Le jeu à la mode semble consister à se faire peur, et tout en rejetant la politique de Nicolas Sarkozy, de pronostiquer sa réélection en 2012.
Ainsi, certains voient dans les primaires socialistes, le germe d'une nouvelle (?) division entre les ténors du principal parti d'opposition, et ils se persuadent que, de zizanie en zizanie, le PS ira à l'échec favorisant de facto la réélection de l'actuel Président. Certes, ce scénario catastrophe fait évidemment partie des possibles. Reste par contre à savoir si cette vision-là est crédible.
Certes, il ne faut jamais vendre la peau d'un ours avant de l'avoir tué. Mais on oublie aussi que la politique est faite de stratégies personnelles. Ainsi si Ségolène Royal me semble n'avoir aucune chance d'être réellement dans la course de la primaire aujourd'hui, peut-elle se permettre de ne pas aller à la bataille ? Si elle le faisait, elle disparaîtrait aussitôt de la nébuleuse présidentiable. Or cette nébuleuse la fait exister bien au-delà de sa présidence du Poitou-Charentes. Par ailleurs, on ne peut être un homme ou une femme politique et résumer sa carrière à une seule candidature électorale. Il existe au contraire toute une dynamique qui positionne - à ce niveau de prétention politique - l'individu et lui impose un ensemble de décisions. Tout le monde sait que la carrière de Ségolène Royal a besoin de cet adoubement d'une candidate à la présidentielle : c'est cette étiquette qui lui donne un statut au-dessus du commun des socialistes, qui l'autorise à faire entendre une voix supposée entendue et compétente. Et ceci est valable de la même manière pour les futurs candidats malheureux de ces primaires, qu'il s'agisse de François Hollande, de Martine Aubry ou de Ségolène Royal.
Il convient aussi de se rappeler que chacun d'entre eux représente ou finit par représenter un courant dans le parti ce qui les autorise par le biais du parti mais aussi de ses représentants à l'Assemblée à peser sur un Président et un gouvernement. Or, qu'on parle de Ségolène Royal de François Hollande ou de Martine Aubry, chacun, s'il arrive 2nd ou 3ème aux primaires, reste dans la course à la présidentielle dans 5 ans ou 10 ans. C'est affaire d'âge, d'opportunité et de persévérance. A défaut d'être président de la République on peut être premier ministre ; à défaut ministre d'Etat . Outre le fait que cela vous met en bonne position pour poursuivre votre ascension politique, cela n'est négligeable ni en terme de pouvoir, ni en terme de revenus.
On oublie souvent qu'un homme ou une femme politique est tenu, à un moment donné de faire des choix entre son métier et sa carrière d'élu. Et que le choix fait de la carrière politique contraint tout individu à songer à ce qu'il peut devenir en cas d'échec électoral, et à ses moyens de subsistance lors d'une retraite voulue ou forcée.
Tout ceci impose donc aux hommes et aux femmes politiques qui accèdent à l'ambition (feinte ou réelle) d'un mandat présidentiel, de se maintenir dans la course au plus haut niveau afin de pouvoir exister, jouer un rôle et espérer un jour où l'autre se présenter comme le seul recours possible. Il y a donc un facteur temps, une projection dans le futur qu'il convient de ne pas ignorer lors de toute lutte politique, même à l'intérieur du parti.
Autre élément à prendre en compte, l'adversaire politique déclaré, l'actuel président de la République et l'UMP en l'occurrence pour les socialistes. Peut-on imaginer une seconde que le Président de la République et les siens ignorent les sondages ? On oublie peut-être qu'en permanence les Préfets à la fois par les renseignements généraux, mais aussi par d'autres cellules (en Martinique au moins l'Etat-major de la gendarmerie) font remonter des chiffres et des analyses de la situation économique et du pouls de la population. On oublie que les hommes au pouvoir cernent en permanence leur électorat, ce qu'il pèse, et où il leur faut conquérir d'autres voix. Ceci suppose donc que Nicolas Sarkozy soit parfaitement au courant de la situation et de ses grandes chances de perdre les élections présidentielles en 2012.
Peut-il pour autant s'avouer vaincu ? S'il le faisait, il dévisserait aussitôt dans les sondages et perdrait toute crédibilité. Peut-il adouber François Fillon à sa place ? Oui s'il se sentait atteint par la maladie ou une limite d'âge, ce qui n'est pas le cas. Et il le ferait dans les conditions actuelles qu'il déstabiliserait plus fortement encore son électorat réel et potentiel. Par contre, dans une situation désastreuse comme celle que nous connaissons, personne à droite n'ignore que la tâche de la gauche sera particulièrement ardue, voire impossible, et que le risque que court la gauche en héritant de la situation économique actuelle, c'est tout simplement de perdre les élections suivantes et de préparer le retour de la droite....Qui me dira que Sarkozy l'ignore ?
Dès lors, les vrais écueils ne sont pas forcément dans des primaires et des divisions liées à des individus : la vie politique impose à ceux qui s'y lancent d'accepter souvent le rapport de forces d'une situation donnée - ce fut vrai pour Giscard avec Chirac comme pour Chirac avec Sarkozy voire pour Mitterrand et Rocard - . Par contre, sans pouvoir, un parti s'étiole et les hommes qui le composent se retournent. On le voit bien en ce qui concerne le Modem.
C'est dommage, notre classe politique semble en effet oublier qu'on peut peser lourdement sur la politique du pouvoir en place, en étant dans l'opposition, à condition que celle-ci soit crédible, largement assise sur la population et qu'elle ait su prendre le rôle de phare. Depuis bien longtemps, on a plutôt le sentiment que l'opposition reprend les rênes du pouvoir par rejet de ce dernier et non par véritable reconnaissance de ses capacités de leadership, et ses compétences en matière de gestion....