi un écho parmi les courants progressistes. 

Ce fut le cas par exemple chez les féministes. Certaines voyaient l’amélioration des droits des femmes comme une manière de contrer la dégénérescence de la race blanche.

Ce fut le cas aussi de certains intellectuels afro-états-uniens. Pour leur part,  ils voyaient l’eugénisme non pas comme un moyen de régénérer la race blanche, mais de sauvegarder le meilleur de la race noir.

Enfin, certains et certaines socialistes étaient d’accord avec l’idée eugéniste, comme quoi les pauvres n’étaient pas capable de contrôler leur naissances et qu’il fallait donc intervenir dessus pour « leur propre bien ». 

Cependant, que ce soit dans les courants féministes, afro-états-uniens ou socialistes, l’attrait pour l’eugénisme demeura assez marginal. 

Après une apogée dans les années 30, l’eugénisme déclinera un peu partout. Un déclin lié notamment à sa responsabilité dans les horreurs Nazis, comme nous le verrons plus loins.

Contrairement à ce que l’on peut souvent entendre toutefois, l’eugénisme  ne fut pas totalement discrédité par la seconde guerre mondiale, loins de là.

De nombreuses campagnes de stérilisations eurent lieux bien après 1945.  

Et même aujourd’hui, les idées eugénistes restent assez répandues et continuent d’influencer les politiques de plusieurs états. 

Nous allons maintenant voir plus en détails, quelles sont les personnes qui sont généralement le plus visées par l’eugénisme.

En premier lieux, on peut remarquer que les stérilisations forcées présentent un « gender gap » très important. 

En effet, presque toutes les campagnes de stérilisations visent en priorité les femmes. 

Ceci peut s’expliquer en autre par la longue histoire des liens qui unissent la politique, la médecine et le patriarcat avec le contrôle du corps des femmes. 
Si des hommes subissent eux aussi des stérilisations, la disproportion entre  les sexes est abyssal. 

Pour prendre un exemple, en Suède en 1942, 93% des personnes ayant été stérilisées sous contraintes étaient des femmes. 

Pour autant, ce ne sont pas toutes les femmes qui sont visées par ces pratiques.  
Les femmes les plus touchées sont principalement les femmes pauvres, les femmes handicapées et les femmes des minorités ethniques.

Alors, le fait d’être pauvre n’est généralement pas un critère qui justifie à lui seul une stérilisation forcée. Mais, c’est un facteur majeur, que l’on retrouve presque à chaque fois. 

La précarité des femmes est aussi utilisé pour les contraindre à se faire stériliser. Des médecins leur promettent ainsi une aide alimentaire ou les menaces de leur couper les vivres en cas de refus. 

Historiquement, les prisons et les asiles sont des lieux où un grand nombre de stérilisations forcées sont pratiquées. Or, les personnes les plus précaires sont surreprésentées dans ces deux lieux. 

En Californie par exemple, entre 2006 et 2010, des centaines de détenues furent stérilisées sous la contrainte.

Le deuxième type de femmes qui est fortement touchées par les stérilisations sont les femmes handicapées.

À cause du validisme omniprésent dans nos sociétés, les personnes handicapées sont le plus souvent vu comme asexuées ou sexuellement inactives.  

Les femmes avec une déficience intellectuelle sont elles couramment perçues comme si elles ne pouvaient avoir aucun contrôle sur leur choix sexuels ou reproductifs. 
Ainsi, les stérilisations sont pratiqués sans leur consentements, mais avec des justifications paternalistes, affirmant que c'est « pour leur bien ». 

C’est cet argument qui est encore avancée en 2022 par 14 pays de l’Union européenne pour autoriser la stérilisation forcée des handicapées. 

L’eugénisme pousse aussi régulièrement à l’enfermement de ces mêmes personnes. 
Ce qui ce passa en Angleterre, où en 1913, le Mental Deficiency Act permit d’enfermer de force des personnes jugées « faibles d’esprit » ou « moralement déficientes ».

50 000 handicapées furent alors enfermées dans des camps conçus comme des « colonies pour déficients mentaux », selon les termes de l’époque.

30 % de ses détenu.es passèrent entre 10 à 20 ans dans ces camps. 

Bien que le Mental Deficiency Act fut finalement abrogé en 1959, on découvrit encore des personnes enfermées à cause de ce texte à la fin des années 90. 

Enfin, une dernière catégorie de femmes qui est particulièrement la cible des politiques de stérilisations sont les femmes issues des minorités ethniques. 

Les femmes autochtones furent particulièrement touchées par les stérilisations par exemple, spécialement sur le continent Américain. 

Les femmes noir.es elles furent aussi énormément touchées aux États-Unis, mais j’en reparlerais un peu plus loins.

En Europe, ce sont les femmes Roms survivantes du génocide Nazi, qui furent les premières victimes des stérilisations d’après-guerre.
Cela arriva surtout en ex-Tchécoslovaquie, où environ 90 000 d’entres elles ont été stérilisées depuis les années 80.

Parmi les minorités ethniques d’un pays, les personnes migrantes sont aussi régulièrement prises pour cible. Comme en Israël avec les Juifs Falashas. 

Entre 2005 et 2013, l’état d’Israël injecta à ces Juifs venus d’Éthiopie, un contraceptif de courte durée nommé le Depo-Provera. Ces injections étaient renouvelées sans cesse, empêchant ainsi toute procréation. 
 
Depuis la fin du 20 ième siècle, deux autres catégories de personnes sont régulièrement visées par les stérilisations : les personnes porteuses du V.I.H et les personnes transgenres et intersexes. 

Aujourd’hui, la stigmatisation qui entoure les personnes ayant le V.I.H  reste très forte. Les fausses idées et la méconnaissance autour de la transmission du virus conduisent les médecins à stériliser les femmes séropositives. 

Là encore, les stérilisations sont effectuées par la menace, la dissimulation ou la désinformation. 

Ainsi, certaines femmes ont signés des autorisations de stérilisations au moment de leur grossesse en pensant qu’il s’agissait d’autorisations pour une césarienne.

D’autres ont fini par l’accepter, car elle est présenté comme indispensable pour obtenir des traitements contre le V.I.H.

Des cas de stérilisation de femmes avec le V.I.H ont été constaté dans de nombreux pays comme l’Ouzbekistan, le Salvador, l’Honduras, le Nicaragua, le Mexique, le Kenya, la Namibie et l’ Afrique du Sud.

Pour finir, les personnes transgenres et intersexes iels sont obligées de subir des stérilisations pour obtenir des traitements d’affirmation de genre ou un changement de leur état civil. 

Par ailleurs, les personnes intersexes sont souvent soumises dans leur enfance à des opérations de normalisation sexuelles.
Ces mutilations répondent le plus souvent à des fins purement esthétiques et peuvent entrainer une perte partielle ou total des capacités reproductives. 


Si ces dernières années, certains pays ont abandonné l’exigence de stérilisation envers les personnes trans, seulement 25 pays dans le monde autorisent aujourd’hui la reconnaissance juridique du genre sans exigences préalable. 

De plus, avec le retour au pouvoir de Donald Trump et la montée des extrêmes droites partout dans le monde, les droits des personnes trans et plus largement LGBTQIA+ est plus que jamais menacé. 

Maintenant que nous avons vu ce qu’était exactement l’eugénisme et contre qui les politiques de stérilisations forcées se sont appliquées, nous allons prendre le temps de détailler quatre exemples en particuliers. 

