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Billet de blog 23 septembre 2025

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Accidents du travail : essayer de comprendre

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1er épisode : des chiffres mais aucune aucune explication. 

Depuis quelque années certains s'intéressent aux accidents du travail : des syndicalistes, diverses associations, la presse. Le ministère de travail a légèrement bougé, en rédigeant une note de service aux inspecteurs du travail leur demandant d’aller obligatoirement enquêter pour tout accident mortel. 

Nous avons regardé, analysé, scruté le rapport annuel 2023 sorti en décembre 2024 de la CNAM risques professionnels (CNAM-RP) et les rapports des années précédentes sur le site: 
https://www.assurance-maladie.ameli.fr/qui-sommes-nous/publications-reference/assurance-maladie-risques-professionnels/rapports-annuels

Nombre d’accident du travail Tableau 73 page 104 : moins 100 000 accidents du travail depuis 2019 (655 000 pour arriver à 555 000), alors que la population active a augmenté d’1,2 million. C’est littéralement un miracle ; un miracle est un évènement qui ne s’explique pas.

Qui féliciter ? Le rapport de la CNAM-RP n’a aucune explication ; peut être de la trop grande modestie ? C’est peut être grâce à elle ?
Dans ce fascicule de 189 pages, on ne saura rien de cette baisse. Dommage puisque ce sont à première vue, d’excellents résultats.

Autre problème, alors que l’on soigne de mieux en mieux et de plus en plus vite, en 2019, (page 64), il y 65 jours d'arrêts par accidenté-es et en 2023, 79 jours d’arrêts par accidenté-e…, soit 14 jours d'arrêt de plus en 5 ans.
Là encore aucune explication.

Continuons :
Nombre d’accident mortel Tableau 73 page 107
En 4 ans ans, les accidents mortels sont passés de 2019 à 2023 de 572 à 752. (Les deux ans de covid ne sont pas répertoriés).

Curieux ! Les secours arrivent sur les lieux d’accident de plus en plus vite ; l’accidenté-e est soigné-e beaucoup plus tôt ; les moyens matériels sont de plus en plus sophistiqués : ambulances, hélicoptères ; les progrès de la médecine sont immenses depuis 30 ans, les services d’urgence, sont de plus efficaces. Donc les blessé-es du travail moins nombreux et meurent de plus en plus. 

Les salarié-es sont blessé-es de plus en plus gravement, à en mourir, et ceux qui ne meurent pas sont de moins en moins nombreux, mais leur état de santé nécessite des soins plus longs. Pour le dire autrement, il y a de plus en plus d’AT mortels et de moins en moins d’AT et le temps de guérison s’allonge. Difficile à comprendre.

Et la CNAM-RP n’apporte aucune analyse. La direction générale du travail du Ministère du travail fait pâlirpar son intelligence. Dans son rapport  2023 sur les conditions de travail, page 209 écrit :

" Le rapport annuel 2023 de l’Assurance Maladie – Risques professionnels retrace les principales données d’activité et de sinistralité de la branche sur l’année. 
L’année 2023 confirme une rupture depuis la crise sanitaire des séries statistiques antérieures, avec une baisse du nombre de sinistres depuis la crise sanitaire d’environ 13 % – notamment sur les accidents du travail - qui n’est pas revenu au niveau de 2019. 
Cette tendance est également constatée chez nos voisins européens (Allemagne, Italie, Espagne, Luxembourg - source : Eurogip). Elle pourrait être due à des phénomènes contextuels de ralentissement d’activité – comme ce fut le cas après la crise économique de 2008 - comme plus structurels dus à l’évolution du monde du travail. 
Les données de sinistralité de l’année 2023 s’inscrivent dans la continuité des données 2022, avec une baisse constatée du nombre global des sinistres, comparativement à la période précédant la crise sanitaire et des évolutions différenciées selon qu’il s’agisse d’accidents du travail, de trajet ou de maladies professionnelles. 
Données relatives aux accidents du travail(2) : en 2023, les accidents du travail sont en baisse (-1,5 %, contre -6,7 % en 2022) et s’élèvent à 555 803. Les secteurs d’activité au sein desquels surviennent le plus souvent les accidents du travail, et ce, depuis plusieurs années, sont les activités de la santé, du nettoyage et du travail temporaire (29 %), l’alimentation (17 %), le transport (15 %) et le BTP (14 %). Les manutentions manuelles représentent le premier facteur de risque (environ 50 %). Viennent ensuite les chutes de plain-pied et de hauteur (environ 30 %). »

Il y a de vrais contradictions, mais cela n’effleure pas la CNAM-RP ni la DGT qui ne commente pas ces chiffres.

De notre point de vue, les accidents du travail sont de moins en moins déclarés par les employeurs. Les salarié-és pour leur part, hésitent à déclarer leur accident. Les médecins traitants pour leur part ne demandent pas systématiquement à leur patient si le dommage physique ou psychique a un lien avec le travail. Et puis, depuis 2018, les CHSCT ont disparu pour être remplacé par des CSE, ce qui a pour conséquence immédiate moins d'enquêtes accident du travail, faute de temps, et donc moins de pression sur l’employeur.

2nd épisode : Ne trouvant pas d’explications dans un document pour le grand public, où tout devrait être transparent, où tout salarié, tout syndicaliste, tout patron, tout citoyen devrait comprendre. 

Nous avons décidé de demander à divers organismes publics de nous faire part de leurs analyses sur le sujet.

La CNAM risques professionnels (CNAM-RP)
La DSS direction de la sécurité sociale du ministère de la santé
la DGT direction général du travail du ministère du travail
L’INRS Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), Association loi 1901, sans but lucratif

Suite au prochain épisode

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