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Billet de blog 27 août 2015

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L'usine chimique de Tianjin prochaine attraction touristique

Xitang Travels Ld, une agende de voyage présente dans toute la Chine, vient de mettre à jour son catalogue pour proposer aux touristes des "excursions sécurisées" dans la zone de l'usine qui a explosé le 12 août à Tianjin dans le nord-est du pays. Selon son directeur général, cité par l'agence Chine nouvelle (Xinhua), "les autorités municipales ont fait part d'une forte demande de la population de pouvoir aller prendre des photos des ruines au plus près du désastre, c'est cela qui nous a incité à proposer ce nouveau produit". 

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Xitang Travels Ld, une agende de voyage présente dans toute la Chine, vient de mettre à jour son catalogue pour proposer aux touristes des "excursions sécurisées" dans la zone de l'usine qui a explosé le 12 août à Tianjin dans le nord-est du pays. Selon son directeur général, cité par l'agence Chine nouvelle (Xinhua), "les autorités municipales ont fait part d'une forte demande de la population de pouvoir aller prendre des photos des ruines au plus près du désastre, c'est cela qui nous a incité à proposer ce nouveau produit"

Oui, c'est bien une blague. Pourtant cette vrai-fausse nouvelle a tout d'un fait vraisemblable. Le morbide et le macabre sont des ingrédients prisés par les tour-operators en manque de nouveautés. Tenez, prenez par exemple Sichuan China Travel Service, une entreprise bien réelle, celle-là. Une agence de voyages qui propose de « découvrir les dégâts du tremblement de terre du Wenchuan [du 12 mai 2008], le plus meurtrier de l'histoire contemporaine ». C'est l'un des sites choisis par le photographe Ambroise Tézenas pour llustrer un livre plein de "désolation"*.

Après tout, à Dallas, cela fait des lustres que la société Heritage Tour propose un « circuit » d'une journée « sur les traces de l'assassinat de JFK », avec un crochet par le Sixth Floor Museum (où Oswald est censé avoir tiré) et un petit tour à l'entrée du parking du palais de justice (où le même Oswald s'est fait buté en direct à la télé)... Les ruines du World Trade Center ont été nettoyées, mais on se presse pour faire des selfies devant le monument érigé depuis à Manhattan. A Soham, en Grande-Bretagne, les cars de touristes affluent toute l'année pour saluer la mort de deux fillettes, en 2002. Et que dire du mausolée à la gloire de Lady Diana, pont de l'Alma à Paris?

Et il y en a d'autres, des voyages chelous. Quel point commun, par exemple, entre Auschwitz et la prison de Karosta, en Lettonie ? Pareil: un tour operator. L'ancien camps de concentration nazi d'Auchwitz-Birkenaü, en Pologne, a été "visité", en 2011, par 1,4 million de curieux. Et à Oradour-sur-Glane, on peut toujours se balader dans ce village de Haute-Vienne, laissé tel quel après l'extermination totale de sa population en 1944. Quand on sait que le "nid d'aigle", l'ex-résidence d'été d'Adolf Hitler en Bavière, se visite comme un musée, ça laisse rêveur. La commémoration des massacres est un bon fillon. Le "musée du génocide de Tuol Sleng" (Cambodge), une exposition mémorielle sur les massacres des Khmers rouges dans les années 70, est situé dans l'ex-prison mouroir « S. 21 ». Au Rwanda, il existe un « Gorilla Safari Genocide Memorial Tour », qui mêle massacre de masse et découverte animalière.

En Lettonie, en mémoire de l'oppression soviétique, Karosta est devenue « l'unique prison militaire ouverte aux touristes en Europe », et en prime on peut s'inscrire au jeu de rôle « Evadez-vous d'URSS » pour vivre une vrai nuit d'angoisse sur l'ancienne frontière… Chez les voisins baltes du Parc Grutas (Lituanie), on a conçu un parcours de 2 km dans la nature avec miradors, sculptures ou autres vestiges de l'oppression soviétique pour le plaisir des yeux. Visitez aussi les "musées de la résistance" érigés en Iran ou au Sud-Liban sur les décombres des dernières guerres meurtrières du proche-orient – à Mleeta, au Liban, il y a même un parcours de paintball!

Les catastrophes naturelles attirent aussi toujours autant de curieux – la Nouvelle Orléans après Kathrina, le Népal d'après séisme, l'Indonésie d'après tsunami, ou tout autre vestige témoin des ravages de la nature. Ou de celle des hommes: Nagazaki et Hiroshima ont vécu cette année un bien triste anniversaire – qui a fait bondir les chiffres touristiques. Quant à Fukushima, la population n'est pas encore prête à ouvrir des chambres d'hôtes. Il faudra attendre au moins 20 ans avant qu'un parcours touristique puisse voir le jour – exactement comme à Tchernobyl, où une petite « excursion » vous emmène dans la « zone d'exclusion » le temps de faire un selfie devant le réacteur n°4 de la centrale qui a explosé en 1986.

Ça vous donne des pistes pour des vacances originales… Chez Zélium, la satire toujours vers le haut. Alors on a décidé, dans notre n°4 dont le thème porte justement sur le tourisme et les voyages**, de zapper le gros dossier journalistique rébarbatif et de concocter pour nos lecteurs adorés un jeu de l'oie inédit en 29 cases pour jouer entre amis tout en s'excitant les neurones (cf plus bas un aperçu de ce poster que l'on retrouve en pages centrales).

* Tourisme de la désolation, Actes Sud, 2014.
** Zélium n°4, en kiosques jusqu'au 19 septembre (cliquez ici pour le trouver près de chez vous)

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