Quatre pays, qui au cours du 20 ième siècle pratiquèrent ces politiques à une grande échelle : les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et le Pérou.

Et nous allons commencer avec le pays qui inspira tous les autres.

Le premier pays qui instaura des lois de stérilisation.  

Et celui qui a la plus longue histoire avec l’eugénisme : les États-Unis. 

En effet, aux États-Unis l’eugénisme traverse tout le siècle dernier et se continue malheureusement encore aujourd’hui.

Pour comprendre pourquoi l’idéologie britannique trouva un ancrage si fort de ce côté de l’atlantique, il faut revenir à la fondation de cette nation. 

À l’origine, les États-Unis se sont construit sur le colonialisme de peuplement, le génocide des peuples autochtones et l’esclavage des africaines et des africains. 

Bien que certaines personnes aient souvent tendance à l’oublier, la traite négrière et l’esclavage sont consubstantielles des États-Unis. 

Pour vous donner une idée d’à quel point, dites vous que l’esclavage a durée plus de 250 ans. 250 ans ! 
Je ne sais pas si vous vous rendez compte. Pour essayer de vous donner un ordre d’idée, dites vous que la révolution française c’était y’a peine 236 ans. 

Ces 250 ans permirent d’ancrer profondément le racisme dans la société étasunienne et de mettre en place les principes de l’eugénisme, des décennies avant les thèses de Galton. 

Ainsi dés 1661, la Virginie votait une loi anti-métissage, qui interdisaient les mariages entre les personnes de races différentes. 

Une loi qui fut ensuite adopté par de nombreux états et qui ne sera déclaré illégale qu’en 1967 !

À la fin du 19 ème siècle, lorsque l’eugénisme fut importé aux États-Unis, il rencontra donc un racisme en pleine forme !

Certes, suite à la guerre de sécession, l’esclavage avait fini par être aboli, mais il fut vite remplacé dans les états du sud par les lois Jim Crow, qui imposèrent aux noir.es la ségrégation raciale. 

Cette époque correspondait aussi à l’achèvement de ce qui fut injustement nommé les « guerres indiennes » avec la boucherie du massacre de Wounded Knee.  

C’est aussi à partir de ces années là, que les Etats-Unis devinrent une nation impériale, en colonisant Hawaï, les Philippines, Porto Rico et Guam.  

Enfin, il s’agissait d’une période de forts conflits sociaux avec certaines des grèves les plus importantes du pays comme le massacre de Haymarket Square, la bataille de Homestead et la grève Pullman. 

Pour résumer, l’eugénisme trouva donc une nation fortement divisé par les conflits sociaux, en pleine expansion coloniale et obséder par l’idée de pureté raciale. 
Alors, je sais que ça fait beaucoup d’infos pour une mise en contexte. Mais ça me semblait nécessaire pour que vous compreniez à quel point les États-Unis constituait alors un terreau fertile pour les thèses eugénistes.

Des thèses qui furent importés directement d’Angleterre par le biologiste Charles Davenport. 

Celui-ci fut le fondateur de l’Eugenics Record Office dit E.R.O, l’un des plus importants centre états-unien.

L’E.R.O fut largement financé par les plus gros fonds capitalistes de l’époque comme l’institut Carnegie ou la fondation Rockefeller.

Le centre utilisa cet argent pour faire pression sur les gouvernements, afin  de faire passer des lois restreignant l’immigration et autorisant les stérilisations forcées. 

Un lobbying qui fut plus qu’efficace, puisqu’en 1924, deux lois furent votés. 
La première limita drastiquement l’immigration dans le pays et la seconde autorisa en Virginie la stérilisation forcée des personnes internées.

Par la suite, la cour suprême valida la loi virginienne, qui devint un modèle pour les autres États. 

Mais en réalité, la Virginie n’était pas du tout la première à autoriser les stérilisations. 

Dés 1907, l’Indiana avait légalisé la stérilisation forcée pour les criminels, les faibles d’esprits et les violeurs.
Cette loi avait été initié par le docteur Harry Sharp, un homme charmant connu pour castrer les délinquants, afin de réduire leur comportements agressifs.

Deux ans après l’Indiana, ce fut au tour de la Californie, puis de Washington et au final 33 États adoptèrent des textes similaires.

Les premières lois de stérilisations visaient les fous, les faibles d’esprit, les épileptiques et les malades mentaux. Elles furent principalement appliquées dans les prisons et les asiles. 

Au début, les victimes étaient surtout des hommes blancs et pauvres, mais rapidement les cibles devinrent les femmes et les minorité ethniques. 

Les portoricaines furent parmi les premières femmes à subirent des stérilisations. 
Dés 1925 était créer à Porto Rico, une association de contrôle des naissances eugéniste. Cette dernière utilisait la stérilisation comme un moyen de limiter la population de l’île. 

Officiellement, la stérilisation n’était autorisé que pour des raisons de santé, mais officieusement les médecins forçaient la main des femmes les plus pauvres pour qu’elles se fassent stériliser.  

Ces stérilisations étaient aussi motivées par des raisons purement économiques. 

Une fois stérilisées, les femmes faisaient des travailleuses bien plus rentables. Ce qui tombait bien puisque l’île subissait alors une industrialisation à marche forcée. 
Le lien entre l’exploitation au travail et les stérilisations était si claire, que certaines plantations de sucres refusaient d’embaucher les femmes non-stérilisées.

Les stérilisations continuèrent à Porto Rico jusqu’aux années 70. 

À ce moment là, près d’un tiers des femmes portoricaines avaient été stérilisées. La pratique était si répandue, qu’on ne la désignait plus que comme « l’opération ». 

Porto Rico était alors le lieux avec le plus fort taux de stérilisation au monde. 

Une autre minorité ethnique qui souffrit énormément des stérilisations aux États-unis furent les femmes autochtones. 
Bien qu’au début les textes de loi ne les ciblaient pas explicitement, le racisme permit d’en faire tout de même des cibles. 

Comment ? 

Et bien, par exemple si une loi autorise la stérilisation des personne vues comme « déviantes » ou « dégénérée », il suffit que vous décrétiez que le mode de vue des autochtones est «dégénérée » et le tour est joué. 

Si vous pensez que j’exagère, dites-vous que dans le Vermont, les femmes Abénaquis furent stérilisées, car leur mode de vie « sortait des conventions morales ».  

À partir des années 60, les choses changèrent pour les femmes autochtones, car une politique massive de stérilisation fut mit en place. 

Cette dernière était motivé par trois raisons principales :
- La première était une peur de la surpopulation après le baby-boom des années 50.
- La seconde était la montée d’une vision des personnes pauvres comme profitant des aides sociales et coûtant cher à la société. 
- Et enfin je pense que vous pouvez devinez facilement la dernière : le racisme, encore et toujours !

Les stérilisations des femmes autochtones furent majoritairement pratiquées par le Indian Health Service.
Il s’agit d’une agence gouvernementale, crée à la base pour lutter contre les mauvaises conditions de santé des personnes indigènes. 

Selon les estimations, l’Indian Health Service auraient stérilisé jusqu’au années 70 entre 25  à 40 % des femmes autochtones. Soit presque 70 000 femmes. Ces stérilisations massives firent chuter drastiquement le taux de natalité autochtone. 

