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Billet de blog 17 décembre 2015

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UNION EUROPEENNE ULTRALIBERALE : UN PUISSANT LEVIER AU SERVICE DES LOBBIES !

Pourquoi l’Union européenne ultralibérale plait-elle tant à ses principaux pourvoyeurs de fonds et aux puissants lobbies financiers et industriels ? Quelle différence fondamentale y a t’il entre lobbying et corruption ? Ou comment le lobbying détruit la démocratie !

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A priori, si l’on se fie au dicton populaire, le regroupement des États européens au sein d’une union économique et monétaire aurait dû faire la force de chacun d’eux. Alors, comment expliquer la situation dramatique que connaissent aujourd’hui la plupart des pays européens ?

La réponse se trouve, en partie, dans la manière dont l’Union européenne s’est construite et dans le rôle joué par les institutions introduites à partir de 1944 par les États-Unis (Banque mondiale, FMI, OMC). À vrai dire, ces trois institutions n’ont été que des « juges de paix » devant lesquels les politiques et les experts économiques s’inclinent volontiers, se dédouanant ainsi de toute responsabilité personnelle. En réalité, il faut en chercher les raisons ailleurs.

La première d’entre elles est la puissance des lobbies et leur omniprésence dans les plus hautes sphères de décision des instances européennes. 

Définitions européennes (*)

(*http://europa.eu/legislation_summaries/institutional_affairs/decisionmaking_process/ai0003_fr.htm)

Lobbying ou Représentation des intérêts : toutes les activités qui visent à influer sur l’élaboration des politiques et les processus décisionnels des institutions européennes.

Lobbyistes ou Représentants d’intérêts : personnes menant des activités de lobbying et travaillant dans des organisations telles que des cabinets de consultants spécialisés, des cabinets d’avocats, des ONG, des cercles de réflexion ou des groupes professionnels.

Même si le lobbying est soumis à un code de conduite (**) censé assurer la transparence de leurs actions et le respect des règles définies par les Commissions européennes, il est difficile de croire à son caractère démocratique puisque l’impact de chaque groupement d’intérêts dépend directement de sa puissance financière. Une entreprise ou un groupe d’entreprises multinationales auront toujours plus de pouvoir qu’un simple groupement de citoyens ou de petits exploitants. 

(**Source : http://ec.europa.eu/transparencyregister/info/about-register/codeOfConduct.do?locale=fr)

Selon LobbyFacts.eu(***), dix entreprises internationales, dont quatre géants américains, ont consacré à elles seules au lobbying auprès de l’Union européenne plus de 39 millions d’euros par an. Philip Morris International, Exxon Mobil Petroleum & Chemical, Microsoft, Shell Companies, Siemens, GDF SUEZ, General Electric Company, Huawei Technologies, Bayer, et Telekom Austria Group.

(***http://www.lobbyfacts.eu/news/25-09-2014/hard-facts-europes-biggest-lobbyists-revealed-first-time)

Outre l’iniquité induite par les différences de moyens financiers entre les représentants d’intérêts financiers et les représentants d’intérêts des citoyens, le fonctionnement même de la rédaction des lois et de leur vote par les députés remet en cause le principe démocratique.

Certes, les lois européennes sont votées par l’Assemblée des eurodéputés, élue au suffrage universel direct, mais la composition de nombreuses lois, jusqu’à la rédaction précise et pointue de chaque article, sont l’œuvre de cabinets de juristes payés par des intérêts industriels et financiers privés.

Plusieurs associations citoyennes se sont lancées dans une étude comparative entre les projets de loi de départ, les amendements proposés par les lobbies, et les versions finalement votées de ces lois. Parmi ces sites de vigilance citoyenne, LobbyPlag présente de nombreux exemples flagrants de simples copiés/collés(****).

(****http://lobbyplag.eu/search?q=amendment)

Bien évidemment, les amendements ne sont pas proposés directement par les clients des agences de lobbying. La méthode est beaucoup plus subtile. Un groupement d’intérêts va confier à une agence le texte de loi complet qu’elle souhaite voir voter. L’agence, par le biais de ses collaborateurs, va approcher plusieurs eurodéputés et soumettre à chacun d’eux un morceau de cette loi. Plus précisément une proposition d’amendement d’un des nombreux articles de cette loi. Au final, la somme des amendements va transformer la proposition de loi de la Commission ad hoc en une loi « sur mesures » au service des intérêts d’une multinationale ou d’un secteur d’activité particulier. Ces lois ont, de plus, été soigneusement ciselées au préalable par des cabinets d’avocats et de juristes spécialisés dans le droit européen et le droit international, là encore payés par les grandes firmes internationales. 

Pour leur défense, les eurodéputés pris la main dans le sac prétextent leur ignorance dans de nombreux domaines très techniques, qui les contraindrait à se fier aux indications des professionnels pour statuer sur une loi. Dans ce cas, prennent-ils le soin, par honnêteté intellectuelle et par respect pour leurs électeurs, de prendre conseil auprès des organisations de défense citoyenne pour se faire une opinion moins partiale et biaisée ?

À en juger par les recherches du site LobbyPlag, on peut sérieusement en douter. Leur étude de la pratique des copiés/collés leur a permis d’établir un classement des députés qui présentent le plus d’amendements calqués sur les propositions de ces groupements d’intérêts privés. Cette pratique ne se limite d’ailleurs pas à l’Assemblée européenne. Elle a aussi largement cours en France, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Dans ces conditions, on est en droit de poser cette question : quelle différence fondamentale y a-t-il entre lobbying et corruption ?

Sans même parler de corruption financière par le biais de petits cadeaux (pas nécessairement petits d’ailleurs), il me semble évident qu’une pression exercée sur les membres d’une Assemblée législative, surtout en cas de déséquilibre des forces en présence, est aussi nuisible à l’équité des lois que ne le serait la présence de représentants de la partie civile ou de la défense dans la salle des délibérés d’un tribunal. 

Une autre raison peut expliquer la perte d’indépendance des membres de l’Union européenne vis-à-vis de ses créanciers : la dictature des agences de notations. 

Les agences américaines Standard & Poor’s et Moody’s représentent à elles seules 87 % de l’activité mondiale de notation(*****). Avec l’agence Fitch Rating, détenue à 50 % par le groupe holding français Fimalac et à 50 % par le groupe média américain Hearst Corporation, on atteint près de 97 % de l’activité mondiale de notation. On sait aujourd’hui l’impact des dégradations de la note d’un État sur le marché financier mondial et par extension sur les politiques d’austérité imposées aux populations européennes par leurs gouvernements respectifs.

(*****Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Agence_de_notation)

Comment peut-on encore parler de démocratie européenne quand les politiques économiques et sociales de chaque membre de l’Union européenne sont soumises, non plus aux choix des électeurs, mais aux exigences de bonne gestion imposées en coulisse par les bailleurs de fonds des États ? Si la démocratie repose sur le principe de « un homme, une voix », chaque voix étant censée avoir le même poids dans l’urne, peut-on encore parler de démocratie lorsque des entreprises sont autorisées à faire du lobbying auprès des élus du peuple, avec des équipes d’experts grassement payés et dont le poids est fonction de la capacité financière des entreprises qui financent ces groupes de pression ? Quelle est la force d’influence laissée aux simples citoyens ?

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