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Billet de blog 16 décembre 2025

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L'avocat de l'enfant (n') existe (pas encore)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'avocat de l'enfant (n') existe (pas encore).

Réforme structurelle de la protection de l'enfance

Yves Laybourn — Groupe de Strasbourg

CHIFFRES CLÉS 2023-2024 (Sources : DREES, INSEE, INED, Fondation Abbé Pierre)

• Environ 380 000 mineurs et jeunes majeurs bénéficient d'une mesure ASE, dont plus de 200 000 placés

• 9,9 milliards d'euros de dépenses annuelles (×2,3 depuis 1998, DREES 2024)

• Environ 38 000 € par an coût moyen d'un accueil (DREES) — contre quelques milliers d'euros pour une mesure éducative à domicile

• Le nombre d'enfants placés a augmenté de près de 50 % en vingt ans, alors que la population des mineurs est restée globalement stable

• 15 à 20 % des enfants ASE ont une reconnaissance MDPH (contre environ 3 % en population générale)

• Surreprésentation massive des anciens placés parmi les SDF : selon l'INED et la Fondation Abbé Pierre, jusqu'à un quart des personnes sans domicile nées en France ont connu un placement

1. Très souvent : on n'aurait pas besoin d'avocat

Le système actuel transforme des difficultés humaines en affaires judiciaires. On judiciarise la pauvreté, l'épuisement, la différence neurologique. On envoie des familles fragiles devant un juge (pour délinquants surtout) qui n'a pas les outils pour les comprendre.

Près de 80 % des mesures d'accueil sont décidées par l'autorité judiciaire (DREES). Pourtant, souvent ces situations relèvent de l'aide, pas de la justice.

Ces situations ne nécessitent PAS de juge ni d'avocat :

• Enfant TSA, TND, HPI → besoin d'un diagnostic et d'un accompagnement adapté

• Enfant avec pathologie trompeuse (os de verre, Ehlers-Danlos) → besoin d'un diagnostic médical, pas d'une accusation

• Parent malade → besoin de soutien médical et social

• Parent pauvre → besoin d'aide financière

• Parent débordé, isolé → besoin de relais et de soutien

• Famille face à un ado difficile → besoin de médiation, pas de tribunal

• Difficultés éducatives sans violences → besoin d'accompagnement : 15 % des enfants placés en établissement ont une reconnaissance MDPH — soit 7 fois plus qu'en population générale (DREES 2021). Ces enfants n'ont pas besoin d'un juge : ils ont besoin d'un diagnostic.

Retard scolaire massif : les enfants placés présentent des retards très importants — près de 40 % des enfants de 11 ans en établissement ASE sont encore en primaire (contre 7 % en population générale, DREES 2025).

Dans de nombreuses situations d'intervention de l'ASE, les rapports ne décrivent pas un danger grave ou imminent, mais des difficultés de vie, de santé mentale, de précarité ou de handicap. (Rappel : près de 23 % des enfants français vivent sous le seuil de pauvreté.) Aucun de ces cas ne relève d'un juge. Aucun ne nécessite d'avocat. L'avocat n'est sollicité que parce que le système est devenu menaçant.

2. Quand l'avocat est vraiment nécessaire

L'avocat de l'enfant doit être formé, stratégique et central. Il intervient uniquement dans des situations précises.

P. n°1 — Maltraitance et violences réelles

• Violences avérées, abus, danger réel.

• Compétence : JAFe (juge aux affaires familiales spécialisé enfance – JAF spécialisée )

• L'avocat garantit le contradictoire, vérifie les faits, cherche la meilleure solution, poursuit les auteurs

Cas n°2 — Mineurs délinquants

• Actes pénaux, récidive, danger pour autrui

• Compétence : JFE (juge des enfants — volet pénal)

• C'est le seul cas qui relève du pénal .

Cas n°3 — Tous les enfants placés ou confiés

Chaque enfant placé a automatiquement un Avocat-Tuteur. Pas sur demande. Automatiquement.