Une chute de la natalité qui contribua à aggraver la disparition de la culture amérindienne. 
C’est pour cela que ces stérilisations sont aujourd’hui considérées par certaines et certains spécialistes comme un génocide.  

La stérilisation des femmes autochtones fut déclaré illégale en 1976.

Mais, l’Indian Health Service lui existe toujours et n’a jamais présenté ses excuses pour les milliers de stérilisations dont il est coupable.

La dernière catégorie de personnes énormément touché par les stérilisations fut celle des femmes noires.
Elles furent particulièrement prise pour cibles dans l’État de Caroline du Nord. 

Les stérilisations débutèrent dés les années 30, mais comme avec les femmes autochtones, celles-ci augmentèrent considérablement au début des années 60.

Cette augmentation s’explique par les mêmes raisons : la peur de la surpopulation, l’hostilité envers les pauvres et le racisme. 

Un racisme qui de plus cherchait à prendre sa revanche, puisque avec la lutte des droits civiques, les noir.es voyaient enfin leur situations s’améliorer. 

Les stérilisations servirent donc aussi à réaffirmer la suprématie blanche sur le corps des femmes noires.

Entre 1964 et 1966, 64% des patientes stérilisées en Caroline du Nord était des femmes noires. 

Mais si la Caroline du Nord pratiqua un eugénisme effréné, un autre État la surpassa pourtant : la Californie


La Californie est souvent associé dans notre esprit au progressisme, que ce soit pour la Silicon Valley ou pour le mouvement Hippie.

Pourtant, elle a en réalité toujours constitué une avant-garde réactionnaire, comme le montre très bien l’historienne Sylvie Laurent dans son dernier livre la Contre-révolution californienne. 

Troisième État à voter une loi de stérilisation, la Californie fut l’endroit le  plus prolifique du pays en matière d’eugénisme. 

En 1921, 80 % des stérilisations pratiquées aux Etats-Unis l’étaient en Californie. 

Au total, 20 000 personnes y furent stérilisées de forces. Et encore, il s’agit d’un chiffre que les historiens et les historiennes estiment largement sous-estimé. 

Alors, pourquoi l’eugénisme fut-il si fort dans cet État en particulier ?

Et bien tout d’abord, parceque au moment elle rejoignit l’Union en 1850, la Californie exterminait au même moment tous ses peuples autochtones. 

Un génocide qui entraina une obsession des colons pour le concept de « pureté de la race ».

De plus, la Californie étant un ancien territoire mexicain, les stérilisations furent vues comme un moyen bien pratique pour réduire la population d’origine latine.

Enfin, les stérilisations furent aussi lié à l’essors de l’agriculture, qui avait besoin du travail d’un très grand nombre de migrants.

C’est pour ça que ce furent principalement les femmes pauvres d’origine latine, qui subirent les stérilisation en Californie.
Les hommes eux subirent aussi des stérilisations, mais en prison et au motif de diminuer leur agressivité. 

Car oui, la Californie est aussi championne dans les stérilisations de prisonniers et de prisonnières. 

Une pratique qui bien que déclaré illégal en 2010, continue de nos jours. 

Mais la Californie ne fut pas une pionnière de l’eugénisme, qu’aux États-Unis. Elle oeuvra aussi activement pour que ses pratiques et ses idées rayonnent à l’international. 

C’est comme ça qu’elle inspirera directement l’un des régimes les plus meurtriers de l’histoire : l’Allemagne Nazi. 


L’importance de l’eugénisme dans le régime Nazis est bien connu de nos jours. Au point où il est difficile de parler d’eugénisme sans penser immédiatement aux horreurs du Troisième Reich. 

Pourtant, l’histoire de l’eugénisme Allemand commença bien avant le parti d’Adolf Hitler.

En Allemagne, celui-ci se développa notamment avec la Société allemande d'hygiène raciale en 1905 et l’Exposition internationale d’hygiène en 1911. 

Mais aussi grâce à l’aide des États-Unis. 
Celle-ci fut de deux types : une aide intellectuelle, avec le partage des recherches scientifiques des eugénistes californiens et une aide financière avec le soutient de la fondation Rockefeller.  

Fondation Rockefeller, qui finança en autres les recherches d’un certain Josef Mengele, resté dans l’histoire comme l’homme responsable des expériences médicales inhumaines pratiqué à Auschwitz.

S’il pré-existait au Nazisme, l’eugénisme connu bien un tournant sans précédent avec la nomination d’Hitler comme chancelier. 

Ce qui me permet de rappeler que cette nomination n’était pas le résultat d’un vote comme on le croit encore trop souvent, mais d’un pur calcule politique du président Hindenburg. 

En moins de 100 jours, le parti Nazi prit le contrôle du pays et instaura une dictature implacable. 

Une dictature entièrement fondé sur l’eugénisme et le racisme.

En effet, comme l’a très bien montré l’historien Johan Chapoutot dans son livre « La Loi du Sang », tout le système juridique et législatif Nazi était organisé autour de la race. 

À l’image des fameuses lois de Nuremberg.

Adoptés en 1935, ces lois restreignaient la citoyenneté allemande aux personnes « de sang allemand » et interdisait les mariages entre les personnes Juives et non-juives. 

Une interdiction justifié au nom de la protection du sang et de l’honneur allemand. 

Mais, si elles sont les plus connues, les lois de Nuremberg ne furent pas les premières lois eugénistes promulguées par les Nazis. 

Dés Juillet 1933, une autre loi était adopté. Une loi qui imposait la stérilisation obligatoire pour les personnes porteuses de différents types de handicaps. 

En tout, neuf critères étaient visés par cette loi : le handicap mental, la schizophrénie, les troubles bipolaire, l’épilepsie, la maladie de Huntington, la cécité, la surdité, l’alcoolisme et certaines malformations. 

Les stérilisations concernèrent d’abord les allemands et les allemandes,  avant d’être par la suite pratiqués dans les territoire annexés.
Les chercheureuses estiment que 400 000 personnes furent ainsi stérilisées entre 1934 et 1945. 

De plus, en Rhénanie, les stérilisations visèrent aussi une autre catégorie de personne : les enfants métis. 

Ces enfants étaient issues d’unions entre les femmes allemandes et les soldats coloniaux, qui occupaient la Rhénanie, suite à la défaite de la première guerre mondiale.
Plus de 400 de ces enfants furent stérilisées à cause de leur couleurs de peau. 

Malheureusement, l’eugénisme Nazi ne se limita pas à ces pratiques.

Le régime mit sur pied deux autres programmes : l’un d’« euthanasie » et l’autre de Lebensborns.

Les Lebensborns étaient des associations crées dans le but d’ élever des bébés issues des races considérés comme « pures ».  

20 000 enfants naquirent dans ces institutions, souvent de père SS. 

Mais les Lebensborns couvrirent aussi des vols d’enfants à grande échelle. 
Les enfants de « race pure » pouvaient être enlevé.es à leurs parents pour être élevé.es comme des futurs Nazis. 
Plus de 200 000 enfants, principalement polonais furent ainsi arrachées à leur familles. 

Si le sujet des Lebensborns vous intéresse, je vous recommande la très bonne bd du même nom d’Isabelle Maroger.

Cependant, le plus meurtrier des programmes eugénistes Nazis fut leur programme d’« euthanasie ». Ce dernier ne constituait en fait qu’une extermination des personnes handicapé.es. 

