Une pétition électronique circule depuis quelques semaines, pour alerter la population française sur une menace concernant le modèle actuel de don du sang, menace liée à l’arrivée sur le marché du plasma de transfusion d’une multinationale pharmaceutique qui a gagné son procès contre la France. Alors j’ai signé : http://www.mesopinions.com/petition/sante/fin-don-ethique-france-marchandisation-sang/13251
Mais je suggère à ceux qui ne l’ont pas fait de relire mon billet du 28 septembre dernier qui donnait le contexte et annonçait des troubles à venir : http://blogs.mediapart.fr/blog/yves-charpak/280914/transfusions-de-produits-sanguins-un-monopole-public-en-erosion
La vérité est bien sur comme toujours entre deux, entre un modèle de don qui ne serait que Français et qu’on dit « éthique » et celui des grandes multinationales des produits sanguins qui « rémunèrent » les donneurs (eux disent « indemnisation»).
Pour mémoire, la grande majorité des pays européens ont exactement les mêmes valeurs que nous autour du don de sang, mais comme ils ne l’appellent pas comme nous, en France nous pensons être les seuls à défendre un modèle « pur » contre le reste du monde : ailleurs, ça s’appelle le don volontaire et non rémunéré, ou VNRBD (Voluntary Non Remunerated Blood Donation).
Le problème est que pour le plasma qui est évoqué dans cette pétition, le plasma qui est directement destiné à des transfusions, il y a aujourd’hui ambiguïté de statut, car la production de plus en plus industrielle en fait juridiquement un médicament. Et c’est bien un médicament enregistré au niveau européen que propose la multinationale en cause, Octapharma, qui a raison du point de vue réglementaire, alors que chez nous, fabriqué par l’EFS, c’est un produit sanguin qui ne répond pas aux mêmes normes de fabrication.
Alors, certes nos dons sont garantis « éthiques » ce qui n’est pas le cas de ceux d’Octapharma, mais eux garantissent des procédés de fabrication de « qualité pharmaceutique », que ne peut garantir l’EFS, ce qui a contribué à la fermeture de son usine de Bordeaux.
Du coup voilà l’EFS obligé de distribuer un produit d’origine plus « douteuse » en termes de paiement des donneurs, alors que la France aurait pu se doter d’une capacité productive « aux normes » pharmaceutiques. Et ce tout simplement en renforçant ce qui existait déjà à Bordeaux, attitude raisonnable en ces temps de cocorico continu pour rebooster notre industrie nationale. Mais pour ça il faut des dirigeants courageux et visionnaires et pas des gestionnaires qui circulent d’un poste à l’autre comme s’il ne s’agissait que d’administrer sans danger pour leur nomination au prochain poste.
Alors oui je soutien cette pétition, car effectivement les produits sanguins dans le monde sont relativement menacés par la pression conjointe de multinationales des produits collectés dans le monde entier mais aussi par le fait que notre modèle très cher de transfusion n’est aujourd’hui pas adapté à une généralisation dans le monde entier : selon l’OMS, le principal problème pour 80% de la population mondiale n’est pas une mauvaise qualité des produits mais bien l’absence des produits qui pourraient sauver des patients, ce qui tue beaucoup plus de monde que ne le feraient même des produits très « bas de gamme ».
Mais de grâce, apprenons aussi à travailler avec les autres pays développés, nos voisins européens en particulier, ceux qui ont les mêmes valeurs que nous et qui ne comprennent pas notre acharnement à leur dire que seul notre modèle français est éthique et acceptable. Et comment les convaincre si nous ne les côtoyons pas ? Lorsque j’étais directeur de la prospective à l’EFS, et comme tel représentant de l’EFS à l’alliance des opérateurs de la transfusion européenne (EBA), l’un de mes supérieurs hiérarchique m’a dit qu’il ne voyait pas en quoi mon élection au poste de vice-président de cette alliance avait la moindre valeur ajoutée !!
Car n’accablons pas l’Europe, elle n’est que ce que nous en faisons collectivement, d’où l’importance de bien travailler avec les autres.