• L'avocat appelle l'enfant régulièrement pour savoir si ça va

• L'enfant a son numéro de téléphone direct

• Si ça ne va pas → action immédiate

Cas n°4 — Accès au Collectif des anciens

• Les enfants placés peuvent contacter directement des anciens enfants placés devenus adultes

• Un autre regard, une autre écoute, hors institution : double filet de sécurité

Cas n°5 — Les parents restent dans la boucle

• Les parents peuvent saisir l'avocat de l'enfant, saisir la juge, contacter le Collectif

• Le monde vient à l'enfant en foyer. Le foyer devient un sas temporaire (parrain, étudiantes qui aident, dons privés, TdC)

3. Un avocat structurellement indépendant

Aujourd'hui, un avocat local qui conteste prend des risques (représailles). L'avocate prévient : « Surtout ne critiquez pas le service ! » Produire des pièces qui montrent que le rapport est faux est dangereux et sans effet. L'avocat de la famille est bloqué.

Même s’il est présent : « il/elle n’existe pas »

P. n°1 — Il vient d'une autre région

Un avocat du Grand Est défend des enfants en Auvergne-Rhône-Alpes. Un avocat de Nouvelle-Aquitaine intervient en Bretagne.

L'avocat n'a aucun intérêt local à préserver. Il peut tout dire. Personne ne peut se venger sur ses autres dossiers. Les structures locales n'ont aucune prise sur lui. On a fait les grandes régions. On a le TGV. On a la visio.

P. n°2 — Il ne fait que ça (option de spécialisation)

• Pas de divorces, pas de gardes entre parents, pas d'autres dossiers dépendant des juges locaux

• Un seul métier : défendre les enfants. Rien d'autre à perdre.

• Sa réputation dépend des enfants qu'il défend, pas du système local

P. n°3 — Il est payé pour vraiment travailler

Oui, on va enfin payer les avocats — et c'est gagnant-gagnant. 576 € aujourd'hui pour « défendre » un enfant, c'est trop peu, cela ne couvre peut être même pas les frais de structure. Demain :

Situation Rémunération

Dossier standard 1 500 à 2 000 €

Dossier complexe (TSA, expertises) 2 500 à 3 500 €

Placement avec suivi continu 3 500 à 5 000 €

Calcul économique : Un placement coûte 38 200 €/an. Un avocat payé 3 000 € qui évite un seul placement injustifié économise plus de 12 fois sa rémunération.

P. n°4 — L'enfant choisit lui-même

• Une plateforme vidéo nationale où chaque avocat agréé se présente

• L'enfant regarde les vidéos et choisit celui ou celle qui lui inspire confiance

• L'âge moyen des enfants à l'ASE est de 13 ans — parfaitement capable de choisir

P. n°5 — Les enfants notent les avocats

Après chaque dossier, l'enfant peut laisser une note et un commentaire :

« M'a écouté, m'a cru, s'est battu. Merci. »

« n’est pas venu à l’audience ! »

« A fait corriger tout le dossier ! Merci »

Les avocats présents et efficaces sont récompensés par les enfants.

P. n°6 — Les aînés protègent les petits

Pour les enfants trop jeunes pour choisir (moins de 6-7 ans) : on choisit parmi les avocats les mieux notés par les autres enfants. Les enfants protègent les enfants.

P. n°7 — Le Collectif des survivants participe

Dans chaque département, un Collectif composé de :

• Anciens enfants placés devenus adultes

• Parents passés par le système

• Famille élargie qui a accueilli des enfants

Le Collectif peut :

1. Droit de veto sur l'agrément des avocats, si plaintes claires

2. Orientation des familles vers les avocats recommandés

Le Collectif ne se substitue ni au juge ni au barreau : il coopère.

4. L'intérêt économique : tout le monde y gagne

Le département a intérêt à ce que l'avocat évite le foyer. L'enfant aussi. Tout le monde y gagne.

Quand la formation devient-elle rentable ?

CALCUL SIMPLE :

Coût moyen d'un placement (DREES 2023) 38 200 €/an

Durée de placement (hypothèse de calcul) 5 ans

Coût total d'UN placement évitable 150 000 à 190 000 €

Coût de formation d'un avocat spécialisé (120h en ligne) 3 000 €

Rémunération avocat par dossier complexe 3 000 à 5 000 €

UN SEUL PLACEMENT ÉVITÉ = FORMATION RENTABILISÉE 55 À 70 FOIS

Dès le 1er dossier bien traité, le département économise près de 190 000 €

Exemple concret : l'enfant TSA

Situation typique : Un enfant de 8 ans fait des « crises » à l'école. L'enseignant signale. Le travailleur social, non formé aux TSA, écrit « défaut d'autorité parentale ». Le juge ordonne un placement.

