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Billet de blog 10 décembre 2025

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le mot clef de la protection de l'enfance devient : le rendement

Les fonds dont arriver. Et ce sera pire pour tout le monde si nous ne faisons rien.

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Quel devient LE MOT-CLÉ de la protection de l'enfance ?

Quand la protection de l'enfance révèle notre modèle de société

Yves Laybourn — Groupe de Strasbourg — 10 Décembre 2025

Toutes les sociétés humaines organisent la prise en charge de leurs enfants. Mais la nôtre a introduit un principe inédit à une échelle historique : soumettre l'enfance au critère du rendement. Une analyse qui relie anthropologie, économie politique et protection de l'enfance pour comprendre : et agir.

STRUCTURE DE L'ARTICLE ET DU RAISONNEMENT

▸ LA THÈSE

Un seul mot relie l'évolution économique, la crise du travail social, l'explosion des placements et la privatisation : RENDEMENT. L'enfant n'est plus un sujet à protéger. Il devient un flux à gérer, un coût à optimiser, un actif facturable.

▸ LE RAISONNEMENT EN 4 TEMPS

  1. AVANT : les sociétés traditionnelles, l'enfant était une relation, jamais un coût (Polanyi, Sahlins)
  2. BASCULEMENT : modernité + capitalisme financiarisé + New Public Management = l'humain devient un rendement
  3. PREUVES : Angleterre (marges > 20 %, enfants appelés « gold bars ») + France (11 Mds €, ~397 000 mesures, TS débordés)
  4. SORTIE : 6 leviers concrets pour passer du rendement à la solidarité organisée

▸ L'ÉQUATION CENTRALE

Plus d'enfants vulnérables + moins de solidarité naturelle + plus de procédures = explosion des placements

▸ LES 10 SECTIONS

  1. Sociétés traditionnelles — 2. Modernité — 3. Capitalisme des flux — 4. Chiffres — 5. Angleterre
  2. L'humain-actif — 7. THX 1138/Biopouvoir — 8. France — 9. Tableau synthèse — 10. Les 6 leviers

▸ LA CONCLUSION

Ce n'est pas une réforme technique. C'est un choix civilisationnel : l'enfant est une relation, pas un coût. Nous sommes dans un modèle qui progresse par étapes, et dans lequel les humains sont des rendements pour des fonds géants. La solution est dans la solidarité et dans l'intelligence.

Introduction : un basculement civilisationnel

Karl Polanyi, dans La Grande Transformation (1944), expliquait que les sociétés traditionnelles reposaient sur trois piliers : réciprocité, redistribution et maisonnée. Jamais, à aucune époque, les enfants n'ont été traités comme des unités de coût, des flux à gérer ou des opportunités financières.

Pourtant, c'est ce que notre système moderne, financiarisé et bureaucratisé, commence à produire en France, et déjà ailleurs.

Le dénominateur commun entre évolution économique, capitalisme financier, surcharge des travailleurs sociaux, explosion des placements et privatisation progressive est clair : le rendement est devenu la logique organisatrice du social, de chaque système.

1. Ce que faisaient les sociétés traditionnelles

L'enfant était un sujet, jamais un flux

Dans 90 % des sociétés étudiées par l'anthropologie (Mead, Lévi-Strauss, Sahlins) :

Les enfants étaient élevés par 4 à 6 adultes référents réguliers : famille élargie, voisins, pairs, anciens.

Les placements n'existaient pas comme institutions : c'était la maisonnée élargie qui absorbait les crises.

Les décisions concernant l'enfant étaient délibérées collectivement.

La solidarité n'était pas un dispositif administratif, mais un système organique.

Dans la perspective de Marshall Sahlins (Stone Age Economics, 1972), l'enfant dans les sociétés humaines n'a jamais été un coût : il est une relation. Cette thèse traverse toute l'anthropologie économique.

Dans les sociétés traditionnelles océaniennes, l'enfant pouvait même être « circulé » entre familles, non par rupture, mais par continuité affective : l'inverse exact de notre logique de « rupture-protection ».

2. La modernité occidentale : de l'enfant-sujet à l'enfant-coût

L'économique prend le pas sur le social

Avec l'industrialisation (Weber, Elias), un basculement apparaît : la famille nucléaire remplace la famille élargie, l'État remplace le clan, l'enfant devient responsabilité individuelle, la pauvreté devient risque de placement, et la protection de l'enfance devient une administration gérant flux, stocks et mesures.