Une extermination qui fut mise en place en deux temps. 

Tout d’abord, à partir de l’été 1939, le Reich s’en prit aux enfants handicapé.es. 

Un décret fut publié obligeant le personnel.le de santé à signaler tous les nouveaux-nés qui présenteraient les signes d’un handicap quelconque. 

Afin d’encourager les délations, un dédommagement financier fut même prévu pour chaque signalement. 

Les parents d’enfants handicapé.es elleux étaient fortement incités, voir menacés, à les placer dans des cliniques spécialisés. 

Cliniques qui n’étaient en réalité rien d’autre que des lieux de tortures et d’exterminations. 

Car avant d’être « euthanasié » les enfants étaient utilisé.es comme cobayes d’expériences scientifiques.

Iels finissaient par être exécuté.es d’une surdose de médicaments ou en les laissant mourir de faim et de soif. 

Entre 5 000 et 10 000 enfants ont été tué.s par ce programme d’« euthanasie ». 

Un programme qui fut étendue dans un deuxième temps, afin de toucher aussi les adultes handicapé.es. 
Pour dissimuler la véritable nature de ce programme, les Nazis lui donnèrent le nom obscur d’Aktion T4. 

Au fur et à mesure de son application, l’Aktion T4 s’élargit à nouveau pour concerner toutes les personnes internés dans les asiles et celles inaptes au travail. 

Les victimes de l’Aktion T4 elles furent exécutées non par médicaments, mais par intoxication au monoxyde de carbone. Les bourreaux se débarrassaient ensuite des preuves en brûlant les corps dans des fours crématoires. 

Malgré toutes les précautions des Nazis pour cacher la vrai nature de l’Aktion T4, celle-ci finit par être connue du grand publique. 

Un mouvement de protestation se monta alors, principalement dirigé par le clergé. 

Ne souhaitant pas se le mettre à dos, Hitler mit officiellement fin à l’Aktion T4. 
Dans les fait cependant, celui-ci continua bel et bien, mais de manière plus discrète.

Le programme fut même encore une fois élargi. Il touchait désormais aussi  les travailleureuses forcé.es étrangers, les patients-patientes en gériatrie et les victimes de bombardements. 

Six centres d’exterminations ont été construits pour l’Aktion T4. Ils n’ont été fermés qu’avec l’arrivée des alliées en 1945.

Au total, les historiennes et historiens estiment que les programmes d’« euthanasie », que ce soit celle des enfants ou de l’Aktion T4 ont fait plus de 250 000 victimes entre 1939 et 1945. 

Le bilan de l’eugénisme du troisième Reich ne peut toutefois pas être complet, si l’on n’examine pas le rôle qu’il eut dans la Shoah et le Porajmos, le génocide des Tsiganes. 

Car ce sont au final les mêmes idées d’eugénisme et de pureté raciale, qui poussèrent les Nazis à commettre ces deux génocides.

De plus, les méthodes d’exécutions développés pour l’Aktion T4 servirent d’exemple pour les camps d’exterminations des Juifs-Juives et des Tsiganes.

Enfin, de nombreux Nazis qui participèrent à l’Aktion T4 furent par la suite recrutés au sein de l’Aktion Reinhard.

Aktion Reinhard, qui était le nom de code pour l’extermination des Juifs et Juives et des Tsiganes. 

La fin de la seconde guerre mondiale marqua un tournant dans l’histoire de l’eugénisme. 

Face à sa responsabilité dans les horreurs Nazis, ce dernier fut définitivement discrédités aux yeux du grand publique.

En tout cas, c’est la thèse qui est souvent répandue sur le sujet. 

Car en réalité, il ne fallut pas attendre longtemps avant que les stérilisations forcées ne refassent leur apparitions. 

Celles-ci furent de nouveau appliqué en masse dés 1948, dans un autre   pays défait par la guerre : le Japon.


En 1948, le Japon vota une loi autorisant les stérilisations forcée. 
Elle resta en vigueur pendant presque 50 ans et fit des milliers de victimes. 

Cette loi est souvent l’exemple le plus connu de l’eugénisme Japonais.  

Ce fut pourtant loin d’être sa première application dans l’archipel.

En effet, comme un peu partout dans le monde, les thèse eugénistes arrivèrent au Japon dés la fin du 19 ème siècle.

Elles furent propagées principalement par les eugénistes états-uniens et allemands. 

Au Japon aussi, l’eugénisme trouva un terrain fertile pour se répandre grâce au racisme et au suprémacisme de l’époque. 
La haine de l’autre grandissait alors dans la société, au rythme des conquêtes coloniales.  

Car à la fin du 19 ème siècle, le Japon ne voulant plus être à la traine des puissances européennes, décida de devenir à son tour un Empire colonial. 

Il annexa pour ça l’île de Taiwan en 1895, puis la Corée en 1910. 

La colonisation japonaise favorisa la discrimination raciale et l’émergence d’un discours sur la supériorité de la race Yamato, l’ethnie majoritaire au Japon. 

C’est donc d’abord dans une optique de « préservation de la race » que se mit en place en 1907, la première réglementation eugéniste. 

Celle-ci obligeait l’isolement pour les personnes lépreu.ses sans-abris. 

Alors, pas du tout pour des motifs sanitaire, non ! Mais parce que leur présence dans les rues ternissaient l’image du pays à l’international.

Cette politique d’isolement fut suivit quelque années plus tard, d’une stérilisation systématique de tous et toutes les lépreu.ses désirant se marier. 

Des stérilisations qui étaient alors totalement illégales et furent donc pratiqué dans le plus grand secret.  
 
Dans les années 30, avec le début de la Guerre de Quinze ans, le gouvernement se lança dans une forte politique nataliste.  

Si vous vous demandez ce qu’est cette Guerre de Quinze ans, sachez qu’il s’agit tout simplement du nom utilisé pour parler de la Seconde Guerre Mondiale du point de vue des Japonais et Japonaises. Car pour elleux, la guerre n’a pas commencé en 1939, mais en 1931 avec l’invasion de la Mandchourie. 

Pour mener à bien sa politique nataliste, le gouvernement japonais s’appuya sur deux mesures phares :
La première fut la régulation des mariages, à travers l’établissements des « 10 commandements » pour des mariages « eugéniques ». Un texte calqué sur les « dix commandements du mariage allemand » promulgué par les Nazis. 

Voici quelques uns de ces « commandements » :
- Commandement Numéro 2 : « Choisissez une personne en bonne santé physiquement et mentalement »
- Commandement Numéro 4 : « Choisissez une personne sans problème génétique »
- Et commandement numéro 10 : « Donnez naissance et multipliez-vous pour le pays ». 
Je suis sûr que Macron et son réarmement démographique serait en total accord avec ces commandements.

L’autre méthode utilisé pour augmenter la natalité fut de légaliser la stérilisation en 1940. 

Alors, vous vous dites peut-être que tout ça n’a aucun sens : pourquoi stériliser les gens si on veut qu’iel aient des enfants ? 

Et bien, car le but n’était évidement pas d’encourager la natalité de tout le monde ! Mais seulement des personnes considérées comme « racialement supérieur. »

Encore une fois, l’idée de légaliser la stérilisation fut inspiré aux Japonais par les Nazis et leur loi de 1933. 

