Lucien Bonnafé – 1912 – 2003
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Ce 16 mars cela fera 20 ans que Lucien Bonnafé nous a quitté, pour ne pas oublier je re/publie ce remarquable entretien :
Lucien Bonnafé, L'esprit du secteur
(entretien réalisé par Catherine Talbot-Lengellé paru dans le numéro 51 de Santé Mentale, octobre 2000)
Le secteur psychiatrique n'a rien à voir avec les pôles, ni même avec le miraculeux virage ambulatoire à bâtir sur les ruines d'un secteur psychiatrique détruit par ceux qui en avaient la responsabilité. Soigner les gens au plus près de chez eux, avec ceux qui leur sont proches. Lucien Bonnafé qui fut un des concepteurs du secteur nous raconte cet esprit si particulier.
Pour nombre d'équipes soignantes, le secteur de psychiatrie n'est qu'un découpage géographique...
Rien à voir avec l'esprit qui animait ses fondateurs au nombre desquels le psychiatre : Lucien Bonnafé.
- Vous avez participé à l'émergence du concept de secteur psychiatrique, comment celui-ci est-il né ??
Dans la salle de garde de Sainte-Anne des années trente, il y avait tout un groupe d'internes rebelles à la psychiatrie "officielle" dont un certain nombre sont devenus très célèbres : Jacques Lacan, Henry Ey, Louis le Guillant, Pierre Male, Pierre Mareschal... Ce groupe de copains se moquait de la stupidité traditionaliste, réglementaire, et des notions de dégénérescence, de constitutionnalisme qui avaient alors cours dans l'idéologie dominante. Ils ont ainsi rédigé le certificat d'internement du porte-parole de cette idéologie, apôtre de la dégénérescence, en définissant comme suit le symptôme qu'il présentait : "l'érection compensatrice de la queue du sourcil". Cette définition, que l'on attribue à tort à Jacques Lacan, appartient en réalité à Pierre Mareschal, qui était un prince de l'humour.
Cette idéologie, contre laquelle leur génération puis la nôtre par la suite ont imaginé de faire respecter les droits de l'homme et du citoyen, se traduisait notamment par ce que nous appelions la psychiatrie d'écrémage. Il y avait toujours des psychiatres plus ou moins savants, prétentieux, etc., qui voulaient s'occuper des malades "intéressants" - les "petits mentaux"-, et renvoyaient les autres, le rebut à l'asile.
Cette psychiatrie d'écrémage avait un côté très réactionnaire dans l'ensemble. Edouard Toulouse, le fondateur de l'hôpital Henri Rousselle, à Sainte Anne, un homme pourtant marqué à gauche, un franc-maçon, a pourtant été l'un de ses porte-parole. Il était en effet partisan de la sélection des malades dont la société peut attendre un profit, étant entendu qu'il suffisait d'assister congrûment" ceux dont elle ne saurait espérer aucun profit.
http://www.serpsy1.com/pages/histoire-du-soin-en-psy/l-esprit-du-secteur-lucien-bonnafe.html
Ce que nous disait Lucien Bonnafé ... - Santé Mentale (original)
https://www.santementale.fr/2012/03/hommage-a-lucien-bonnafe/