Chiffre clé : En 1950, 70 % des foyers européens vivaient en proximité avec la famille élargie. En 2025, moins de 8 %.

— Eurostat, Living conditions in Europe, 2024

Le système moderne se retrouve alors avec une équation inédite dans l'histoire :

Plus d'enfants vulnérables + moins de solidarité naturelle + plus de procédures = explosion des placements

3. Du capitalisme industriel au capitalisme des flux humains

Les marchandises fictives de Polanyi

Karl Polanyi identifiait trois « marchandises fictives » : le travail, la terre, la monnaie — des éléments qui ne sont pas produits pour être vendus, mais que le capitalisme transforme artificiellement en marchandises.

« Le travail n'est que l'autre nom de l'activité économique qui accompagne la vie elle-même. […] Aucun de ces trois éléments — travail, terre, monnaie — n'est produit pour la vente ; lorsqu'on les décrit comme des marchandises, c'est entièrement fictif. »

— Karl Polanyi, La Grande Transformation (1944), Gallimard, 1983, chap. 6

Quatre-vingts ans plus tard, une quatrième marchandise fictive s'est ajoutée : l'humain vulnérable. L'enfant placé, la personne âgée dépendante, le patient psychiatrique : des flux budgétaires garantis par l'impôt.

Du capitalisme de production au capitalisme de captation

David Graeber (Bullshit Jobs, 2018) l'a montré : nous sommes passés d'un capitalisme de production à un capitalisme de gestion des comportements humains.

Pour le dire dans l'esprit de David Harvey (A Brief History of Neoliberalism, 2005), le capital ne cherche plus seulement à produire : il cherche à capter et stabiliser des flux humains.

Thomas Piketty (Le Capital au XXIe siècle, 2013) documente la même dynamique : les secteurs financés par la dépense publique garantie sont les plus attractifs pour les fonds, santé, dépendance, handicap… et maintenant protection de l'enfance.

« L'esprit du capitalisme est l'idéologie qui justifie l'engagement dans le capitalisme. »

— Boltanski & Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, 1999, p. 42

De l'EHPAD à l'ASE, même logique : la personne devient un rendement.

4. La bascule quantitative : ce que montrent les chiffres

Indicateur

~1960

2023

Interprétation

Enfants élevés par famille élargie

~65 %

< 10 %

Effondrement solidarités

Dossiers par travailleur social

12-15

35-50

Industrialisation

Dépenses ASE France

11,0 Mds € (2023)

+44 % en 20 ans

Mesures ASE France

~397 000 (fin 2023)

+1,4 % en 2024

Marge opérateurs UK

n/a

> 20 %

Profits supranormaux

Détresse psychologique TS

n/a

Très élevée

Supérieure à la moyenne

Sources : DREES 2025, CMA 2022, Eurostat, Empreinte Humaine 2024

Ces chiffres dessinent un changement civilisationnel.

5. L'Angleterre : laboratoire du rendement social

En mars 2022, la Competition and Markets Authority (CMA) publie un rapport accablant sur le marché des foyers pour enfants. Les conclusions :

  1. Un marché « dysfonctionnel ». Le Royaume-Uni a « somnambulé » (sleepwalked) vers un système où les enfants ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin.
  2. Des profits « supranormaux ». Les grands opérateurs privés affichent des marges supérieures à 20 %, avec un retour sur capital autour de 10-11 %, contre 3-6 % attendus dans un marché concurrentiel.
  3. Des prix en hausse. De 2 977 £ à environ 3 900 £ par semaine (2016-2020), soit plus de 200 000 € par an et par enfant.
  4. Des niveaux d'endettement préoccupants. Selon des analyses de la Children's Commissioner, une majorité des plus grands opérateurs sont détenus par des fonds de private equity.

« We are concerned this is a failing system, with children not being placed in the right homes while providers are being allowed to charge high prices and make big profits. »

— Andrea Coscelli, directeur général CMA, octobre 2021

En novembre 2024, une étude pour les autorités locales anglaises montre que les opérateurs privés de trois régions ont extrait 256 millions de livres de profits entre 2021 et 2024, dont plus d'un tiers vers des fonds de private equity ou des paradis fiscaux.

La stratégie buy-and-build : consolider pour dominer

Les fonds de private equity appliquent une stratégie classique en trois temps :

Étape 1 : acquisitions massives. Racheter systématiquement les petits opérateurs indépendants. Les fonds disposent de capitaux que les structures locales n'ont pas. Résultat en 2022 : seulement environ 13 % des foyers privés restent des structures indépendantes non rattachées à un groupe.

