Il y a corruption et corruption.
Ici, la justice US s'en prend à des détournements de fonds en faveur de sociétés et d'individus, qui ne sont pas censés recevoir certains montants.
Mais il y a aussi une corruption plus insidieuse comme le fameux match Argentine-Pérou en 1978, que les Argentins devaient impérativement remporter acec un écart de quatre buts pour se qualifier en finale aux dépens du Brésil et qu'ils ont remporté... 6-0, suite à l'intervention auprès des joueurs péruviens de leur bon président qui vit, quelques jours plus tard, l'État argentin rembourser une très grosse partie de la dette de son pays....
Là, la FIFA avait pour tâche d'enquêter sur le trucage évident du match, elle ne l'a pas fait. Tout comme d'ailleurs, elle n'a pas enquêté sur les multiples incidents qui émaillèrent la finale contre les Pays-Bas et l'arbitrage manifestement pro-argentin, à faire rougir un juge de la cour suprême de Floride en 2000. La dictature était saine et sauve. Les tortures, viols et vols pouvaient reprendre en toute tranquillité.
La FIFA, d'ailleurs, ne s'occupe jamais de déranger les grosses légumes du foot. En 1982, elle aurait dû annuler le match nul Autriche-Allemagne et faire rejouer les deux équipes sous peine d'élimination de la Coupe du Monde, comme le réclamaient jsuqu'aux supporters allemands, qui scandaient le nom de l'Algérie dans le stade. Elle en avait le pouvoir et n'a même pas ouvert une enquête.
Tout comme, contrairement à ce qu'elle a raconté, elle avait le pouvoir d'annuler le match France-Irlande et au moins d'ouvrir une enquête sur les arbitres, à commencer par l'arbitre de touche, qui n'a pas pu ne pas voir la main de Thierry Henry, comme l'ont attesté des spectateurs situés juste derrière lui. Au lieu de cela, elle a tout fait pour étouffer l'affaire et offert de l'argent à la Fédération Irlandaise, ce qui, sans être illégal, était quand même une forme de corruption. La conséquence fut une équipe de France moralement cassée, qui dut jouer ses premiers matchs en entendant le public sud-africain crier "Ireland" à leur adresse et qui a fini par exploser.
Que tous ces scandales et truanderies légales et illégales finissent par déboucher sur un gros coup de filet, il fallait s'y attendre. Par contre, l'exploitation médiatique de l'affaire a de quoi troubler.
Où parle-t-on de projets ? Que veulent les différentes confédérations, à commencer par la plus puissante, l'UEFA ? On nous avance la candidature Platini comme une alternative. Mais quel est son projet ? Là, on est dans l'opacité la plus totale.
Aujourd'hui la "planête foot", pour reprendre une image triviale, se divise grosso modo en deux : l'Europe et le reste du monde. La première concentre les championnats aux niveaux les plus élevés et le maximum de circulation du capital. Le second joue le rôle de fournisseur en matières premières (les joueurs), particulièrement l'Afrique et l'Amérique du Sud où l'on trouve les meilleurs filons. Afin de contourner les lois anti-liberté de circulation des êtres humains, les États européens n'hésitent pas à soit naturaliser, soit utiliser (Espagne et Portugal) des lois sur la double citoyenneté pour faciliter les importations.
Quelques pays sont entre les deux : les USA-Canada, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ils ont les capitaux, mais ils manquent encore de public, concurrencés par les foots US et australien, le base-ball, le cricket, le rugby, le basket, le hockey sur glace, etc. Ils fournissent un peu de matière première, ils en recyclent aussi, mais en même temps, en tant que marché potentiel, ils attirent des capitaux.
Des pays comme la Chine, l'Inde, la Corée du Sud, etc. attirent des capitaux et du public, mais restent des marchés à construire. L'Inde, par exemple, voit le foot être le sport qui a le plus de licenciés, mais la plupart d'entre eux y sont plus par manque de moyens que par goût, le sport-roi restant le cricket, où brille dans les compétitions les rejetons de la "classe moyenne", et qui draine l'immense majorité des droits de retransmission.
Hormis l'Amérique latine, tous les autres pays du monde n'attirent aucun capital et le foot y garde une place de prestige, mais sans plus.
C'est donc l'Europe et l'UEFA, qui concentre à la fois matière première, produite sur place et importée, et capitaux, grâce à une forte demande surtout médiatique. En quelques décennies, nous sommes passés du statut de clubs avec ou non une branche professionnelle, à des clubs pros avec une branche amateure, puis à des sociétés "sportives" en lien avec un ou plusieurs clubs amateurs et surtout un centre de formation. Ces sociétés sont à but lucratif et cherchent donc comme toute société à attirer des capitaux. Elles ont donc développé ce qu'on appelle le merchandising, qui peut monter jusqu'à 50 % de leurs revenus. Un club danois de Copenhague a même 90 % de son chiffre d'affaires acquis grâce au merchandising et investissements dans les médias et ailleurs...