Cependant, si la loi eugénique nationale autorisait les stérilisations, ces dernières devaient se faire avec l’accord du ou de la concernée et de sa famille. Les stérilisations forcées demeuraient donc illégale.  

Un fait qui changera huit ans plus tard avec la seconde loi eugénique dont je vous parlais au début de ce cas. 

Rassurez-vous, je sais que vous emmêlez les pinceaux, c’est normal. Le Japon vota deux lois eugéniques avec presque la même dénomination et à très peu de temps d’intervalle. 

Pourtant, c’est important de les différencier, car elles prônaient des politiques diamétralement opposés. 

Si la loi de 1940 visait à renforcer la natalité, la loi de 1948 avait au contraire pour but de réduire celle-ci.

Car entre 1940 et 1948, la situation du pays avait radicalement changé. 
Après s’être rendu sans conditions à la fin de la seconde guerre mondiale, l’empire Japonais fut totalement démantelé. 

Ses possessions coloniales perdues, les colons et les militaires qui y stationnaient durent rentrer au pays. Ce qui provoqua une forte hausse démographique. 

En effet, 8 % de la population, soit près de 6 millions de personnes vivaient dans les colonies. 

Leur retour, couplé au baby-boom d’après guerre inquiéta le gouvernement. Ce dernier redoutait une surpopulation, qui aurait pu entrainer des  pénuries. 

C’est pour ça qu’il fit passer une nouvelle la loi eugénique en 1948, pour cette fois non plus encourager la natalité, mais la freiner. 

Une politique de réduction des naissances qui fut par ailleurs vivement encouragé par les véritables dirigeants du pays à l’époque : les États-Unis. 

Oui, après la guerre, le Japon fut occupé pendant sept ans par les États-Unis. 

Une occupation dont on entends peu parler, alors qu’elle reste incontournable pour comprendre la situation actuelle.
Si le sujet vous intéresse d’ailleurs, un très bon livre viens de sortir dessus : « Les Occupants » de Michael Lucken.

Officiellement, les Etats-Unis n’occupèrent le pays qu’entre 1945 et 1952. 

Mais en réalité, ils ne partirent jamais totalement, puisqu’en 2024 plus de 50 000 militaires états-uniens étaient encore présents dans l’archipel. Ceux-ci stationnent majoritairement sur l’île d’Okinawa. 

Tout ceci n’explique pas pourquoi, les États-Unis soutenaient les politiques eugénistes du Japon. 

Pour le comprendre, il faut savoir qu’avec le début de la guerre froide, les États-Unis virent la maitrise de la reproduction comme un enjeu crucial pour assurer leur place de superpuissance. 

Selon leurs manières de voir les choses, un fort taux de natalité aggravait la pauvreté des plus précaires, qui devenait alors plus sensibles aux discours communiste. 

De plus, les taux de natalité élevés se trouvaient généralement dans les pays du Sud globale. Les États-uniens blancs craignaient alors de devenir à terme une population minoritaire. 

C’est pourquoi, les U.S.A utilisèrent les Nations Unies pour mettre en place un peu partout dans le monde des programmes de contrôle des naissances. Des programmes comme le planning familial par exemple. 

Mais revenons en au Japon. 

Si le gouvernement japonais craignait la surpopulation, ce fut comme d’habitude uniquement certaines catégorie de personnes qui furent visées par la loi de 1948. 

Celle-ci devait permettre de reconstruire « racialement » un état dévasté par la guerre.

Ainsi, les stérilisations forcées touchèrent majoritairement les femmes et les personnes handicapées. 

Au total, la loi eugénique fut responsable de 845 000 stérilisations dont 16 500 sans le consentement des patientes. 

En 1996, après plus de 50 ans, la loi de 48 fut révoqué en quelques jours à peine. 

Pourquoi ? 

Et bien, parceque des rapports alarmants étaient sortis sur le taux de fécondité extrêmement bas du pays. 
La lutte acharnée des personnes handicapé.es, aida aussi grandement à la révocation de cette dernière. 

Malheureusement, l’année 96 ne marqua pas la fin des grandes politiques de stérilisation forcée. 

Car celles-ci se mettaient en place au même moment de l’autre côté du pacifique, au Pérou. 


Le dernier cas sur lequel on va se pencher se trouve donc en Amérique du Sud, au Pérou.

Entre 1996 et 2001, le gouvernement du président Fujimori stérilisa plus de 325 000 femmes autochtones. 

Pourtant, l’eugénisme n’était pas arrivé pas au Pérou dans les années 90. 

Ce dernier c’était lui aussi développé dés les années 30, sous l’influence des États-Unis et de l’Allemagne.  

Mais contrairement à ces deux pays, le gouvernement péruvien de l’époque ne mena alors aucunes politiques de stérilisation. 

Il se concentra plutôt sur les mariages et l’immigration. Il imposa d’un côté des examens prénuptiaux pour éviter les unions entre personnes jugées « inaptes » et de l’autre encouragea l’immigration européenne, pour « blanchir » sa population. 

Dés les années 40 cependant, l’eugénisme déclina au Pérou et finit par  totalement disparaître dans les années 70.

Comment alors, à peine 20 ans plus tard à t’il pu resurgir et mener à l’une des plus grandes campagnes de stérilisation forcée de l’histoire ? 

Pour l’expliquer, il faut revenir sur  la situation du pays. 

Au début des années 90, cela faisait plus de dix ans que le Pérou était déchiré par la guerre civile. 

Deux groupes armées luttaient pour renverser le pouvoir : un groupe maoïste, le Sentier Lumineux et un groupe marxiste-léniniste, le Mouvement Révolutionnaire Túpac Amaru. 

Ce conflit fut l’un des épisodes les plus sanglants du Pérou. Il fit entre 50 000 et 70 000 morts et ne s’achèvera qu’au début des années 2000.

À la crise politique s’ajoutait aussi une crise économique. 

Je ne vais pas plus développer ici les raisons de cette crise, mais pour que  vous ayez une idée de son ampleur, sachez que les années 80 furent renommé à cause d’elle la « décennie perdue ».  

Cette double crise nourrit le mécontentement des militaires envers le gouvernement, qu’ils jugeaient incompétent à gérer la situation. 

Ils réfléchirent donc à un plan pour le renverser. 

Un plan assez réaliste malheureusement,  puisque le Pérou sortait tout juste de 12 ans de dictature militaire. 

Pour les putschistes, tous les problèmes que rencontraient le pays étaient de la faute des indigènes. 
Des idées racistes qui malheureusement étaient plus que largement répandues dans le reste de la société. 

Car pour rappel, le Pérou fut fondé sur le massacre des populations indigènes et le colonialisme de peuplement. Et comme je vous le disais pour le Guatemala, son indépendance ne correspondit pas du tout à une décolonisation. 

Au contraire, elle permit aux colons blancs d’asseoir leur domination sur les indigènes. 

Le Pérou était (et est encore) une société divisé racialement, avec une oligarchie blanche régnant sur une majorité indigène principalement pauvre. 

Les indigènes étaient alors vues comme un obstacle au progrès national, un « problème à régler ». Pour l’oligarchie, l’amélioration du pays passait forcement par l’amélioration de la race blanche. 

De plus, à partir des années 70, l’amélioration du système de soin entraina une baisse général de la mortalité. 
Cette baisse couplé avec le taux de natalité élevé des indigènes fit alors ressurgir les peurs eugénistes. Les discours parlèrent du danger de la surpopulation et d’un remplacement démographique. 