SANS avocat formé : placement en foyer pendant 5 ans. Coût : 191 000 €. L'enfant régresse, les crises s'aggravent, aucun diagnostic.

AVEC avocat formé : l'avocat identifie les signes de TSA, demande une expertise neuropsy (800 €), obtient un diagnostic, oriente vers un accompagnement adapté (SESSAD, AESH). Coût total sur 5 ans : 30 000 €. L'enfant reste en famille, progresse.

Économie réalisée : 161 000 € — et un enfant qui va mieux.

À quoi forme-t-on ? Et qui peut se former ?

Formation 100 % en ligne, souple et accessible : toutes les vidéos de formation sont mises en ligne au niveau national. On peut regarder dans le train, l'avion, chez soi. Évaluation finale quand on se sent prêt(e). Coût : 3 000 € par personne, financé par le département.

Formation ouverte à tous les acteurs de la protection de l'enfance :

• Avocats → formation complète obligatoire pour l'agrément Avocat-Tuteur

• Magistrats (JAFe, JFE) → modules recommandés : psychologie de l'enfant, traumas, biais dans les rapports, enfants atypiques

• Travailleurs sociaux → modules recommandés : TSA/TND/HPI, biais dans les rapports, psychotrauma. Des TS formés = des rapports de meilleure qualité dès le départ = moins d'erreurs d'orientation

Formation initiale : 120 heures

Module Durée Formateurs

TSA / TND / TDAH / HPI : reconnaissance des signes, besoins spécifiques, stratégies de défense 20h Neuropsy, psychiatres

Pathologies trompeuses : ostéogenèse imparfaite (os de verre), Ehlers-Danlos, carences vitaminiques, pathologies cutanées — signes confondus avec maltraitance 5h Médecins, généticiens

Psychologie de l'enfant et psychotrauma : développement, attachement, impact du trauma sur le comportement, différencier trauma et « trouble du comportement » 20h Psychologues, pédopsychiatres

Techniques d'audition de l'enfant : recueillir la parole, adapter selon l'âge 15h Experts audition

Droit de l'enfance : CIDE, jurisprudence CEDH, procédures JAFe/JFE 15h Magistrats, avocats

Aliénation parentale et faux signalements : identifier, documenter, contester 10h Experts, avocats

Biais dans les rapports sociaux : biais de confirmation, effet de halo, interprétations abusives, lecture critique 10h Sociologues, magistrats

Alternatives au placement : SESSAD, AESH, accueil familial, médiation 5h Travailleurs sociaux

Expérience vécue : témoignages, erreurs du système, ce que les enfants attendent vraiment 20h Collectif des survivants

Formation continue : 20h/an — actualisation juridique, retours d'expérience, nouveaux outils diagnostiques.

Le réseau de professionnels de l'avocat

L'avocat formé dispose d'une liste de professionnels indépendants qu'il peut contacter pour obtenir des attestations ou des contre-expertises :

• Neuropsychologues spécialisés TSA/TND → diagnostic différentiel, évaluation des besoins

• Psychiatres de l'enfant → contre-expertise, avis sur les traitements

• Généticiens, pédiatres spécialisés → diagnostic des pathologies trompeuses (os de verre, Ehlers-Danlos, carences)

• Psychologues du développement → évaluation du lien parent-enfant

• Experts judiciaires indépendants → contre-expertises en cas de rapport biaisé

• Médiateurs familiaux certifiés → alternatives à la judiciarisation

• Orthophonistes, ergothérapeutes → bilans complémentaires

• Associations spécialisées (Autisme France, TDAH France, etc.) → orientation, ressources

EXEMPLE — Enfant TSA orienté vers la JAFe :

1. L'avocat lit le rapport ASE : « troubles du comportement, opposition, crises »

2. Il reconnaît les signes de TSA (grâce à sa formation)

3. Il contacte un neuropsychologue de son réseau → bilan en 3 semaines (800 €)

4. Diagnostic TSA confirmé → il demande une orientation MDPH

5. Il plaide devant la JAFe : « Cet enfant n'a pas besoin d'être placé, il a besoin d'un SESSAD et d'une AESH »

6. La juge suit → l'enfant reste en famille, le département économise 161 000 €

Récapitulatif économique pour un département

Hypothèse : département de 500 000 habitants, ~1 500 enfants placés

Investissement Coût

Formation de 10 avocats spécialisés (120h en ligne × 10) 30 000 €

Rémunération avocats (100 dossiers/an × 3 000 €) 300 000 €/an

Expertises complémentaires (50 × 1 000 €) 50 000 €/an

TOTAL INVESTISSEMENT ANNÉE 1 380 000 €

Économies réalisées (hypothèse conservatrice : 10 % de placements évités)

