Depuis 1996, les États européens sont contraints d’ouvrir aux entreprises privées tous les marchés de services publics, jusque là sous monopole d’État. La poste et les télécommunications, la fourniture de gaz et d’électricité, les transports par rails, les sociétés d’autoroute, la distribution du tabac, les sociétés de jeux de hasard et de paris…
L’objectif annoncé de ce processus étant de créer une concurrence libre et non faussée entre opérateurs, dont l’impact escompté était l’amélioration de la qualité du service et la baisse concomitante des tarifs. Pour le plus grand bénéfice des consommateurs européens.
Pour rassurer les défenseurs d’un service public sous contrôle de l’État, les instances européennes ont encadré ce processus de libéralisation par une autorité de régulation, chargée de veiller au bon fonctionnement de ces secteurs libéralisés et au maintien d’une obligation de services publics.
Pour ce faire, il a été défini la notion suivante de service universel :
Service minimum donné, dont la qualité est spécifiée, accessible à tout utilisateur et d’un prix acceptable.
Ce que la loi ne précise pas, c’est ce qu’elle entend par « prix acceptable ». Et pour cause ! Choisir des critères pour définir ce qu’est un prix acceptable reviendrait à forcer les entreprises privées à renoncer, pour partie au moins, à leur objectif premier : la recherche du profit maximal. Dans une économie exsangue, affaiblie par un chômage croissant et une compression des salaires, il vaut mieux laisser aux États le rôle de bon samaritain.
Dans sa grande générosité… envers les entreprises privées, la Commission européenne a prévu d’autoriser les États à verser des compensations aux entreprises publiques et privées au titre de cette obligation de service public. Une obligation peu contraignante donc, puisqu’elle n’exige pas des entreprises impliquées de rogner sur leurs bénéfices.
À l’inverse, la CE exerce une surveillance particulière pour assurer que ces compensations ne servent pas à « surfinancer » des services d’intérêt général, conduisant ainsi à fausser la concurrence, au détriment des entreprises privées.
Traduit dans les faits, cela aboutit mécaniquement à ce que les entreprises privées se réservent les marchés à marge minimum garantie. En conséquence, elles se désengagent partout où l’activité n’est pas assez rentable. Zones peu peuplées, populations trop pauvres pour payer le juste prix… L’État assurant alors, seul, les services à ces citoyens de seconde zone. À n’en pas douter, la part réservée à l’État s’accroitra au fil du temps et ne pourra donc que creuser un peu plus le déficit. En théorie, du moins.
Par « chance », les instances européennes imposent aux États une cure d’austérité drastique, qui les oblige à suivre le mouvement du « tout profitable »… et leur donne un bon prétexte pour se désengager à leur tour partout où la rentabilité d’un service n’est plus garantie.
En conséquence, même les entreprises à forte participation publique se sont mises à supprimer toutes les prestations jugées non ou trop peu rentables. Conduisant à la fermeture de bureaux de poste dans les villages, de maternités, d’écoles, de lignes de trains…