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Billet de blog 26 mars 2013

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Le nouveau sport national auquel personne n’a encore gagné le gros lot: trouver dans les rayons des grandes surfaces un téléviseur, une cafetière, un mixer, un ordinateur ou un article textile fabriqué en France, ou même en Europe. Difficile d’imaginer le nombre d’emplois industriels disparus à jamais dans l’hexagone depuis le début de la mondialisation à outrance, parallèle au développement de la grande distribution, dont l’objectif hypocritement proclamé d’obtenir des prix plus bas pour leurs clients cache une cupidité sans pareille: réaliser des marges de plus en plus confortables dans les meilleurs délais.Voici un extrait de l’ouvrage d’Alain Peyrefitte, « La Chine s’est éveillée», écrit en 1996:Dans l'avion Paris-Pékin, j'avais longuement bavardé avec le patron d'une petite entreprise (Klein, 200 salariés à la Plaine-Saint-Denis). Ensuite, avec le directeur commercial d'une grosse entreprise de verrerie, La Cristallerie d'Arques, J.-G. Durand et Cie ( 11 000 ouvriers). Le premier, Jean-Pierre Ulmann, équipementier ferroviaire, fabrique des fenêtres de wagons de chemin de fer (et accessoirement des tourniquets pour supermarchés). Les Chinois les lui achètent, faute de posséder le secret de fabrication. Leurs tourniquets se coincent ; leurs fenêtres, se dilatant avec la chaleur et se contractant avec le froid, ne s'ouvrent pas l'été et ne se ferment pas l'hiver... Ils souhaitent donc un transfert de technologie. Ce patron aux traits énergiques, cheveux blancs en brosse, est disposé à faire une joint-venture. Seulement, ses interlocuteurs voudraient l'obliger à en faire six, puisque l'unique société d’Etat de naguère s’est fractionnée en entreprises complètement autonomes. Il n'a pas les moyens d’investir six fois. Il va essayer de négocier pour trouver une formule. Il ne voudrait pas renoncer. Il sait qu’il est voué à la récession et au débauchage dans l'hexagone, s'il ne parvient pas à exporter dans ces « pays nouvellement industrialisés , dont la Chine est le noyau et maintenant le modèle. Benjamin Leblond, « export-manager », directeur de la cristallerie, monte aussi une «J.V. ». Aucune hésitation sur l'intérêt immédiat de sa firme. Toutefois, le transfert de technologie permettra aux Chinois, dans quelques années, non seulement de se passer de leur partenaire occidental, mais de le supplanter dans tout l'Extrême-Orient, en exportant les mêmes produits moins cher et à moindre frais. N'est-ce pas l'accomplissement de la sinistre prophétie de Lénine, tant de fois citée « Les capitalistes sont si aveugles, qu'ils nous vendront jusqu'à la corde pour les pendre. » « Entre-temps, me répond-il, nous aurons progressé ; une nouvelle technologie remplacera celle que nous leur aurons vendue »Septembre 1996.Dans l'avion du retour, je rencontre encore trois chefs d'entreprises. Tous sont satisfaits d'avoir conclu des accords de co-entreprise, l’un pour des feuilles en aluminium; l'autre pour du mobilier de bureau ; le troisième pour de l'ingénierie informatique. Je les taquine en leur citant la phrase fétiche de Lénine. Ne sont-ils pas en train de payer cher le droit de se faire étrangler ? Ils lèvent les bras en souriant. Bien sûr, une fois que leur partenaire chinois aura compris et appris les secrets de fabrication, il ne fera pas faute de copier parfaitement le même produit. Mais que faire d'autre ? « Nous ne pouvons rien contre la mondialisation ! Le phénomène planétaire, ça veut dire les vases communicants. Ça veut dire la concurrence à outrance. Si nous ne communiquons pas notre savoir-faire, d'autres communiqueront le leur, qui est voisin du nôtre, et nous aurons perdu sur tous les tableaux. Car nous n'empêcherons pas les Chinois de fabriquer aussi bien que les Occidentaux et beaucoup moins cher, donc de se passer d'abord de nous chez eux, puis de nous concurrencer victorieusement hors de chez eux. Et nous n’aurons rien tiré d'eux, alors que nous pouvons faire» d’importants bénéfices, qui nous permettent de consolider nos entreprises. Car les vases communicants, ça veut dire aussi que la Chine, avec ses 10 ou 12 % de croissance, nous permet de doper nos pauvres 1 à 2 %.Mais croyez-vous, avec ces bénéfices, répliquai-je, pouvoir embaucher des chômeurs chez vous ? Quand vous délocalisez votre entreprise, vous créez des emplois en Chine, non en France. ». Un geste vague, puis un long silence. Enfin cette réplique jaillit "Et moi, vous croyez que ça ne me fait pas mal au cœur, chaque fois que je vais en Chine et que Je reviens en France ? Là-bas, des zones industrielles qui s'équipent et se remplissent en quelques semaines, des chantiers partout. Et chez nous, des zones industrielles en friche, des queues devant les agences pour l'emploi, des clochards couchés sur les bouches de métro ?

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