Étape 2 : concentration du marché. Les plus grands opérateurs captent la majorité des revenus du secteur. Les collectivités n'ont plus le choix : elles doivent passer par les acteurs dominants.

Étape 3 : hausse des prix. La concurrence éliminée, les prix augmentent. Une étude pour les autorités locales estime une hausse d'environ 84 % des dépenses de placements résidentiels depuis le milieu des années 2010, dont une large part liée à la hausse des prix plutôt qu'à la demande.

Acquisitions → Consolidation → Élimination concurrence → Hausse prix → Profits extraits

Ce qui choque le plus : des lanceurs d'alerte et témoignages dans la presse britannique rapportent que certains opérateurs appellent les enfants placés « gold bars » — lingots d'or. Le langage révèle le système.

6. Quand l'humain devient un actif

Zygmunt Bauman, dans Modernité Liquide (2000), analysait cette logique : dans un monde liquide, ce qui n'est pas rentable est abandonné, ce qui est rentable est exploité.

La protection de l'enfance glisse vers cette logique :

Une place en foyer = flux budgétaire garanti.

Un enfant avec handicap = dotation plus élevée.

Une mesure longue = portefeuille stabilisé.

Une rupture = nouvelle facturation.

Un département en difficulté = dépendance accrue au privé.

Le social se transforme en marché captif à externalités humaines.

7. THX 1138 : la dystopie du biopouvoir

Dans THX 1138 (George Lucas, 1971), l'État calcule le coût de poursuivre un individu avant de décider s'il doit le traquer. Quand le coût dépasse le rendement attendu, on abandonne.

C'est ce que Michel Foucault appelait le biopouvoir : gouverner par gestion statistique des corps.

« Le pouvoir s'exerce de plus en plus sur la vie, non pour faire mourir, mais pour faire vivre selon les besoins du système. »

— Michel Foucault, Il faut défendre la société, Cours au Collège de France, 1976

Quand un système de protection de l'enfance raisonne en termes de « places », de « taux d'occupation », de « rotation », de « marge », il applique exactement cette logique.

La question n'est plus : « De quoi cet enfant a-t-il besoin ? » Mais : « Quel est le coût ? Quelle est la prestation ? Qui facture ? »

8. La France : terrain fertile pour les prédateurs

La France suit la même trajectoire que le Royaume-Uni, avec 5 à 10 ans de retard. Mais le terrain est déjà préparé : associations exsangues, travailleurs sociaux épuisés, départements en déficit. Les fonds d'investissement n'ont plus qu'à se servir.

Ils sont déjà partout, ils vont venir ici

Où sont les fonds de private equity dans la protection de l'enfance ? Partout où il y a de l'argent public garanti :

États-Unis : selon le rapport New America / Capita, 8 des 11 plus grandes chaînes de childcare sont détenues par private equity, représentant 10-12 % du marché.

Royaume-Uni : environ 80 % des foyers pour enfants sont gérés par des opérateurs privés, dont une part importante appartient à des groupes soutenus par des fonds d'investissement.

Australie : effondrement d'ABC Learning en 2008 (2 200 centres dans le monde), bailout gouvernemental pour éviter que des milliers de familles perdent leur place du jour au lendemain.

Canada : réaction en cours. British Columbia donne priorité aux non-profits. Nova Scotia impose la conversion pour accéder aux fonds publics.

Tableau comparatif international : privatisation des services sociaux à l'enfance

(Ordres de grandeur issus de rapports EPSU, Social Employers, CMA)

Pays

For-profit

Marges

Tendance

Royaume-Uni

~80 % (foyers enfants)

> 20 %

Privatisation massive

États-Unis

10-12 % (croissance)

Non documenté

8/11 chaînes = PE

Suède

~25 %

Non documenté

Forte depuis 1990s

France

Variable selon secteur

Élevées (crèches)

En cours

Allemagne

Non-profits dominants

N/A

Faible

Italie

Coopératives sociales

Non lucratif

Modèle alternatif

Enfants en institution, données UNICEF 2024 :

Dans 36 pays européens, UNICEF estime à environ 337 000 le nombre d'enfants en structures résidentielles.

Ce ratio (près de 277 pour 100 000) est nettement supérieur à la moyenne mondiale (environ 3 fois selon le périmètre considéré).

