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Billet de blog 27 avril 2014

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L'ENTERREMENT DE LA REFONDATION DE L'ECOLE ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les propos de Pierre Frackowiak concernant la refondation de l'école, sont l'occasion d'un certain nombre de propos discutables sur l'échec de cette refondation, le pseudo échec d'une école qui serait enfin celle d'une pseudo réussite.

Il est temps cependant de remettre un peu d’heure dans les pendules.

Tout d’abord, les enseignants, contrairement à d’autres professions, sont des individus qui ont conduit des études dans des disciplines qu’ils aimaient pour les communiquer à d’autres. Autre élément, ils ont souvent été à la pointe du service aux autres. C’est ainsi que les instituteurs étaient souvent secrétaires de mairie, parce qu’ils mettaient au service des autres leurs connaissances. Ce sont ces mêmes enseignants qui ont développé des modèles de prise en charge de santé, d’assurance, et de mutualisation de retraite qu’un gouvernement de gauche a tué pour la mutualisation de la retraite sous couvert des règles européennes qui ne reconnaissaient pas la répartition - dangereuse pour les souscripteurs – n’acceptant que la capitalisation…

Autrement dit, bon nombre d’enseignants – mais ils vont sans doute en diminuant tant tout à été fait pour casser le caractère monolithe du corps à travers son recrutement – ont une vision idéologique de leur mission.

A l’inverse, les hommes politiques, depuis les années 70 ont fait de l’Ecole un enjeu politique. La raison en était la poussée sociale qui revendiquait la mise en route d’un véritable ascenseur social tant l’accès à l’université demeurait le seul territoire des classes sociales les plus privilégiées, et sous couvert d’une école démocratisée, la gauche d’avant l’Union de la gauche avait trouvé un cheval de bataille pour briguer le pouvoir détenu par la droite giscardienne. Mais parallèlement, l’école évoluait pour permettre à un plus grand nombre d’accéder au collège, qui s’est réellement démocratisé, d’abord par le ghetto des C.E.G. (collège d’enseignement général, ancien cours complémentaire) disparus peu à peu pour se fondre dans les C.E.S. (collège d’enseignement secondaire) disparus à leur tour pour le collège unique…

La massification de l’enseignement s’est accompagnée dès avant les années 70 d’un recours particulièrement important aux maîtres auxiliaires, professeurs non titulaires, embauchés certains pendant plus de 10 ans sans guère de possibilité d’être intégrés.

Sous la pression syndicale, du SNES et du SGEN notamment, René Haby a non seulement établi un plan de titularisation visant à résorber une bonne partie des non-titulaires (faussement d’ailleurs puisque leur recrutement n’a jamais cessé) mais à répondu à une autre demande syndicale, la baisse des effectifs par classe.

Car, et là on arrive au cœur de notre sujet, comment prétendre ouvrir l’école en maintenant un nombre d’élèves par classe supérieur à 25 ? De là la réforme Haby, qui, prétendant répondre à une demande syndicale transformait en fait déjà l’approche ministérielle de l’école en approche comptable.

Depuis ce temps, l’école n’a cessé de subir des réformes, des gouvernements de droit comme de gauche qui n’ont cessé, sous couvert d’améliorer une école de l’échec en école de la réussite (vive les grands mots !), de dégrader l’école et de faire que les statistiques d’accès des couches sociales modestes à l’université n’ont cessé de se dégrader.

Aujourd’hui, on s’étonne de la proportion d’illettrés issus de l’école en France.

La refondation de l’école que  Pierre Frackowiak évoque sans réellement dire ce qu’elle pourrait être, n’a pas de sens si elle n’aboutit pas d’abord à la prise en compte de tous dans des conditions acceptables pour une réussite réelle et non en trompe-l’œil. En effet, sous Jospin on se souvient d’une forme de dictature qui imposait des méthodes dont les enseignants dénonçaient la fausseté et l’échec. Qu’importe, cela a permis de dénoncer les réactionnaires face aux novateurs, ceux qui refusaient que l’école avance grâce aux sciences de l’éducation, les salopards, quand d’autres prétendaient mettre en œuvre des méthodes qui, en réalité leur permettaient plus de prendre le pouvoir que de faire progresser l’école. Et comme évidemment l’école stagnait et régressait, c’était la faute des conservateurs.

La refondation de Vincent Peillon avait au moins un mérite : elle reconnaissait ce que les enseignants et leurs syndicats connaissaient depuis longtemps, à savoir que le premier verrou à une véritable démocratisation de l’école s’établit à l’école primaire. Le pourcentage d’élèves en échec scolaire au CM2 se retrouvant à la fin de la 3ème à peine augmenté au cours du circuit du collège.

Mais parallèlement vouloir transformer l’école primaire sous couvert de rythmes scolaires adaptés à l’élève en tentant de faire porter le fardeau de l’ensemble aux mairies, est une aberration. En Martinique, les activités périscolaires posent de nombreux problèmes dont les plus flagrants sont le départ des élèves dès 15 heures. Or évidemment ce sont les enfants des familles les plus défavorisés, dans les établissements les moins huppés qui établissent de tels horaires. Ailleurs, ce sont des enseignants qui sont obligés d’intervenir tant le personnel en charge de ces activités, est chahuté puisqu’il n’est pas formé pour cela et qu’avec la meilleure volonté du monde, il n’y arrive pas ! Faire semblant de se voiler la face devant la réalité, surtout venant de la gauche, est intolérable, car, contrairement à ce qu’on peut lire dans les commentaires au texte de Frackowiack, les enseignants sont furieux de voir que ce en croit ils ont cru, ce qu’ils ont appelé de leurs voeux n’est qu’une nième manière de se débarrasser un peu plus financièrement de l’école en transférant les charges de l’encadrement sur les mairies donc sur les contribuables.

Et l’on dira que les enseignants sont assis sur leurs privilèges ?

C’est méconnaître le métier. L’enseignant a besoin pour se sentir exister de la réussite de ses élèves. C’est bien pourquoi ceux qui sont en ZEP ou en Lycées Professionnels face à des élèves qui refusent de travailler, qui interdisent aux 2 ou 3 élèves qui pourraient s’en sortir, d’apprendre, c’est bien pourquoi les professeurs dans ces conditions disjonctent les uns après les autres et fuient ces établissements. Faire croire qu’enseigner se réduit à des méthodes est une galéjade que seuls des gens qui n’ont pas exercé tout au long de leur vie peuvent dire.

Mais, à force de diminuer les heures d’enseignement par discipline, à force de considérer qu’il n’y a pas de niveau – le redoublement ne sert à rien dit-on, certes, mais au moins il souligne un nécessaire niveau pour la classe supérieure -, on se retrouve avec des élèves qui sortent illettrés, qui considèrent à juste titre que l’institution les a trompés, mais on trouve aussi des enseignants aigris qui se contentent de considérer qu’ils font un temps de présence dans l’établissement et basta !

On assistera de plus en plus à un système déshumanisé, où l’individu sera confronté à un système informatisé comme dans les MOOC, ces enseignements qui se vulgarisent à toute vitesse au niveau universitaire, mais qui renvoient l’élève à son échec, sans que jamais le système ou l’enseignant ne puisse être mis en cause.

Et après tout, n’est-ce pas le but recherché ? Désamorcer l’école comme on voudrait désamorcer la sécurité sociale pour faire en sorte que le monde politique puisse garder le pouvoir sans contestation....

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