Yves Guéchi (avatar)

Yves Guéchi

Auteur, Formateur, Ingénieur

Abonné·e de Mediapart

8 Billets

0 Édition

Billet de blog 20 juillet 2025

Yves Guéchi (avatar)

Yves Guéchi

Auteur, Formateur, Ingénieur

Abonné·e de Mediapart

Éric Michoux, député UDR proche du RN : la critique dérange-t-elle tant que cela ?

Yves Guéchi (avatar)

Yves Guéchi

Auteur, Formateur, Ingénieur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Photo d'illustration réalisée par l'IA © Yves Guéchi

Il est des temps où la liberté de parole semble plus menacée non pas par une censure officielle ou par des lois répressives, mais par l’intimidation feutrée, les pressions informelles, les menaces déguisées. Nous ne vivons pas sous une dictature. Du moins, pas encore. Pourtant, lorsque la critique politique devient source d’accusations de harcèlement, il est légitime de se demander ce que vaut encore notre démocratie.

Éric Michoux, élu député de la 4e circonscription de Saône-et-Loire sous l’étiquette UDR — mouvement politique dont la proximité idéologique avec le Rassemblement National ne fait guère de doute — a récemment franchi une ligne rouge en tentant de faire taire, non pas des opposants violents, ni même des manifestants bruyants, mais un simple blogueur. Moi. Depuis plusieurs mois, je publie librement mes réflexions, mes analyses, mes prises de position sur mon blog personnel, mais aussi sur la plateforme participative Médiapart. Ces publications s’inscrivent pleinement dans l’exercice normal de la liberté d’expression politique.

Or, voilà que je reçois un message privé pour le moins troublant, signé non pas d’Éric Michoux lui-même — ce qui aurait au moins eu le mérite d’une confrontation ouverte — mais de l’une de ses proches. Le ton est menaçant, la formulation insidieuse : « Bonsoir, j’ai été informée que tu harcèlerais des membres de ma famille, notamment Éric Michoux et d’autres. Je te demande d’arrêter immédiatement, sans quoi je n’hésiterai pas à les encourager à déposer une plainte pour harcèlement. »

La tentative est claire : faire peur, faire taire. Mais c’est mal me connaître.

Car qu’est-ce que ce prétendu harcèlement ? Aucune menace, aucun appel à la violence, aucune atteinte à la vie privée. Rien d’illégal. Rien d’immoral. Juste des articles, des critiques, des arguments, des faits. En somme, l’expression démocratique dans ce qu’elle a de plus noble et de plus essentiel : interroger le pouvoir, remettre en cause les discours dominants, proposer une lecture alternative à celle des élus en place. Si cela est désormais qualifié de harcèlement, alors que reste-t-il de la liberté de la presse, de la liberté d’opinion, de la liberté d’expression ?

Éric Michoux ne supporte visiblement pas d’être questionné. Il préférerait sans doute évoluer dans une sphère politique aseptisée, où l’élu s’entoure de partisans dociles, où la contradiction est muselée, où les journalistes se contentent de relayer les communiqués officiels. Mais cela ne se passera pas ainsi. Pas tant qu’il y aura des voix pour rappeler que le rôle d’un élu n’est pas d’échapper à la critique, mais de l’affronter. Pas tant qu’il restera des citoyens engagés pour dénoncer les dérives autoritaires, même les plus subtiles.

Le message qui m’a été adressé n’est pas anodin. Il s’inscrit dans une stratégie plus vaste de déstabilisation. Il vise à renverser les rôles : faire passer celui qui interroge pour celui qui agresse, celui qui critique pour celui qui harcèle. C’est une vieille ficelle politique, bien connue des régimes peu démocratiques : inverser les responsabilités, criminaliser la contestation. Cela ne fonctionnera pas.

Je le redis haut et fort : je ne harcèle personne. Je questionne, j’écris, j’analyse, j’alerte. Mon engagement politique est public, mes arguments sont sourcés, mes prises de position sont assumées. Si Éric Michoux considère mes propos comme infondés ou diffamatoires, qu’il m’assigne en justice. Qu’il vienne défendre ses idées à visage découvert, devant un tribunal ou, mieux encore, dans un débat public. Je suis prêt.

Mais qu’il cesse de se cacher derrière des proches pour envoyer des messages intimidants. Qu’il accepte enfin que la critique fait partie du jeu démocratique. Que lorsqu’on se présente devant les électeurs, on s’expose à être interrogé, bousculé, contesté. Être élu ne confère aucun droit à l’immunité morale. C’est une fonction au service du peuple, pas un statut de divinité intouchable.

Le plus inquiétant dans cette affaire, ce n’est pas le message lui-même. Ce sont les implications plus larges. Si chaque blogueur, chaque lanceur d’alerte, chaque citoyen engagé doit désormais craindre une plainte pour harcèlement dès qu’il critique un élu, alors nous sommes à la veille d’une société bâillonnée. Une société où la peur dicte le silence, où l’autocensure remplace la parole libre.

Ce qui est en jeu ici dépasse ma modeste personne. Il s’agit de défendre un principe fondamental : la critique politique n’est pas un délit, c’est un droit. Et même plus encore, c’est un devoir citoyen. Dans une époque où les fake news circulent plus vite que les faits, où la propagande s’infiltre jusque dans les discours officiels, nous avons besoin de voix indépendantes. De contre-pouvoirs. De sentinelles.

Le rôle d’un blogueur, même modeste, n’est pas de plaire, mais de dire. De documenter, de révéler, de questionner. Et parfois, cela dérange. Tant mieux. C’est le signe que le message touche juste.

Je ne suis ni un provocateur gratuit, ni un agitateur sans cause. Mes critiques à l’égard d’Éric Michoux reposent sur des faits, des déclarations, des choix politiques, des votes, des postures publiques. Ce sont ces éléments que j’analyse, que je commente, que je déconstruis parfois. Si cela est insupportable pour lui, peut-être devrait-il reconsidérer sa conception du mandat électif.

La démocratie ne se résume pas à déposer un bulletin dans une urne tous les cinq ans. Elle se vit au quotidien, dans les discussions, dans les luttes, dans les interpellations publiques. Elle suppose un espace public vivant, conflictuel, bruyant parfois. Et c’est très bien ainsi. Une démocratie qui n’accepte plus la dissension n’est plus qu’une façade.

Je ne céderai pas à la peur. Je poursuivrai mon travail de blogueur, avec la même rigueur, la même exigence, la même liberté. Et si demain une plainte devait être déposée, je l’assumerai. Car je sais que la justice ne saurait confondre un billet d’opinion avec une menace. Une analyse politique avec une agression.

Mais je veux aussi appeler mes lecteurs, mes concitoyens, à la vigilance. Car ce qui m’arrive aujourd’hui pourrait arriver demain à d’autres. À vous. À ceux qui s’expriment, qui critiquent, qui proposent un autre regard sur le monde. Il est de notre devoir collectif de défendre les libertés fondamentales, de refuser les intimidations, de dénoncer les tentatives de musellement.

Le silence est complice. La parole est résistance.

À Éric Michoux, je n’adresse pas d’insulte. Pas même une invective. Juste une invitation : débattez. Répondez. Justifiez. Montrez-vous. Assumez vos idées. Et cessez de faire porter à vos proches le poids de vos agacements.

Et à ceux qui, dans l’ombre, orchestrent ces tentatives d’intimidation, je dis simplement : vous perdez votre temps. Car la vérité, elle, ne se fera jamais taire.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.