C’est donc à cause de tout ce bagage raciste, que les militaires voyaient dans les familles indigènes un danger pour la démocratie péruvienne. 

Pour eux, non seulement ces familles pauvres constituaient des foyers idéales de recrutement pour les guérillas, mais faisaient en plus peser un poids économique énorme sur les ressources du pays. 

Afin de concrétiser leur putsch, les militaires réfléchirent aux mesures qu’ils prendraient une fois au pouvoir. Ils nommèrent ces mesures, le Plan Verde. 

Le Plan Verde comportait trois axes principales pour « relever » le pays :
- Le contrôle total des médias 
- Le passage à une économie néo-libéral, sur le modèle du Chili de Pinochet.
- Et la réduction de la pauvreté, grâce à un programme massif de stérilisation des populations indigènes. 

Vous vous en doutez peut-être, mais le Plan Verde obtint sans soucis la bénédiction du patronat péruvien. 

Malgré l’établissement de ce plan, les militaires au final décidèrent de ne pas passer à l’action. 

Alors, pas parcequ’ils changèrent d’avis, non. Mais parcequ’en 1990, eut lieux des élections présidentielles et qu’une grande partie de leur programme était défendue par un candidat : l’écrivain Vargas Llosas. 

Mais contre toute attente, ce ne fut pas Vargas Llosas, qui remporta l’élection, mais son opposant Alberto Fujimori.

Fujimori qui fut élu justement grâce à sa promesse de combattre les réformes néo-libérales de Vargas Llosas. 

Or, et je suis sûr que cet info va vous surprendre, une fois élu, Fujimori retourna complètement sa veste.
Il mit même en place des réformes néo-libérales, encore plus dures que celles défendues par Vargas Llosas. Un choc économique qui reste aujourd’hui connu comme le Fujishock. 

Les militaires virent alors en Fujimori un allié potentiel et passèrent une alliance avec lui pour récupérer le contrôle du pays. 

Une alliance qui se révéla au grand jour, le 5 avril 1992. 

Ce jour là, avec l’aide de l’armée Fujimori lança un coup d’état contre son propre gouvernement, pour pouvoir obtenir les pleins pouvoir. 

Grâce à cet auto-coup d’état, les militaires entrèrent au gouvernement et purent appliquer les idées du Plan Verde. 

Ainsi, trois ans plus tard, Fujimori transformait le programme de santé publique pour stériliser en masse les femmes indigènes. 

Les personnel.les de santé se retrouvaient avec des quotas de stérilisations obligatoire à réalisé chaque mois. 

Et évidement, ces quotas étaient régulièrement revu à la hausse. 

Plusieurs techniques furent utiliser par les médecins pour contraindre les femmes à se faire stériliser : 

- la dissimulation : certaines femmes étaient stérilisées sans le savoir, alors qu’elles venaient venaient consulter pour un rhume par exemple

- le chantage : on leur promettait des habits ou de la nourriture contre l’opération. 

- l’abus de faiblesse : de nombreuses femmes ne parlant pas espagnol, elles ne comprenaient pas les documents de stérilisation qu’on leur demandaient de signer.

- Et la menace : la police, l’emprisonnement ou la coupe des aides de l’état étant brandis pour faire céder les femmes. 

Au total entre 330 000 femmes et 25 000 hommes furent victimes de ce programme de stérilisations forcé. 

Une campagne qui n’aurait pas pu être déployé à une si grande échelle, sans une aide économique international. 

En effet, le programme péruvien fut soutenu par le F.M.I, ainsi que par le Japon à travers la Nippon Foundation.

Mais ceux qui jouèrent le plus grand rôle dans cette histoire, fut encore et toujours les mêmes : les États-unis.

Entre 1993 et 1998, le système de santé péruvien était presque intégralement géré par les États-unis, à travers leur agence pour le développement international, l’USAID. 

Si le rôle que joua exactement l’USAID dans les stérilisations de masse reste aujourd’hui encore incertain, les chercheureuses estiment qu’il était impossible pour celle-ci de ne pas  avoir été au courant. 

Finalement, l’USAID arrêtera de financer le système péruvien en 98, mais uniquement à cause de pressions extérieurs.
Deux ans plus tard, Fujimori ne voulant pas lâcher le pouvoir, il décida de  ne pas respecter la constitution et se représenta pour un troisième mandat présidentiel. 

S’il remporta largement l’élection, ses opposants et opposantes dénoncèrent un scrutin truqué et réclamèrent son annulation.

La colère contre Fujimori se propagea et sentant le vent tourné, ce dernier s’enfuit littéralement du pays.

Il sera toutefois arrêté cinq ans plus tard et ramener au Pérou, où il sera condamné à 25 ans d’emprisonnement pour ses différents crimes.  

Les stérilisation massives des femmes indigènes elles prirent fin en même temps que la présidence de Fujimori. 

Plusieurs chercheureuses qualifient aujourd’hui cette campagne de stérilisation comme un nettoyage ethnique et même comme un génocide. 

Pour la dernière partie de cet épisode, je vous propose de faire un petit tour d’horizon des différentes campagnes de stérilisations, qui eurent lieux dans le monde. 

Et pour commencer, nous allons revenir en Amérique du Nord. 

Car si on a beaucoup parlé des États-Unis jusqu’à présent, un autre pays  y pratiqua aussi massivement l’eugénisme : le Canada. 

Chez ce dernier, le premier programme de stérilisation, le Sexual sterilization Act fut voté dans la province de l’Alberta en 1928. 

Ce texte autorisait les stérilisations forcées pour les personnes considérées comme « mentalement déficientes. » 

Mais en plus des personnes handicapées se fut encore une fois les femmes seules, pauvres et d’origines aborigènes qui furent en réalité visées. 

À la suite de l’Alberta, d’autres provinces canadiennes adoptèrent des lois similaires. Des lois qui restèrent en vigueur jusqu’au début des années 70, où une mobilisation citoyenne permit de les abolir.

Victoire fut cependant crié un peu trop vite. Car bien que désormais déclaré illégales, les stérilisations forcées continuent toujours, en particulier au sein des « hôpitaux indiens ». 

En 2022, un rapport estimait qu’entre 1980 et 2019, 22 femmes autochtones avaient subis des stérilisations contraintes. 

Malgré une prise de conscience politique sur le sujet, il reste impossible de savoir de nos jours, l’ampleur que continue d’avoir cette pratique au Canada. 

Au delà de l’Amérique du nord, les deux continents qui connurent le plus de stérilisations forcées furent l’Asie et l’Europe. 
En Asie, trois pays en particuliers mirent en place ces politiques : l’Inde, la Chine et le Bangladesh. 
En Inde, c’est entre 1975 et 1977, que se déroula une importante campagne de stérilisation forcée. 

Durant ces deux ans, la première ministre Indira Gandhi décréta un état d’urgence pour pouvoir se maintenir au pouvoir. 

Un état d’urgence qui lui permit de suspendre les libertés civils, d’enfermer ses opposants et opposantes et censurer la presse. 

Fortement incité par la Banque mondiale et les États-Unis, Indira Gandhi en profita aussi pour lancer un large programme de stérilisation.
Ce dernier devait avoir pour de réduire la démographie du pays et de lutter contre la pauvreté. 

Ce programme fut dirigé par le propre fils d’Indira, Sanjay Gandhi.

