Quoi ? Qu’est-ce qu’on apprend ? Trente-cinq ans après la lutte victorieuse des paysans du Larzac pour boucler le caquet à la Grande Muette et son projet d’extension du camp militaire, voilà que le ministère de la Défense remet le couvert ! Enfin, plus discrètement quand même…
Fin juillet, le gouvernement a en effet annoncé que le camp de La Cavalerie (c’est bien son nom) allait être « densifié », selon les termes fleuris des galonnés parisiens. C’est la 13e « demi-brigade » (sic) de la légion étrangère – 400 braves costauds – qui devrait poser ses bardas dans les causses de l’Aveyron, bénéficiant d’un appréciable changement climatique car elle est basée actuellement aux Émirats arabes unis. Pas question, pour l’instant, de repousser les barbelés du camp au delà de ses frontières actuelles. Mais on entend déjà quelques anciens combattants du peace and love déterrant la hache de guerre calumets au bec et proclamer que le « Sud Aveyron est décrété zone militaire ! ». Mais dites-leur que les temps ont changé, que les ruraux en sont plutôt à crier « Gardarem la garnison ». Le fromage de chèvre, c’est has been.
Après tout, l’arrivée en masse des légionnaires ne pourra qu’apporter, comme le dit le sage sénateur du coin Alain Marc, du « sang neuf » dans la région. Passons sur les blagues douteuses qui ne manqueront pas de fuser sur l’amélioration du patrimoine génétique des chèvres et de brebis cajolées par de fringuants bidasses venus du chaud. Sérieux. Le Larzac est une région sinistrée, et comme les produits agricoles sont encore ses plus précieux joyaux, sachant que l’agriculture est soumise à une guerre économique permanente, pourquoi se passer de ces professionnels dévoués ? Les vaillants légionnaires seront ravis de se battre pour hisser l’aligot AOC en tête des exportations tricolores, aller labourer nuit et jour les champs rocailleux pour y faire pousser de l’herbe plus verte que verte, ou creuser des tranchées à mains nues pour irriguer les sèches vallées du Larzac histoire de terrasser le maïs et le soja yankee avec des OGM bien de chez nous. Après tout, la couleur de la légion, c’est le vert. Le vert fier, celui de l’espoir guerrier, pas le vert pâle des objecteurs de croissance. Taïaut !
(Editorial du n° 5 de Zélium - numéro dédié à l'ère merveilleuse de l'accro-alimentaire – malbouffe, agroindustrie, arrières-cuisine et recettes magiques…)