Europe de l'Est (Belarus, Ukraine) : ratios parmi les plus élevés au monde (573-694 / 100 000).

La France, avec ses 11 milliards d'euros de dépenses ASE (2023) et ses près de 400 000 mesures en cours, représente un marché énorme. Les fonds le savent. Ils attendent.

Les associations : déjà au bord du gouffre

Comment une entreprise privée peut-elle sortir plus de 20 % de marge quand une association non lucrative est en déficit de trésorerie ? Parce que le private equity est un presse-citron : il comprime les coûts, réduit les qualifications, augmente les ratios, sous-paye le personnel.

État des associations en France (rapports convergents 2024-2025) :

Une hausse marquée des liquidations d'associations ces dernières années.

Une majorité d'associations employeuses confrontées à des tensions de trésorerie.

Des difficultés à obtenir des financements de long terme pour la grande majorité d'entre elles.

Une stagnation de dispositifs comme le Fonjep (autour de 7 000 € par poste, non revalorisé depuis de nombreuses années).

Le CESE a adopté à l'unanimité en mai 2024 un avis intitulé « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique ». Le diagnostic est clair : les associations qui portent la protection de l'enfance sont au bord de la rupture.

Les travailleurs sociaux : déjà épuisés

Le burn-out a été initialement décrit à la fin des années 1980 pour les infirmières et les travailleurs sociaux, ceux qui s'épuisent dans l'aide aux autres.

Données disponibles (Empreinte Humaine 2024) :

42 % des salariés français en détresse psychologique (tous secteurs).

Des niveaux particulièrement élevés d'épuisement professionnel dans les métiers du soin et du social, supérieurs à la moyenne des salariés.

35-50 dossiers par travailleur social (vs 12-15 recommandés).

Selon la perspective de Christophe Dejours (CNAM), à force de s'épuiser dans l'aide et dans l'échec, il survient chez les travailleurs sociaux une crise de motivation qui se traduit par une dépression.

L'arrivée du private equity : encore plus de pression

En Angleterre, les données sur le turnover sont explicites :

Une majorité d'opérateurs signalent un turnover élevé du personnel.

Les chaînes for-profit ont un turnover plus élevé que les non-profits.

Des témoignages rapportent des fermetures de sites plutôt que d'accepter la syndicalisation.

Le calcul est simple. Une association non lucrative, avec zéro marge, est déjà en difficulté de trésorerie. Comment un opérateur privé peut-il sortir plus de 20 % de marge sur le même marché ? En comprimant les coûts : moins de personnel qualifié, plus de dossiers par TS, moins de formation, moins de temps par enfant.

Association à but non lucratif : 0 % de marge, trésorerie en difficulté

Opérateur private equity : > 20 % de marge, extraction vers paradis fiscaux

Où est la différence ? Dans les conditions de travail des TS et la qualité des soins aux enfants.

Aux travailleurs sociaux français : si les fonds de private equity arrivent, votre situation ne s'améliorera pas. Elle empirera. Plus de dossiers, moins de temps, moins de formation, plus de pression pour ne pas signaler les dysfonctionnements. L'Angleterre en est la preuve.

Les faits supplémentaires :

Pas de formation TSA/TND/HP malgré explosion des cas.

Pas de contradictoire réel (famille découvre le rapport le jour de l'audience).

Erreurs jamais révisées (pas de cellule de recours).

Départements en déficit structurel.

Foyers standardisés, sans spécialisation.

Le rendement est incompatible avec le temps nécessaire au contradictoire. Dans ce contexte, une erreur de placement n'est pas un accident : c'est un produit du système.

9. D'un système de protection à un système de rendement

Segment

Logique officielle

Logique de rendement

Sociétés traditionnelles

Réciprocité, maisonnée, clan

(n'existait pas)

Protection enfance

Protéger les enfants en danger

Gérer un stock de mesures obligatoires

Foyers / opérateurs

Offrir des prises en charge de qualité

Optimiser taux d'occupation et marges

Travail social

Accompagner, protéger

Absorber des volumes, remplir tableaux de bord

Départements

Garantir les droits de l'enfant

Arbitrer contraintes budgétaires vs obligations

Enfant / famille

Sujet de droits à protéger

Unité de coût et de rendement

Fonds d'investissement

Financer l'économie

Capter des flux sociaux garantis par l'impôt

10. Le sursaut : six leviers pour inverser la logique

Si le mot-clé du système actuel est rendement, alors le mot-clé de la sortie doit être solidarité organisée.

