Selon un récent rapport Oxfam septembre 2015 de l’organisation internationale de développement OXFAM, près d’un quart de la population de l’Union européenne, soit 123 millions de personnes, serait au bord de sombrer dans la pauvreté et l’exclusion sociale. 50 millions manquent d’argent pour couvrir leurs frais de chauffage et faire face à un imprévu.
L’organisation donne dans ce rapport ses recommandations aux dirigeants et fonctionnaires de l’UE pour corriger cette tendance à l’aggravation de la pauvreté en Europe. Ces recommandations sont réparties en 4 grands groupes : 1. Renforcer la démocratie institutionnelle ; 2. Réinvestir dans les services publics ; 3. Garantir un travail et des salaires décents ; 4. (Etablir une) Justice fiscale.
Tout cela parait évident à tous ceux qui sont sensibles à l’idée d’une plus juste répartition des richesses pour garantir à chacun une vie digne et décente. Mais si l’on analyse les recommandations d’Oxfam, on ne peut que conclure qu’elles sont incompatibles, voire diamétralement opposées, avec la logique ultralibérale qui domine à présent notre monde. Depuis plusieurs décennies et jusqu’à l’effondrement complet de ce système.
Cette situation décrite dans le rapport d’Oxfam est d’autant plus inquiétante qu’elle ne peut plus désormais que s’élargir et s’aggraver.
Outre une concurrence internationale de plus en plus féroce, qui a déjà détruit des millions d’emplois industriels en quelques décennies, nous subissons la logique libérale de la course au profit maximal et sans limite, imposée par la cupidité insatiable des plus gros créanciers et de leur armée d’actionnaires avides. Une armée composée de gros actionnaires, mais aussi et surtout d’une myriade de petits actionnaires, dont beaucoup d’entre nous font partie, que nous le voulions ou non.
Cette course effrénée aux profits, encouragée par des fiscalités complaisantes à l’intérieur même de l’Union européenne, conduit à toujours plus de concentration et de fusion d’entreprises au nom de la nécessité d’unir leurs forces et leurs moyens pour réaliser des économies d’échelle et augmenter encore les dividendes à reverser aux actionnaires.
La première source de ces économies d’échelle provient des réductions de la masse salariale globale. Chaque fusion ou absorption amène comme chacun le sait son lot de suppression de postes redondants. Dans tous les domaines. Administration. Logistique. Fabrication. Recherche et développement...
La deuxième source réside dans la capacité de la nouvelle entité d’augmenter sa force de négociation avec ses fournisseurs. Elle aussi va avoir un impact sur tous les soutraitants et autres prestataires de services, qui à leur tour devront réduire leur masse salariale pour absorber les baisses de marges ainsi imposées.
La mécanique même de l’économie ultralibérale qui régie les échanges économiques est source de nouvelles vagues de destructions d’emploi dans les années à venir. À quoi s’ajoute l’amélioration des techniques de fabrication (automatisation, robotisation...) qui rendent toujours plus d’emplois manuels mais aussi « intellectuels » inutiles.
Tout cela contribue déjà au développement d’une population privée de toute source de revenus ou presque.
Comme si cela ne suffisait pas, les tenants du système ultralibéral, qui ne sont jamais à court d’imagination, sont en train de nous attirer dans un redoutable piège. Piège que nous participons à construire nous mêmes.
Au nom des principes du libéralisme et avec la promesse d’une juste rémunération du travail, par opposition à l’assistanat dans lequel se complairaient tant de « profiteurs », notre gouvernement socialiste, Emmanuel Macron en tête, nous invite à céder aux mirages de l’auto-entreprise. Des secteurs entiers, jusque-là protégés, vont être livrés à cette redoutable mécanique de la concurrence sauvage. Chauffeurs de taxi, notaires, transports par cars...
Profitant de la tendance du moment, les syndicats patronaux et professionnels déclarent la guerre aux charges sociales et aux différentes réglementations du travail. Les deux principales revendications se résumant à la réduction (voire la suppression) des charges patronales et à l’assouplissement (voire la suppression) des procédures de licenciement.
La première conséquence qui nous vient à l’esprit est l’augmentation brutale des licenciements dans un premier temps et la précarisation des emplois et donc des revenus dans un second temps.
Elle suffit à nous faire penser que le nombre de pauvres ne pourra qu’augmenter inexorablement.
Mais il est une autre conséquence de cette réduction des charges patronales, dont on voudrait nous faire croire qu’elle sera source de compétitivité et donc de création d’emplois.
En réalité, cette baisse de charges est une véritable bombe à retardement qui en explosant va accroitre et accélérer la précarité et la pauvreté d’un nombre considérable d’européens. De 25% aujourd’hui, nous allons passer à 30, 40, 50%, jusqu’à atteindre des sommets auxquels nos pires cauchemars ne nous ont pas préparés.
En effet, les charges patronales, tout comme des prélèvements sociaux sur salaire, sont des revenus différés. Qui permettent à un salarié privé d’emploi de ne pas sombrer su jour au lendemain dans la misère. Qui permettent à une personne malade de percevoir une rémunération compensatoire en cas de maladie. Qui permette à un retraité de vivre décemment et dignement après une longue vie professionnelle.
Si ce revenu différé disparaissait en grande partie, alors les salariés et travailleurs non salariés seraient destinés à passer la totalité de leurs vies en situation de précarité.
Lorsque les rémunérations moyennes permettent difficilement d’envisager la moindre épargne pour ceux qui ont la chance de travailler sans interruption, on voit mal comment des personnes soumises à des périodes régulières d’inactivité pourraient échapper à la précarité chronique.