Placements évités la 1ère année (15 enfants) 15 × 38 200 € = 573 000 €

Effet cumulé sur 5 ans (15 enfants non placés pendant 5 ans) 15 × 191 000 € = 2 865 000 €

ÉCONOMIE NETTE SUR 5 ANS ~2,5 MILLIONS €

Retour sur investissement : 650 % en 5 ans

5. Le renversement complet

AVANT APRÈS (Aide Nouvelle)

Tout passe par le juge L'aide d'abord, le juge seulement si nécessaire

Enfant TSA → placement Enfant TSA → diagnostic → accompagnement

Parent pauvre → tribunal Parent pauvre → aide directe

Avocat local dépendant du système Avocat d'une autre région, hors d'atteinte

Être combatif = être sanctionné Être efficace = être choisi

Désigné par structures opaques Choisi par l'enfant sur plateforme vidéo

Aucune évaluation Noté et commenté par les enfants

Foyer = enlisement et dangers Le monde vient à l'enfant (lien, protection)

6. Pourquoi l'architecture est le problème

Il ne s'agit pas de mettre en cause les personnes, mais une architecture qui place des professionnels compétents dans des rôles inadaptés. L'Aide Nouvelle vise aussi à aider les aidants : travailleurs sociaux, magistrats et avocats, en leur redonnant des outils adaptés à la réalité des situations.

Mettre un avocat dans l'ancienne structure ne sert à rien. C'est l'architecture qui est mauvaise.

Dans l'architecture actuelle :

• Le juge des enfants pourrait traiter la pauvreté comme de la délinquance, et un enfant atypique pourrait être perçu comme maltraité.

• Les éducateurs "surveillent" des enfants atypiques, sans comprendre.

• Tout est judiciarisé, même ce qui n'a rien à faire au tribunal

• L'avocat arrive trop tard, dans un système qui ne veut pas de lui

• La contradiction est perçue comme une menace

LE RÉSULTAT CHIFFRÉ DE CETTE ARCHITECTURE :

• 1 SDF né en France sur 4 est un ancien enfant placé (INSEE/Fondation Abbé Pierre)

• 16 % des jeunes sortis « à la décision de l'ASE » ont connu la rue après leur sortie (INED)

• 28 % de chômeurs à la sortie de l'ASE, emplois précaires pour les autres

• Près de la moitié des jeunes placés sont passés par au moins 3 lieux de placement différents

Mettre un bon avocat dans une mauvaise architecture, c'est comme mettre un bon pilote dans un avion sans ailes. Il aura beau être compétent — il ne pourra rien faire.

Conclusion — La formule

On n'a pas besoin d'avocats pour défendre les enfants contre l'aide.

On a besoin d'avocats quand il y a vraiment danger —

maltraitance, délinquance, placement.

L'Aide Nouvelle, c'est :

1. Remettre l'aide avant le juge : de nombreuses situations ne doivent pas être judiciarisées

2. Réserver le judiciaire aux vrais risques : maltraitance (JAFe) et délinquance (JFE)

3. Créer enfin un avocat qui peut défendre sans risque : indépendant, protégé, choisi, évalué et bien payé. Il ou elle fera économiser massivement de l'argent aux départements et aussi à l'état, aux parents. Tout le monde y gagne. Cet avocat doit exister, c'est l'une des clefs de voûte de l'architecture nouvelle. En plus : cela peut être mis en place de suite.

On construit un système simple et clair, efficace et bien moins coûteux en argent et en vies humaines.

C’est le courant de l’Aide Nouvelle.

Yves Laybourn

Groupe de Strasbourg

Protection67@proton.me

Sources :

DREES, L'aide sociale à l'enfance, Éditions 2024 et 2025 • INSEE, Économie et Statistique n°488-489 • INED, Enquête ELAP • Fondation Abbé Pierre, Rapport 2019 « Aux portes de la rue » • Défenseur des droits, Rapport 2015 « Handicap et protection de l'enfance

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