Ce n'est pas une réforme technique. C'est une réorientation civilisationnelle : faire passer l'humain avant le rendement.

Les six leviers

  1. Contradictoire réel à chaque étape

Rapport communiqué 30 jours avant l'audience. Droit de réponse écrit. Enregistrement des entretiens. La famille participe à la rédaction.

  1. Cellule de révision des erreurs de dossier (CDRR)

Instance départementale indépendante qui vérifie la factualité des rapports avant transmission au juge. Détection des biais assistée par IA.

  1. Famille élargie comme premier recours

Recherche systématique dans le cercle familial (grands-parents, oncles, tantes, cousins) avant tout placement en foyer. Le foyer devient un sas temporaire, pas une destination.

  1. Tiers de confiance et parrainage civil

Mobiliser étudiants, clubs sportifs, entreprises locales. Donner appartenance, identité, fierté, ce qu'aucune institution ne peut donner.

  1. Soutenir les structures existantes contre la prédation financière

En Angleterre, les fonds de private equity ont appliqué une stratégie classique : racheter les petits opérateurs, consolider le marché, éliminer la concurrence, puis augmenter les prix. Pour éviter ce scénario en France :

Financer les structures associatives et départementales existantes.

Interdire les acquisitions en série (« buy-and-build ») dans le secteur.

Plafonner la part de marché d'un seul opérateur.

Maintenir la diversité des acteurs pour préserver le pouvoir de négociation des départements.

  1. Encadrement strict du lucratif dans le social

Comme l'Écosse et le Pays de Galles qui se désengagent du modèle de privatisation :

Plafonnement des marges (l'Écosse consulte, le Pays de Galles a légiféré en 2025).

Interdiction du private equity dans la protection de l'enfance.

Transparence obligatoire sur les structures de propriété et d'endettement.

Réinvestissement des excédents dans la qualité des soins, pas dans les dividendes.

Conclusion : le choix civilisationnel

Nous avons le choix.

Soit nous laissons le système continuer sa logique de rendement jusqu'à la marchandisation complète de l'enfance vulnérable.

Soit nous réinstaurons ce que toutes les sociétés humaines avant nous savaient : l'enfant est une relation, pas un coût.

Les propositions sont prêtes. Les analyses sont documentées. Le droit existe.

Protéger les enfants, c'est comprendre la situation actuelle et l'impact de plus en plus lourd du système du rendement. C'est changer nos pratiques et mobiliser toute la société pour ouvrir nos familles aux enfants, comme doivent le faire des êtres humains. Les foyers ne sont plus que des sas ouverts, temporaires.

La protection de Nos enfants dépend de Nous. Engageons-nous.

Références

Économie politique et sociologie

POLANYI Karl, La Grande Transformation (1944), Gallimard, 1983

BOLTANSKI Luc & CHIAPELLO Ève, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, 1999

PIKETTY Thomas, Le Capital au XXIe siècle, Seuil, 2013

HARVEY David, A Brief History of Neoliberalism, Oxford University Press, 2005

GRAEBER David, Bullshit Jobs, Les Liens qui Libèrent, 2018

BAUMAN Zygmunt, Liquid Modernity, Polity Press, 2000

FOUCAULT Michel, Il faut défendre la société, Cours au Collège de France, 1976

Anthropologie

SAHLINS Marshall, Stone Age Economics, Aldine, 1972

LÉVI-STRAUSS Claude, Les Structures élémentaires de la parenté, PUF, 1949

MEAD Margaret, Coming of Age in Samoa, William Morrow, 1928

Rapports institutionnels

DREES, L'aide sociale à l'enfance - Édition 2025, Dossiers n°131, juin 2025

Competition and Markets Authority (CMA), Children's Social Care Market Study - Final Report, mars 2022

Local Government Association / Revolution Consulting, Profit Making and Risk in Independent Children's Social Care Placement Providers, 2022

Children's Commissioner for England, Private Provision in Children's Social Care, 2020

CESE, Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique, mai 2024

Empreinte Humaine / OpinionWay, Baromètre santé mentale des salariés 2024

UNICEF, Keeping families together in Europe, 2024

EPSU / PSIRU, Privatising our future: privatisation and commercialisation of social services in Europe, 2021

New America / Capita, Private Equity's Role in Child Care, 2023-2024

Contact : protection67@proton.me

Yves Laybourn

Groupe de Strasbourg — Décembre 2025

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