Contrairement à ce que l’on a beaucoup vu dans cet épisode, ce furent principalement les hommes qui furent visés par ces stérilisations. 

En moins de deux ans, 8 millions d’indiens subirent des vasectomies contraintes. Presque 2 000 d’entre eux décédèrent, suites à ces opérations. 

Les stérilisations prirent fin en même temps que l’état d’urgence en 1977. 

Elles restent cependant encore une réalité aujourd’hui en Inde. 

Désormais elles ne visent plus les hommes, mais les femmes autochtones   les plus précaires, qui sont regroupées dans des véritables camps de stérilisations. 

Il est là encore difficile de savoir à quel point ces opérations sont souhaitées ou non. En 2014, 13 femmes moururent dans ces camps.  

Malgré, les protestations qui suivirent, le gouvernement ne remit pas en cause l’existence des camps. 
Un autres pays asiatique dont les politiques eugénistes ont marqué les mémoires est la Chine. 

À partir de 1979, le régime chinois décréta une politique de l’enfant unique. 
L’idée était d’encourager très fortement, voir d’obliger les parents à ne faire qu’un seul enfant. 

Pourquoi le gouvernement appliqua un telle doctrine reste débattu aujourd’hui.  

Si le risque de surpopulation est la raison la plus avancé, certaines recherches évoquent plutôt des raisons économiques. 
En 1978, en effet, Deng Xiaoping, qui reprit les rênes du parti communiste après la mort de Mao, lança des grandes réformes pour augmenter la croissance du pays. 

Dans ce cadre, la limitation des naissances, notamment des familles les plus pauvres permettait de restreindre les dépenses de l’état.

La politique de l’enfant unique passa principalement par des pénalisations financières, mais aussi par des avortements et des stérilisations forcées. 

Là non plus, nous manquons d’informations pour savoir l’ampleur exact de ces stérilisations et avortement forcées. 

La politique de l’enfant unique mena à un grand nombre d’infanticide et d’abandon des bébés féminin, causant un important déséquilibre du sex ratio en Chine.  

Cette doctrine dura 35 ans et ne prit officiellement fin qu’en 2015. 

Mais, au même moment, le régime renforçait les restrictions de reproduction pour une partie de sa population : les Ouïghours.

En effet, depuis le début des années 2010, la Chine commet un génocide  contre les Ouïghours. Un génocide qui passe notamment par l’empêchement pour les femmes  de donner naissance. 

Celles-ci se voient imposer un dispositif intra-utérin, qui les rendent stériles. 

Là encore l’ampleur de ces actes restent aujourd’hui à documenter. 

Le troisième et dernier pays asiatique dont je voulais vous parler est le Bangladesh. 

En 1982, le gouvernement militaire du Bangladesh décida de lutter contre l’accroissement démographique en lançant un plan national de stérilisation sur deux ans.  

Une campagne qui une fois de plus fut fortement motivée et financée par les pays d’Europe du Nord, les États-Unis et la Banque Mondiale.

Ses stérilisations concernaient principalement les personne pauvres et appartenant aux minorités ethniques du pays. 

Des compensations financières étaient proposées pour inciter les gens à se faire stériliser.
Comme sous le Pérou de Fujimori, les médecins devaient remplir des quotas de stérilisations obligatoires. 

Encore une fois, il est impossible pour le moment de savoir quelle fut la part de contrainte chez les bangladaises qui subirent l’opération. 

Ce qui est certain, c’est que dans le nord du pays, les militaires établirent une liste des femmes qui ayant déjà eu trois enfants devaient se faire stériliser. 
Les femmes furent ramassées par des camions militaires et emmenées de force dans les cliniques. 
Plus de 500 bangladaises furent ainsi stérilisées en quelques semaines. 

Par ailleurs, une grande partie des stérilisations étaient souvent pratiquées dans des conditions précaires et de nombreuses personnes eurent donc d’importantes séquelles. 

Plusieurs y perdirent même la vie.

Au final, c’est plus d’un million de bangladais et bangladaises qui furent touchées par la campagne du pouvoir militaire.

Interlude musical : 
Kahan Gayee Wo Teri Ahinsa de Kishore Kumar

Nous allons voir à présent ce qu’il s’est passé du côté européen, car les pays d’Europe du nord ont une longue histoire d’eugénisme. 

Parmi ces états, la Suède est celle qui mit en place le plus grand programme de stérilisation. 

Un programme qui dura plus de 40 ans, entre 1935 et 1975. 

Au cours de cette période, environ 63 000 suédois et suédoises ont été stérilisés contre leur gré.

Les personnes visées par ce programme furent les mêmes que dans tous les campagne eugénistes : les femmes handicapées, les femmes d’origines étrangères, les femmes aux moeurs libertines et les criminel.les.

Les femmes roms et les femmes samis en particulier furent fortement touchées. 

Je dis les femmes, car sans surprise, 93% des personnes stérilisées furent des femmes. 

Alors, quelle fut cette fois la raison pour justifier cette politique ?

Et bien, encore une fois ce fut le coût que ces personnes faisaient peser sur le modèle de protection social suédois. 

La triste originalité suédoise réside dans le fait que l’eugénisme ne fut pas une politique d’un gouvernement de droite ou d’extrême droite, mais d’un gouvernement social-démocrate. 

Les stérilisations prirent d’ailleurs fin en même temps que celui-ci, au milieu des années 70.

Du côté de la Norvège et de la Finlande, l’histoire fut assez similaire à celle de la Suède. 

Je ne vais pas plus développer ici, mais des lois eugénistes furent votées au milieu des années 30 et restèrent actives jusqu’aux années 70. 

Et durant ces 40 ans, des milliers de femmes furent stérilisées sous la contrainte par deux pays où la gauche social-démocrate était au pouvoir. 
Je veux en revanche m’arrêter un peu plus sur le cas du dernier pays scandinave : le Danemark. 

Au Danemark, les stérilisations forcées se déroulèrent entre 1929 et 1967 et visèrent encore une fois majoritairement les femmes handicapé.es.

Cependant, une autre population fut aussi victime de cette politique : les femmes inuites.

Et oui ! On a tendance à l’oublier, mais le Groenland appartient au Danemark, depuis 1721.

Au début des années 60, le gouvernement danois décida de stériliser le plus de femmes inuites possible.

Les médecins danois leur posèrent donc un D.I.U en forme de spirale, le plus souvent sans même sans qu’elles en aient connaissance.

Plus de 4 500 femmes furent ainsi stérilisées, soit quasiment  une inuite sur deux. À cause des stérilisations, le taux de natalité des inuites chuta de 50 %. 

Le gouvernement coupla cette politique à des enlèvements et des placements forcés d’enfants inuits dans des familles danoises. 

Si la majorité des stérilisations eurent lieu entre 1966 et 70, celles-ci continuèrent jusqu’à ce que le Groenland obtienne son autonomie en 1992. 



Pour conclure cet épisode, je vais parler du cas d’un dernier pays : la France. 

Quel a donc été le développement de l’eugénisme en France ? Quelle histoire avons nous avec les stérilisations forcées ? 

Et bien assez étrangement, l’eugénisme  fut assez peu présent en France !

Je dis étrangement, car la France avait tout le background idéologique pour  ça. 

