Yves Delègue

Abonné·e de Mediapart

3 Billets

0 Édition

Billet de blog 11 mars 2018

Yves Delègue

Abonné·e de Mediapart

Démocratisme, souverainisme, populisme

Yves Delègue

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De nos jours,la démocratie est partout, c'est-à-dire nulle part. Même les pays sous tutelle dictatoriale se disent démocratiques, au moins dans leur intitulé. N'est-il pas vrai que les tyrans veulent faire le bien de leur peuple ? À croire que "la" démocratie n'est qu'un de ces universaux dont autrefois les philosophes nominalistes disaient avec raison qu'ils ne sont qu'un mot, un concept vide de réalité.

Démocratisme, souverainisme, populisme

De nos jours, la démocratie est partout, c'est-à-dire nulle part. Même les pays sous tutelle dictatotiale se disent parfois démocratiques, au moins dans leur intitulé. N'est-il pas vrai que les tyrans veulent faire le bien de leur peuple ? On peut donc dire que « la » démocratie n'est qu'un de ces universaux dont autrefois les philosophes nominalistes disaient avec raison qu'ils ne sont qu'un mot, un concept vide de réalité. Nous croyons que sa forme élective dans nos pays occidentaux en est le modèle idéal, et nous avons l’arrogance de vouloir l'importer, l'imposer partout ailleurs. Cet habillage populaire (un vote tous les quatre ou cinq ans qui confisque en réalité au « peuple » le pouvoir qui lui est dévolu en droit) convient tout à fait aux vrais puissants pour manipuler aisément les esprits et servir leurs intérêts financiers, économiques ou politiques. C’est ainsi que les démocraties sont devenues une forme rusée, hypocrite, du totalitarisme : on fabrique de toutes pièces l’opinion à laquelle on demande ensuite au peuple de l’exprimer « librement  ».

Ce leurre « participatif » (c'est le mot à la mode) devrait s'appeler « démocratisme », lequel, devenu de moins en moins crédible, suscite contre lui deux autres leurres aux têtes tantôt contraires, tantôt conjointes, le « souverainisme » et le « populisme ». Le premier pourrait revendiquer le patronage à Rousseau, qui appelait le peuple le nouveau « souverain » ; mais aujourd'hui, loin de s'inscrire dans le dessein universaliste du philosophe, cette mouvance politique, réduit son champ aux bornes purifiées d'une ethnie ou d'une province et fait croire que, nourris de leurs propres racines, ces micro-peuples exerceraient enfin leur pouvoir sur eux-mêmes et contre les autres implicitement. De son côté le populisme, « concept insaisissable », nébuleux (voir l'article de Joseph Confavreux) prétend exprimer la volonté supposée du « peuple » et satifaire ses désirs réprimés. Mais ce « peuple » n'existe nulle part. On ne trouve partout que des « populations », elles-mêmes divisées en de multiples fractions aux intérêts contraires.

La démocratie n'existe pas, elle est une utopie à réinventer sans cesse. Montesquieu, son premier théoricien, n'avait certes pas tort de placer la vertu en son cœur. Mais celle-ci ne s'exerce pas si elle n'est pas éclairée par la connaissance et l'analyse de la réalité. Il n’y a pas de démocratie (ni de vertu démocratique) dans un peuple analphabète, et les nôtres sont de plus en plus dans ce cas ; l’afflux d’informations (notre fameuse « société de la communication ») est la forme la plus subtile de la désinformation : l'afflux des nouvelles tue la nouvelle, et l’on vit dans un univers de faits divers, qui se chassent et s'excluent journellement l'un l'autre. Résultat : la mémoire et l'intelligence civiques sont complètement étouffées, étoupées. Mais c'est là un autre débat

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.