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Billet de blog 19 janvier 2015

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quelques propositions à M.Hollande

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Monsieur le président, je me permets de vous adresser, en vrac, un certain nombre de propositions qui, si elles étaient mises en oeuvre, vous hisseraient au niveau d'un F D Roosevelt.

Après le temps de l'émotion, et je ne mets pas en doute votre émotion après les massacres de la semaine dernière, doit venir le temps de la réflexion et des projets. Nous entendons depuis quelques jours, de gauche à droite, les pires discours policiers appelant à un "patriot-act à la française", au renforcement de l'Etat pénal, et déjà pleuvent des condamnations pénales hallucinantes sur des gamins décervelés ayant, par forfanterie et bêtise, tenu des propos, ici et là, qu'effectivement nous pouvons tenir pour abjects. Il serait pourtant urgent de prendre la mesure de ce qui peut amener des gamins nés en France, à haîr et mépriser les valeurs de la République.

Depuis quasiment 40 ans les quartiers populaires, les classes populaires de ce pays, subissent la violence des politiques néo-libérales. Ce n'est pas au citoyen probablement le plus informé de ces réalités que je vais l'apprendre, mais il existe dans ce pays des quartiers dans lesquels tout se délabre, dans lequel les rats pullulent ( et je parle des mammifères pas des fascistes), dans lequel les ascenseurs sont en panne 10 mois par an, dans lesquels le taux de chômage des jeunes peut dépasser les 50%, et dans lesquels le gamin qui commence à décrocher de l'école peut être facilement tenté de travailler pour les réseaux maffieux de deal de came. Dans ces quartiers la violence est d'abord sociale et économique. Avoir 15 ans à Clichy sous bois, être régulièrement la cible de contrôles policiers de la BAC, agrémentés au minimum d'insultes, au pire de coups, être assigné à résidence dans son quartier parce qu'on n'a pas les moyens de se payer le bus et le RER, est une expérience qui peut mener effectivement au ressentiment, à la haine, au désir de vengeance, que des groupuscules politico-religieux peuvent canaliser dans le sens qui les intéresse. Je ne vais pas aller plus loin dans la description de ces faits, tout ce que je viens d'écrire a été décrit par des sociologues, des écrivains, des journalistes et des habitants de ces quartiers.Pourtant rien de consistant ne semble avoir été décidé, dans les différents niveaux de l'exécutif, depuis des décennies, pour combattre cette misère sociale, lourde de périls. Trois semaines d'émeutes en novembre 2005, et puis quoi? Rien, nada. Je me permets, n'ayant pourtant aucune "expertise" sur le sujet, à part celle de ma qualité de citoyen, de professeur du secondaire, de vous proposer un certain nombre de mesures. Je ne vous cache pas d'emblée que la totalité de ces mesures, si elles devaient être mises en oeuvre, supposent une rupture radicale avec la politique que vous menez depuis votre entrée en fonction. Je vous sais assez intelligent pour être capable de remettre en question le logiciel néo-libéral qui est le vôtre depuis longtemps. Vous comprenez nécessairement, ou alors ce serait à désespérer des grandes écoles de la République qui ont formé votre esprit, que ce pays est à la croisée des chemins. Ou bien vous ne changez pas de politique sociale et économique et vous vous contentez de renforcer l'arsenal répressif, et alors ce pays va connaître le pire dans les années qui viennent, ou bien vous prenez la mesure de la détresse profonde du peuple français  des classes populaires et d'une grande partie de la jeunesse, et vous changez radicalement de politique, ce qui fera de vous, dans les manuels d'histoire du futur, l'équivalent d'un Roosevelt, d'un De Gaulle.

Quelques propositions donc:

1: pour casser en grande partie le pouvoir des bandes maffieuses dans les quartiers, légalisez et faites distribuer par une régie d'Etat, le "Shit". Tous les sociologues sérieux savent que le maintien de la prohibition, derrière les arguments moraux, a pour réel objectif d'acheter une paix sociale minimum, dans les quartiers. Cette politique a échoué. Les énormes profits générés par le trafic ont permis l'émergence de maffias puissantes qui font régner leur ordre et qui exercent un pouvoir d'attraction sur les mômes fragiles que la perspective d'argent facile détourne encore plus de l'école. Il faudra ne pas en rester là et, à terme, légaliser aussi les drogues dites dures, quitte évidemment à encadrer la vente de ces produits. Tous les policiers spécialistes de la question répètent depuis des années que la "guerre contre la drogue" est perdue depuis longtemps.