Je rappelle que l’on doit à un français la rédaction du livre « Essai sur l’inégalité des races humaines » 

Et pourtant, en comparaison de l’ampleur qu’eut l’eugénisme en Angleterre et aux Etats-Unis, le courant resta assez mineur en France. 

Évidement, il eut quand même des scientifiques français qui se rallièrent aux thèses eugénistes et la société française d'eugénique fut même crée en 1913.

Mais, ces idées ne rencontrèrent jamais trop d’échos auprès du grand public ou de l’arène politique. 

Ce n’est qu’en 1942, avec le régime fasciste de Vichy qu’apparaitra la première loi eugéniste en France. 
Celle-ci rendait obligatoire pour les futurs époux la signature d’un certificat prénuptial. 

Le certificat était délivré après un interrogatoire sur les antécédents médicaux du couple, ainsi que des examens biologiques pour établir un bilan de santé. 

Et pour la petite anecdote, sachez que ce certificat est resté obligatoire jusqu'au 1 er Janvier... 2008 !

Mais si ce fut la seule loi eugénique du gouvernement pétainiste, ce ne fut pas la seule politique qu’il mena inspirée par ces idées. 

En effet, c’est une histoire qui reste assez peu connue de nos jours, mais le régime de Vichy laissa des milliers de personnes mourir de faim au sein des asiles psychiatriques. 

Alors, que s’est-il passé exactement ?

Dés le début de la seconde guerre mondiale, les hôpitaux psychiatriques connaissaient des difficultés d’approvisionnement. La faim se répandait de plus en plus parmi les patients et les patientes.

Mais à partir du moment où le rationnement national fut décrété, la faim laissa place à la famine. 

Bien que cette famine ne résulte pas d'une directive de Vichy, il en est bien le responsable, car il fut alerté plusieurs fois de l’état de la situation, mais refusa pour autant d’augmenter les rations allouées aux hôpitaux psychiatriques.  

Plus de 45 000 personnes moururent de faim, enfermé.es.

L’« hécatombe des fous » comme ce drame fut surnommé ne s’arrêta qu’avec la fin de la seconde guerre mondiale. 

Malheureusement, les drames de l’eugénisme français eux ne se limitentpas à cette tragédie.

Au début des années 60 se déroula un autre scandale. 

Alors qu’une majorité de ses anciennes colonies accédaient à l’indépendance, le gouvernement français s’inquiéta que les territoires d’outres-mer ne se révoltent à leur tour. 

Un organisme fut alors crée pour réduire la démographie des îles et empêcher ainsi le risque de contestation : le BUMIDOM. 

Géré par Michel Debré, le BUMIDOM encourageait et organisait l’émigration des habitants et habitantes des DOM-TOM vers la métropole. 

Une émigration qui dépeupla les outre-mers, tout en enfermant ses populations dans des emplois précaires et ingrats. 

En plus du BUMIDOM, Michel Debré qui était aussi le député de la Réunion, lança sur l’ île une grande campagne anti-nataliste. 

Poussés par cette campagne et par des idées racistes et eugénistes, les médecins stérilisèrent et avortèrent massivement les femmes réunionnaises, le plus souvent sans leur consentement.   

L’autrice Françoise Vergès pointe dans son livre « Le ventre des femmes » l’hypocrisie du gouvernement français, qui en même temps qu’il incitait à réduire les naissances dans les DOM-TOM, continuait de criminaliser l’avortement en métropole. 

Entre les années 60 et 70, ce sont au final des milliers de réunionnaises qui subirent des avortements et des stérilisations forcées. 
Et comme si cela ne suffisait pas, Michel Debré encore lui, organisa carrément des enlèvements d’enfants réunionnais pour repeupler certains département de la métropole comme le Gers, la Lozère, les Pyrénées-Orientales ou encore le Tarn.

Ce crime resta toutefois dans les mémoires comme celui des « enfants de la Creuse » puisque plus de 200 enfants furent envoyé.es dans ce seul département. 

Au total ce sont près de 2 000 enfants qui furent déporté.es pendant plus de 20 ans, entre 1962 et 1984.

Par ailleurs, de nos jours les idées eugénistes restent bien présentes en outre-mer, comme on a pu le voir à Mayotte en 2023.

Alors, que l’île subissait la violence de l’opération Wuambushu, l’état français lançait une campagne de propagande pour inciter les femmes à se faire stériliser. 

Mais en France, les stérilisations forcées ne demeurent pas une réalité que pour les territoires colonisés. 

Les personnes trans elleux étaient obligées jusqu’en 2016 de se faire stériliser pour pouvoir obtenir un changement de sexe à l’état civil.  
Et la loi française autorise toujours la stérilisation des personnes handicapées mentales. 

Si sur le papier, il s’agit d’une opération qui est censé être très encadré et ne peut avoir lieu sans le consentement de la personne, dans les faits il est très difficile de savoir si celle-ci a vraiment pu donner son avis sans contraintes. 

Surtout quand on sait que les personnes handicapé.es, qui sont placées en institution sont régulièrement victimes de nombreuses maltraitances.
Une institutionnalisation pour laquelle la France a été condamné par l’ONU en 2021. 

Récemment, l’ensemble des collectifs anti-validistes ont aussi alerté sur les dangers eugénistes de la loi sur l’aide à mourir, votée en mai dernier. 

Une loi qui a été comparé par certaines militantes avec l’Aktion T4 du régime Nazi.

Si vous voulez en savoir plus sur cette comparaison et les dangers eugénistes de cette loi, je vous met des liens sur le site internet. 

Un danger d’eugénisme, qui ne se limite pas à la France malheureusement, puisque plusieurs lois similaires ont déjà été votées dans d’autres pays. 

C’est le cas notamment du Canada, où les effets sur les handicapé.es ont été très documentés. 

Un exemple de plus qui prouve que l’eugénisme et les stérilisations forcées restent fortement d’actualité.

De plus avec la montée du fascisme et de l’extrême droite un peu partout dans le monde, le droit des femmes, des trans, des handicapées et des personnes racisées sont plus que jamais en danger. 

Je ne peux donc conclure cet épisode qu’en vous incitant chaudement à vous engager contre le recul de ces droits : que ce soit par des pétitions, des manifestations ou tout autre actions qui vous correspondent. 
À l’heure où les masculinistes ricanent en proclamant « Ton corps, mon choix », faisons front pour continuer à défendre le mot d’ordre féministe :

Voilà, c’est la fin de ce premier épisode Hors-Série sur l’eugénisme et les stérilisations forcées. 

Honnêtement, je ne pensais pas faire un épisode aussi long, mais il y avait beaucoup de choses à traiter. 

Et encore, je n’ai pas pu vous parler de tout les cas, comme les campagnes de stérilisations qui eurent lieu en Suisse ou en Ouzbekistan ! 

Je vous invite donc comme d’habitude à continuer à creuser le sujet par vous même. 

Je vous rappelle que "Points de détails "est un podcast hébergé sur Spectre, qui est une plateforme de podcasts au contenu riche et passionnant et que je vous incite chaudement à financer si vous le pouvez.

Si cet épisode vous a plus n’hésitez pas à le commenter et à le partager.

Et on se retrouve l’année prochaine, pour le prochain épisode de « Point de détails »

Vous pouvez retrouver les sources citées dans l’épisode et d’autres liens pour aller plus loin sur le site du podcast : https://pointsdetails.noblogs.org/hors-serie-1-eugenisme-et-sterilisations-forcees/

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