La concentration des capitaux sur quelques sociétés sportives fait que ces dernières récupèrent la meilleure matière première au détriment de toutes les autres. et la question n'est plus de savoir qui va être champion (cela tourne autour de deux à cinq-six équipes selon les cas), mais qui va descendre et qui va monter. D'où, dans tous les pays d'Europe occidentale, la retransmission par des chaînes sportives des championnats inférieurs, car les droits sont beaucoup plus bas et le public demandeur très étendu. D'où aussi, par effet de concurrence, un recul des montants des droits de retransmissions de haut niveau. Mais d'où aussi une demande de plus en plus pressante de la part des plus grosses sociétés en faveur de championnats fermés avec des équipes franchisées, ce qui leur assurerait une bonne stabilité et, espèrent-elles le recul de l'attrait pour les petits championnats.
Voici quelques années, telle était la demande des grosses pointures anglaises et, je n'en suis pas sûr, espagnoles, mais aussi de l'OL de la création d'un championnat européen fermé, à l'image de celui de la MLS nord-américaine. L'UEFA avait alors opposé un refus ferme, car, bien évidemment, cela aurait exclu 70 ou 80 % de ses pays membres, et aurait remis en cause le statut de certaines sociétés sportives, comme les allemandes, qui sont soumises à toutes sortes de contraintes, visant leur propriété et leurs activités extra-sportives.
C'est aussi cette orientation qui poussent les Ligues professionnelles à tout faire pour empêcher les petits clubs amateurs à devenir pro. Le scandale Luzenac, dont la boue n'est toujours pas décollée des pieds du comité directeur de la LFP, en est un triste exemple. La décision de ne plus faire monter que deux clubs de L2 en L1 au lieu de trois va aussi dans le même sens. On comprend dès lors que Thiriez, président de la LFP, ait fait montre d'une hypocrisie sans pareille en s'indignant de la corruption au sein de la FIFA. On peut aussi comprendre pourquoi c'est la position inverse qu'a pris le président de la Fédération Française, qui, lui, a pour charge l'ensemble des activités footballistiques amateurs, féminines, en salle, jeunes, et pas seulement quelques milliardaires pétés de fric, et qui sait fort bien que des championnats fermés signifieraient la disparition de toute retombée financière venant du foot pro au profit du foot amateur.
Ces championnats fermés ne feraient que renforcer la position dominante de l'Europe de l'Ouest et de la Russie (sur laquelle il y a beaucoup à dire aussi) sur l'ensemble du football mondial par l'afflux renforcé des capitaux que cela provoquerait. On comprend dès lors pourquoi la fédération anglaise, à la pointe sur ce dossier, ait été si violemment opposée à Blatter et son système clientéliste.
L'ampleur de l'affaire de corruption a permis à Platini de rassembler peu ou prou un front anti-Blatter en Europe. Mais il est probable que le "front commun" (à multiples fissures) que l'UEFA a tenté de montrer ces dernières semaines ne soit pas appelé à durer, car entre un pays montant comme l'Estonie, dont l'équipe nationale est centrale, et l'Angleterre, qui préfère sacrifier la sienne au profit du niveau de son championnat, il y a désaccord complet sur la politique à mener. Or que l'on soit petite ou grosse nation, à l'UEFA comme à la FIFA, on a la même voix.
Il n'est donc pas certain que l'UEFA, qui rappelons-le n'a pas, comme toutes les confédérations, de délégué à la FIFA, soutienne une seule candidature. Dans ce cadre, on peut comprendre l'hésitation de Platini, qui a toujours ménagé la chêvre et le chou dans l'UEFA, à se porter réellement candidat et donc à porter un projet, qui aurait obligatoirement, d'une manière ou d'une autre une incidence sur les options divergentes en Europe. En cas d'échec à la FIFA, la situation deviendrait intenable pour lui dans l'UEFA.
Enfin, au-delà de tout cela, on est en droit de s'interroger sur ce qu'il adviendra du foot quand la crise financière qui s'annonce éclatera et qu'on assistera à un repli des capitaux. Liverpool en a eu un petit avant-goût en 2007, quand son propriétaire, qui possède aussi l'équipe de base-ball des Red Socks à Boston, s'est retiré. Le club a failli purement et simplement disparaître.
Si la position centrale de l'Europe est encore renforcée, il y fort à craindre un effondrement financier généralisé des revenus des grosses sociétés, des faillites en série, donc un affaiblissement spectaculaire des fédérations concernées, donc de l'UEFA et de la FIFA qu'elles alimentent, le tout avec des conséquences incalculables.
C'est bien pourquoi rendre public le débat sur les orientations de la FIFA est nécessaire. Mais c'est cette nécessité même qui empêche les télévisions sportives de l'aborder, dépendantes qu'elles sont des revenus publicitaires générés par les retransmissions.
Et c'est ainsi que l'on voit des plateaux de foot où, jusqu'à il y a peu, on résumait ce sport à une affaire de transfert de fonds et de matière première au lieu de s'intéresser aux tactiques et stratégies des équipes sur le terrain, après avoir été pris de court par l'explosion de l'équipe Blatter, ne plus discuter que des individus accusés de corruption sans jamais abordé la question des projets et de la situation du foot mondial.
Mais, quel que soit l'avenir de la FIFA, rien n'empêchera les gosses de mon quartier de prendre un ballon et de s'éclater après avoir posé par terre des vêtements en guise de poteaux, rien sauf un crétin ayant le pouvoir de fermer le parc qui leur sert de terrain de jeu. Et malheureusement pour les enfants, ce crétin existe. Mais que fait le FBI ?