Je songe à mes quelques dettes auprès d'instances médicales et d'amis. Sur le bord de la fenêtre de mon HLM, j’accoste le travailleur du chantier d'à côté pour lui taxer une cigarette. Un café, une clope, le petit déjeuner de la précarité. Le relevé de compte ne ment pas : des achats chez Lidl, chez Noz, à l'épicerie du coin. Un craquage dans une boutique de cosmétiques low cost : je me mords la lèvre, je n'aurais pas dû faire cet achat.
Je me demande si mon ancien petit copain travaille à plein temps désormais. Ses parents le menaçaient, chaque année d'études de plus, de lui couper les vivres. Je pense à mon coloc qui gruge les bourses depuis un sacré bout de temps qui prie pour que le Crous ne lui demande pas de rembourser cet argent. A mon ami, à Paris, qui débute son master dans un cursus réputé, et qui a tout misé là-dessus en contractant un deuxième prêt étudiant.
Aujourd'hui, je n'ai pas le temps de penser à tout ça, je dois plancher sur un sujet : « Peut-on tirer des leçons de l'histoire ? ». Avec mes chaussettes dépareillées, mon sarouel, mon t-shirt XXL d'un groupe de punk français et mes cheveux ébouriffés, on ne penserait pas que je prépare les concours pour être professeure de philosophie.
Peut-on tirer des leçons de l'histoire ? On sait bien qu'on le devrait, mais on ne le fait pas. On n'a même plus le temps de penser. Je songe que la précarité, c'est du temps volé. Du temps à rassurer les autres sur le fait qu'on les remboursera un jour, du temps à se demander qui solliciter, du temps à penser où aller glaner, du temps à guetter les promos, du temps à appeler la CAF, et même du temps à se laver les fesses lorsqu'on n'a plus de papier pour se torcher.
Alors, peut-on tirer des leçons de l'histoire ? Oui, le mois prochain, je ferai passer l'achat de PQ en priorité.