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Billet de blog 31 janv. 2016

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Virus Zika et transfusion : rien à dire ?

Sommes-nous trop bêtes pour avoir droit à quelques informations sur le lien possible entre virus ZIKA et transfusion sanguine, et surtout pour pouvoir d'entendre ce qui est fait par nos agences publiques en charge de ce secteur, surement très actives à la manoeuvre la dessus ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Curieusement, dans notre pays, il n’y a pas un mot « public » sur l’impact possible du virus ZIKA sur les produits sanguins.

Ni les communiqués de presse de la Ministre de la santé, ni l’article de ce week-end dans le journal Le Monde titrant en première page « Zika : l’épidémie se propage de manière explosive »…

Sur le site de l’Etablissement Français du Sang, opérateur public unique de la transfusion, le terme ZIKA dans le moteur de recherche ne donne aucun résultat.

On sait bien que ce que les moustiques développent et transmettent se superpose en partie avec ce que des prélèvements de sang peuvent porter : Paludisme, Dengue, etc…

Et pourtant, soyons certains que nos institutions y travaillent très activement, qu’il s’agisse de l’EFS, de la nouvelle agence Santé Publique France qui remplace l’InVS ou d’autres. Mais alors, pourquoi ce secret, cette ignorance dans laquelle doit être laissée le « citoyen », ce « benêt » qui ne peut pas comprendre et à qui il ne faut surtout pas faire peur… ou plutôt pour être sur qu’il ne pose pas de questions ?

Rapprochons ça de cette culture hexagonale dominante qui veut que l’on ne parle de rien, que tout doit être filtré par des experts en communication pour lesquels « éléments de langage » signifie surtout « en dire le moins possible ». C’est ainsi que le moindre problème à résoudre fini souvent  en crise politique et médiatique majeure, là où les autres pays, nos voisins, confrontés aux mêmes problèmes sanitaires n’en subissent souvent pas les mêmes conséquences sociétales.

Car quand on cache, c’est qu’on a quelque chose à cacher ! Et en particulier ce simple constat, « nous ne savons pas encore tout mais nous y travaillons ». Car oui, bien sur, même nos plus grands esprits ne savent pas tout d’emblée.

Et pourtant, nous les français sommes en Europe ceux qui avons probablement le plus à dire et le plus d’expérience sur Zika : collaboration avec les services de santé de Polynésie où l’épidémie sévit depuis plus d’un an déjà, épidémie maintenant sur notre territoire Français, en Guyane et aux Antilles Françaises.

Du côté de l'OMS aussi, pas grand chose sur l'impact transfusionnel possible. On trouve un petit chapitre sur le site de WPRO (le bureau régional de l’OMS pour le pacifique)… mais pas beaucoup plus.

Le Canada est l’un des premiers à tirer officiellement et publiquement la sonnette d’alarme pour la transfusion, par la voix de la Ministre de la Santé et de sa responsable pour la transfusion :

 "CTVNews.ca, Published Thursday, January 28, 2016 : « In light of growing international concern about the threat of the spreading Zika virus, Canada’s health minister says she expects blood donation agencies to consider changes to their policies. Health Minister Jane Philpott told reporters in Ottawa Thursday, that she is in discussions with Hema-Quebec and Canadian Blood Services about “whether they need to make some changes.”

Dr. Dana Devine, Chief Medical and Scientific Officer for Canadian Blood Services, says her agency is already considering steps to ensure the virus doesn’t enter Canada’s blood supply."

L’agence canadienne va ainsi refuser les voyageur revenant de zone infectées (http://www.huffingtonpost.ca/2016/01/28/canadian-blood-services-to-defer-donations-from-travellers-to-zika-endemic-areas_n_9101920.html). Ca ne va pas être si facile à définir en période d’explosion épidémique. Et puis faut-il « taper large » en excluant des pays entiers ou seulement des zones précises dans certains pays ? Par exemple, pour la France, il n’y a pas d’homogénéité du risque sur tout le territoire : Océan Indien, France continentale, ou Caraïbes… Il faut ensuite définir la période d’exclusion, basée sur une « période d’infection possible », en clair combien de temps le virus reste t-il dans le sang ?

Une autre action possible est celle de tester tous les dons pour la recherche du virus. Mais la directrice de l’agence canadienne nous dit qu’elle n’a pour l’instant aucune moyen de tester la présence du virus Zika dans le sang : « Devine said the agency currently has no way to test for the presence of the Zika virus in blood »

Pourtant les outils utilisés aujourd’hui pour détecter le matériel génétique viral directement sont applicables au virus ZIKA semble t'il. Ainsi dans la revue Eurosurveillance, en 2014, des auteurs montrent que 3% des donneurs ont été testés positifs au virus ZIKA, bien qu’asymptomatiques au moment du prélèvement (Musso D, Nhan T, Robin E, Roche C, Bierlaire D, Zisou K, Shan Yan A, Cao-Lormeau VM, Broult J. Potential for Zika virus transmission through blood transfusion demonstrated during an outbreak in French Polynesia, November 2013 to February 2014 . Euro Surveill. 2014;19(14):pii=20761).

Les auteurs recommandent un test systématique des donneurs à la recherche de matériel génétique viral, ce qui est fait en routine en France pour le VIH, les Hépatites… et d’autres de temps en temps. Est-ce envisagé pour ZIKA et sinon pourquoi, est-ce inutile ou y a t’il des obstacles spécifiques ?

Enfin, une autre approche est possible, comme ça a été le cas pour le Chikungunya ou la Dengue : inactiver les produits sanguins en les traitant chimiquement ou physiquement. Mais ça n’a de sens que pour les plaquettes et le plasma, pas pour les globules rouges, trop fragiles. Est-ce envisagé pour le virus ZIKA ?

Bref, on aimerait savoir…

La Ministre de la Santé lance une grande consultation publique sur la santé avec les citoyens dans quelques jours. Comment faire pour que les citoyens soient considérés comme digne de recevoir de l’information sur ce qui les concerne, pas seulement dans l’urgence des crises médiatiques et des tribunaux ?

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