2: Mettez le paquet financier sur l'école dans les quartiers. Que les gamins puissent aller à l'école maternelle dès 3 ans. Qu'à l'école primaire et au collège on puisse repérer les gamins en difficulté, alléger leur emploi du temps et les accueillir dans des classes à effectif réduit ( 12 élèves maximum). Avec ces élèves faire du français à outrance, un peu de maths, une initiation aux sciences ( en généralisant l'expérience menée depuis des années par les promoteurs de "la main à la pâte"), une langue étrangère, et surtout mettre le paquet  sur l'enseignement artistique: c'est par la musique, le théâtre, le chant, la danse ( en valorisant leurs propres pratiques artistiques, mais en les ouvrant aussi à ce qu'ils ne connaissent pas) qu'on stimulera le désir de savoir et qu'on leur apprendra le plaisir de se dépasser. Pour ces activités il faut évidemment des profs motivés et bien mieux payés.

3: pour les élèves "méritants" (je mets ce terme entre guillemets car je n'aime pas beaucoup ce terme de "mérite") des classes populaires, il faut des bourses conséquentes, qui leur montre que la République les aide, qu'elle est là pour les épauler, les accompagner. Et surtout pas ce concept monstrueux de "discrimination positive". Tous les gamins, quelle que soit leur origine, doivent pouvoir bénéficier de ces bourses, qui seront aussi un signal positif aux familles.

4; au lycée et au collège assez de l'empilement monstrueux des disciplines qui produit des emplois du temps délirants et détermine un rapport au savoir marqué par la docilité et la répétition d'une parole magistrale qu'on comprend rarement. Il faut un socle minimum de matières ( français, maths, initiation aux sciences, une langue étrangère. Tout le reste doit être au choix des élèves. Et comme à l'école primaire il faut mettre le paquet sur les "matières artistiques". Mesure-t-on la masse globale d'ennui généré au collège et au lycée par des apprentissages aussitôt appris, aussitôt oubliés. Faisons confiance à la jeunesse, à sa capacité à se passionner pour autre chose que le "siècle de Louis XIV", même si j'ai bien conscience de l'importance de l'enseignement de l'histoire. Réservons le matin aux enseignements disciplinaires de base et l'après-midi aux enseignements que choisissent optionnellement les élèves, au sport et aux activités artistiques. Introduisons l'enseignement optionnel de la philosophie dès la seconde. Il faut révolutionner l'école, car les minutes de silence, les mesures répressives à l'égard de paroles malheureuses prononcées par des gamins, et les discours normatifs, sont totalement contre-productifs et...ridicules.

5: un service civique obligatoire entre 16 et 18 ans: 3 ou 4 sessions de un mois tous les ans, rémunérées évidemment, permettant aux enfants de découvrir le pays, ses institutions, ses hopitaux, ses crèches, ses maisons de retraite, son armée, sa police etc.

6: ouvrez un grand chantier de rénovation écologique de l'habitat partout en France. A la clef des centaines de milliers d'emplois. Je ne m'étends pas sur ce sujet car les écologistes vous l'ont déjà suggéré, me semble-t-il.

7: supprimez la BAC, Brigade policière qui est souvent avec raison vécue par les habitants des quartiers, comme une milice raciste, anti-jeunes.Souvent formée de jeunes policiers issus des campagnes françaises, ces équipes de la Bac se comportent malheureusement trop souvent en cow-boys qui provoquent les habitants des quartiers et suscitent la haine de la police et de l'Etat.

8: Portez le RMI à Mille euros par mois, à partir de 18 ans. Les bénéficiaires de ce dispositif pourront participer à des formations, ou bien s'investir bénévolement dans des activités associatives, s'ils jugent préférable d'offrir une contre-partie à ce revenu, mais cette activité ne doit en aucun cas être exigée.

Il y a certainement bien d'autres mesures à imaginer, mais celles-ci me semblent être une base de départ pour un changement radical de politique.

Soyez assuré, Monsieur le président, de mes meilleurs sentiments socialistes.

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